Début de semaine cauchemardesque pour les socialistes : que dire sur la nouvelle affaire DSK ? La prudence est de mise. Mais les éléments de langage qu'on a retrouvé de déclarations en déclarations n'ont-ils pas trahi quelques problèmes idéologiques de fond, et notamment un très certain déficit de féminisme ?
« Toute cette histoire ne lui ressemble pas » (Cambadélis).
La phrase du principal porte-flingue de DSK a été reprise en boucle, comme l'élément de langage obligé. Au mieux, cela semble peu crédible et hypocrite, surtout de la part de ceux qui revendiquent être ses proches : au moment de sa désignation au FMI, puis lors de l'affaire Piroska Nagy, quelques rares articles en France (Médiapart), dans la presse internationale (repris par Courrier International), le fameux sketch de Stéphane Guillon faisaient de la sexualité débridée – et pas seulement un appétit à tendance addictive mais une fâcheuse tendance au harcèlement - plus qu'un secret de polichinelle chez les socialistes et les journalistes. Mais ce choeur des étonnés ne cache-t-il pas autre chose : dès à présent ouvrir les parapluies, dire « on ne savait pas » pour ne pas avoir à rendre des comptes sur ce qui a commencé à sortir (voir le journal de France 3 Haute-Normandie http://haute-normandie.france3.fr/info/affaire-dsk-anne-mansouret-temoigne-68788942.html) et ce qu'on a peut-être laisser passer hier ? Si c'est le cas, faute d'avoir fait eux-mêmes le ménage à temps, les socialistes laisseront une fois de plus un boulevard au Front National que Marine Le Pen et les Identitaires n'ont pas tardé à emprunter...
« Ma pensée va à sa famille, à ses proches, à l'homme qui traverse cette épreuve » (Ségolène Royal).
Tous les socialistes ont eu des mots attentionnés pour DSK et sa famille. On les comprend. Mais ils ont oublié quelqu'un : il y a aussi une personne qui s'est déclarée victime dans cette affaire.
Seule la verte Cécile Duflot a pensé à la « jeune femme qui se trouve dans une situation insupportable », et a systématiquement évoqué aussi bien le (présumé) agresseur que la (présumée) victime lors de ses rares déclarations sur l'affaire. Problème : les socialistes ont évoqué « les grands principes » pour baliser leurs réactions à l'annonce des malheurs de DSK, en l'occurrence la « présomption d'innocence ». Mais le féminisme, le droit à disposer de son corps n'en font pas partie ? La lutte contre le viol n'est-elle pas importante pour les socialistes ? Ont-ils oublié cette longue histoire de lutte de la classe ouvrière contre le droit de cuissage ?
« Vérifions les choses, établissons ce qui est la réalité des faits ou ce qui est de la provocation » (Moscovici). Le complot est toujours possible. Mais, dans une affaire de viol, évoquer de la part de la victime une « provocation » ne rappelle-t-il pas tristement ces vieux discours violemment sexistes sur les victimes de viols qui « l'auraient bien cherché », par exemple en s'habillant de manière « trop sexy » ? De la part d'un proche comme Moscovici dire n'avoir « jamais senti chez lui la violence », ne pas l'imaginer « forcer les choses », est-ce un arrangement avec la vérité ou la traduction de la difficulté pour beaucoup de mâles à comprendre que « quand c'est non, c'est non » ?
Certes, dans l'histoire du mouvement ouvrier, il y a des choses qui ont laissé de mauvais souvenirs. Déclarer quelqu'un coupable par avance, ou en tout cas se désintéresser de son sort parce qu'il fait partie de la classe dominante (les guesdistes et l'affaire Dreyfus). Dénoncer la « double morale de la bourgeoisie » (afficher une morale de fidélité et aller au bordel) pour mieux verrouiller la sexualité ouvrière (avec l'homosexualité en ligne de mire). Détruire la réputation de notables en les accusant faussement de violences sexuelles pour mettre en scène la lutte de classes (les maoïstes et l'affaire de Bruay en Artois). Mais se défier de ces travers oblige-t-il à passer par pertes et profits la défense des plus faibles, le féminisme et un minimum de sincérité et de courage à assumer ses faiblesses d'hier ?