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Billet de blog 29 août 2013

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Catalogne, 11 septembre 2013 : l'histoire est en marche ... (1)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Par Béatrice Riand)

Je suis née de père valaisan et de mère catalane.

Cent fois je l’ai entendue rectifier : catalane, pas espagnole.

Les étés de mon enfance me voyaient perdre mes repères, et des montagnes à la mer, je changeais d’univers. Une autre langue, une autre cuisine. Une nature différente, des odeurs de là-bas, et pas d’ici.

Une arrière-grand-mère, deux grands-parents, des oncles, des tantes et des cousins.

Je pensais en catalan, je rêvais en catalan. Je devenais catalane.

C’était le temps de Franco, le Caudillo. Celui qui a écrasé la Catalogne, dernière province d’Espagne à lui résister. Si le Généralissime n’a point osé s’attaquer au mythique Barça,  de peur d’un nouveau soulèvement populaire, la pratique du catalan fut interdite dans les écoles … il y a dans ce pays toute une génération qui ne sait  pas écrire sa langue.

C’était le temps de la dictature, et le pays était triste. Et Barcelone grise.

On avait peur des policiers … des brutes. Les familles se taisaient.

Mon arrière-grand-mère m’apprenait son passé, parfois en larmes devant une photo de l’un de ses frères, comme apaisée de se raconter. Et je m’en veux d’avoir oublié. Je m’en veux de ne pas avoir montré plus de curiosité, en apprenant qu’elle avait caché des nonnes et un prêtre. Elle, si pieuse, ne pouvait que craindre les communistes.

Mon grand-père, lui, me parlait de la Guerre civile, et des blessures qu’elle a infligées au pays. Du cruel dilemme … pour se libérer, il fallait tuer. Et les frères se dressaient contre les frères, les cousins contre les cousins. Le sang qui coulait maculait le pays comme les familles.

Je me souviens de ma grand-mère, qui me prenait par la main pour m’emmener jouer avec des enfants catalans. Je ne pouvais pas jouer avec les autres, les Maures. Ils étaient de l’autre côté de la rue, ils parlaient une autre langue. Ils n’étaient pas catalans. Pour elle, c’était important.

Que je parle catalan.

Et puis le temps a passé. Franco est mort. Mais Barcelone est restée grise … la Constitution de 1978 affirme que l’Espagne est une nation indissoluble, même si elle accorde une part d’autonomie à ses provinces.

Le temps a passé, j’y suis retournée … encore et encore. Toujours.

J’ai la nostalgie de la langue, la nostalgie de ce pays qui me renvoie à mon enfance.

C’est ma terre, j’apprends à la connaître, à connaître son histoire. Je la parcours, je la visite. J’y ai de amis … et ils veulent que mes filles jouent avec leurs fils. Qu’elles apprennent le catalan. Qu’elles le comprennent ne suffit pas. Pour eux, aujourd’hui encore, toujours, c’est important.

Le 19 juin 2006, la Catalogne est définie comme « une réalité nationale » par Madrid, alors que le préambule du même statut la définit comme une nation.

Aujourd’hui, l’histoire est en marche. Depuis quelques années, elle se prépare … et ce pays dans le pays, ce pays-là, par le biais de ses citoyens, réclame le droit de choisir son destin.

Le 11 septembre 2010, la Catalogne, riche de 7,5 millions d’habitants, dira au monde entier sa volonté d’être un nouvel état européen.

Et moi, d’ici alors que je rêve d’être là-bas, je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

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