Introduction de Giulietto Chiesa
Pandora tv présente une interview à Vladimir Poutine en tant que document historique d'une certaine manière, parce qu'il remonte à 2004, tout de suite après l'intervention américaine en Iraq, et tout de suite après la dispute sur les missiles en Europe, qui auraient du contraster les missiles iraniens et de la Corée du Nord. Un moment très important parce que c'était quatre ans après la première élection de Poutine à la présidence de la Russie, et de cette interview émerge que Vladimir Poutine à ce moment-là avait déjà les idées très claires, il avait changé d'idée sur l'Occident, de manière radicale, et il le dit avec une grande netteté, il envoie un signal à l'Amérique, à ce moment-là l'Amérique de Georges Bush jr, et il dit quelles sont ses intentions. Il est très important de l'écouter aujourd'hui, à dix ans de distance, parce que entendre Poutine maintenant explique beaucoup de choses qui ont eu lieu dans ces dix dernières années. La conclusion de Poutine est sans ambiguité, en 2004 il dit textuellement, "Washington ne veut pas d'alliés, il veut seulement des vassaux, il ajoute, ils veulent commander, mais avec la Russie cela ne fonctionne pas", une phrase très importante répétée et soulignée par Poutine lui-même même avec le ton de la voix. A Washington ils prirent note évidemment, que Poutine ne pouvait plus être leur homme, ils étaient habitués à Eltsine et là ils se trouvaient devant Poutine, un autre dirigeant, un autre président. Entretemps ils ont fait les comptes, sont passées dix années, il y a eu une tentative de remettre à plat les relations, mais ce n'était pas une tentative très sincère à ce qu'il paraît et ils ont décidé de frapper. La crise ukrainienne seulement de cette manière, peut être comprise, ce n'est pas un accident de parcours, c'est la fin d'une parabole, la partie commença à ce moment là. Ecoutons donc Vladimir Poutine qui envoie le message initial de cette partie qui est encore ouverte depuis dix ans, et qui pourrait se conclure de manière très très dramatique.
Giulietto Chiesa
http://www.youtube.com/watch?v=u1vSLDWUDcw
Vladimir Poutine : "La Russie s'est engagée à ne pas concentrer des quantités de forces militaires déterminées dans certaines localités de son territoire. Mais qu'est-ce cela ? Sommes-nous une colonie ? Peut-on concevoir une chose pareille ? Ce serait comme prétendre que l'Amérique ne peut pas délocaliser ses forces militaires, sur son propre territoire, comme ça lui convient ?"
Gerhard Schröeder : Voici deux postes de haute responsabilité que je ne voudrais jamais occuper. Le premier est celui du pape à Rome. Parce que je ne veux pas l'expliquer ici. Mais je ne voudrais jamais être président de la Russie, parce que la Russie est un pays gigantesque, habité par des peuples qui sont totalement différents les uns des autres.
Voix off : Situation de l'an 2000. Les Etats Unis d'Amérique commandent le monde. En Europe les positions de commandement sont celles de l'Allemagne, de la Grande Bretagne et de la France. Si nous voulons être honnêtes nous devons reconnaître que aucun de ces quatre ne désire que la Russie devienne un pays fort. Au contraire, pour l'Occident il est avantageux que la Russie soit petite, faible et soumise ; qu'elle donne du gaz, du pétrole, et toute autre ressource naturelle sans faire d'objections et sans demander rien en échange. Humiliant ? Mais c'est ainsi. Et la vérité exige qu'on la regarde droit dans les yeux. Le nouveau président est capable de le faire. Et c'est la raison à cause de laquelle en Occident on a commencé aussitôt à ne pas le supporter. Mais, si celui-ci a été le bienvenu, il faut qu'ils s'attendent à une réponse analogue. Le programme d'une guerre à large spectre pour la supériorité sur la nouvelle Russie a été mis en action depuis le début des années 90 ; le déploiement de missiles anti-missiles en Europe Orientale est seulement une partie de ce programme. Entre autres celui-ci est mis en pratique avec le prétexte de construire une barrière contre les têtes nucléaires présumées de l'Iran et de la Corée du Nord.
V. Poutine : Certes on peut imaginer que des menaces de ce genre émergent dans le futur. Mais le fait est qu'elles, aujourd'hui, n'existent pas. Et ce qu'ils disent aujourd'hui n'est vrai en rien. Aujourd'hui il n'y a ni menaces depuis l'Iran, ni depuis la Corée du Nord. Et cela nous l'avons déjà démontré milles fois. En ce moment la défense anti-missile est évidemment orientée à neutraliser le potentiel des missiles nucléaires de la Fédération Russe. Pourquoi dis-je cela ? Parce que les radars qui sont placés le long de nos frontières, et les systèmes correspondants anti-missile, couvriront tout notre territoire jusqu'à l'Oural, c'est-à-dire qu'ils mettront sous contrôle toutes nos forces de missiles basées à terre existant dans cette aire. Voilà tout. Eux nous disent : n'ayez pas crainte, ils ne seront pas employés contre vous. Mais du point de vue technique, cela deviendra par contre possible. Et eux ils ne sont disposés à nous donner aucune garantie que cela n'arrivera pas, même pas sous forme de documents écrits. Ce sera bien que nous n'oublions que les Etats Unis ont été jusqu'à maintenant les seuls qui ont employé l'arme nucléaire dans un conflit. Et ils l'ont fait contre un pays qui n'avait pas l'arme atomique. Contre le Japon. Alors ? Est-ce que nous l'avons effacé de la mémoire ? Pas nous ! Nous n'entendons pas l'effacer, nous ne pouvons pas ! Nous réagirons face aux menaces qui surgissent contre notre pays.
