STEPHANE RIAND (avatar)

STEPHANE RIAND

Avocat; rédacteur à L'1dex (www.1dex.ch);

Abonné·e de Mediapart

496 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 août 2013

STEPHANE RIAND (avatar)

STEPHANE RIAND

Avocat; rédacteur à L'1dex (www.1dex.ch);

Abonné·e de Mediapart

Oprah Winfrey n'est pas un visage pâle

STEPHANE RIAND (avatar)

STEPHANE RIAND

Avocat; rédacteur à L'1dex (www.1dex.ch);

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Oprah Winfrey n’est pas un visage pâle. Avec son teint hâlé, elle a immédiatement, par la grâce de ses relations interconnectées et par celle de son ami Larry King, saisi le monde entier des relations inamicales qu’elle a senties dans une boutique de luxe de la Banhofstrasse à Zürich. Une vendeuse aurait pensé que le sac made à la sauce Jennifer Aniston en vitrine n’aurait pas pu être dans ses moyens. La boutiquière lui aurait présenté des exemplaires de qualité et de prix différents.

A la sauce sociologique cet incident « international » a donné lieu à du dévergondage verbal tous azimuts. Oprah contre Trüdi. Un peu plus encore et Mohammed Ali aurait proposé l’organisation d’un combat de boxe entre ces deux femmes. La fierté noire et américaine face à l’une des courtières du luxe suisse que l’on imagine en tailleur bleu marine avec un fouloir Hermès autour du cou. Un peu plus et on croira que je suis un anti-féministe.

Un regard différent sur la scène peut inciter à une analyse psychologique différente. A ma droite, dame Winfrey qui s’en est sortie dans ce monde de mâles blancs affreux et dominateurs par la force de son poignet. Et qui n’accepte pas que l’on puisse ne pas connaître son degré de notoriété et de capacité à s’inscrire dans le clan des puissants, fut-elle noire et sans pâleur. A ma gauche, une vendeuse subalterne, au salaire de convention collective, n’osant pas dire le prix indécent d’un sac contemporain et préférant présenter à une cliente, dont la couleur de teint lui était indifférent, un objet de valeur moindre et plus en proportion avec ce qu’elle-même imaginait correct comme investissement vacancier.

La sociologie crée un instant de racisme helvétique, la psychologie, du même moment, en fait un espace d’incompréhension entre deux individus de classe différente. Jamais la vendeuse ne parviendra à s’offrir un crocodile de sac, plus jamais Oprah la victime victorieuse ne voudra comprendre l’éclair de retenue qui a pu exister dans l’esprit d’une femme travailleuse ne pouvant intérieurement admettre qu’un sac pût être « capitalistiquement » offert pour un prix de 38’000 francs suisses.

D’autres diront que la présentatrice américaine, dont le show n’est pas en « prime time » à Glaris ou à Appenzell, a été vexée qu’on ne la reconnaisse pas et a su simplement créer le buzz en ce moment de profond amour entre la Suisse et les pays anglo–saxons. D’autres rétorqueront que le magasin, confronté à un vrai et inexcusable acte de racisme, a imaginé une autre version plausible aux yeux de tous ceux – et nous sommes nombreux – qui ne se trouvaient pas à Zürich, à la Banhofstrasse, près des « Trois Pommes » ce jour-là.

Oprah n’est pas un visage pâle, la côtoyer peut faire naître sur votre âme, à défaut de votre peau, quelques ombres. Trüdi, elle, n’a pas la peau noire et ne dansera jamais au rythme médiatique de celle qui a eu un bref instant la faiblesse de vouloir acquérir un sac en croco sans invoquer préalablement son inoxydable célébrité.

Après ce buzz – ou cet acte de racisme auquel Oprah Winfrey a été confrontée – (chacun jugera la chose avec son regard intime), on imagine la belle journaliste écouter dans son palace d’un soir, bien loin du studio de Pfäffikon de l’employée vendeuse, le tube de Tina Turner, la nouvelle mariée, « Acid Queen ».

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.