Je veux maintenant dire des choses très simples à cet égard. Très simples, compréhensibles. Dans les faits elles sont à la base de tout ce qui est en train d'arriver à nos rapports avec les Etats Unis d'Amérique. Nous, comme les Etats Unis, sommes les seuls à posséder la triade nucléaire : à terre, dans le ciel, dans les océans. Et la quantité des missiles, et leur puissance, et la capacité de les diriger sur les objectifs, sont toutes comparables, soit équivalentes. Et de tout cela dépendent beaucoup de décisions qui visent, entre autres, à limiter les capacités de dissuasion de la Russie. Lorsque, par exemple, dans le Conseil de Sécurité des nations Unies ils nous font voir quelque chose de semblable à de la poudre (allusion à la fiole de Powell), tout en affirmant qu'elle aurait été trouvée à Baghdad, ou quelque part ailleurs en Irak, et avec ce prétexte soi disant que cette chose serait une arme de destruction de masse ils nous disent qu'on peut attaquer un pays, détruire son armée, pendre ses dirigeants, n'importe qui ils soient. Et après on découvre que les armes de destruction massive n'y étaient pour rien. Voilà alors que surgissent en moi des doutes : nos partenaires sont-ils vraiment si sincères ? Et j'ai l'impression que nos partenaires ne désirent pas avoir des alliés. Eux, ils veulent des vassaux. Ils veulent commander. Mais la Russie ne marche pas ainsi.
Voix off : Voilà, si le bienvenu est ceci, alors la riposte sera identique. La Russie sort, avec la décision maxime, de l'accord qui fut signé par Gorbatchev qui limitait les mouvements de ses forces à l'intérieur de son propre territoire, et sort de l'accord signé par Eltsine concernant la limitation des armes stratégiques Start 3. En d'autres termes la Russie défait les liens qu'elle avait accepté que lui soient imposés et qui avaient fini par dégrader sa propre force militaire. Une lente mais ferme action bien orientée pour la modernisation de ses forces a commencé alors, afin de rétablir celles qui furent abandonnées au cours des années 90.
V. Poutine : Nous voyons comment on est en train de préparer une campagne militaire contre nous. Et nous voyons où se prépare la suprématie contre nous. A cause de ceci nos forces armées doivent se préparer au lendemain. Soit pour les armes conventionnelles soit pour le potentiel nucléaire stratégique. Entre autres, sous certains aspects nous sommes déjà d'un demi-pas avant les Etats Unis. Eux ils ont certaines supériorités spécifiques, surtout en mer, en particulier la flotte, mais nous avons les nôtres.
Voix off : Parmi ces supériorités on peut évoquer le missile Topol M, le nouveau missile inter-continental Yaz, et le missile balistique Bulava, délocalisé à bord des submersibles nucléaires.
V. Poutine : Je n'ai rien dit de nouveau, ou de surprenant, pour personne. Le monde change et nous ne pouvons agir sur la base de schèmes qui se formèrent après la seconde guerre mondiale. Même avec les alliés on ne peut plus parler comme autrefois. De nouveaux dangers se manifestent, de nouveaux centres de forces se dessinent et tout cela doit être pris en compte, parce qu'il peut arriver que quelqu'un en soit brûlé. Et nous devons créer une situation plus sûre, parce que si nous ne le ferons pas, surgiront tout le temps des conflits.
Voix off : Et maintenant voyons ce qui est resté sur le fond : dans les dernières douze années, d'un pays à peu près en morceaux, dégradé, sur le bord de la catastrophe, auquel on s'adressait tout autour par le mépris, émerge une Russie qui, de nouveau, peut jouer un rôle essentiel dans l'arène mondiale, avec les Etats Unis, la Chine et l'Europe Occidentale. Cela a été possible grâce à une action diplomatique ferme, pragmatique, soigneusement réfléchie. Bien que dans les 12 dernières années les frontières de la Russie n'aient pas été modifiées, la Russie a occupé une place de loin majeure sur la carte politique du monde. C'est important, très important, il faut s'en rappeler. Et tout cela doit être défendu et protégé.
publié le 25.09.2014
traduit du russe par Pandora TV