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Toujours tenter, derrière les symptômes, d'identifier la maladie ; derrière les faux-semblants, la réalité (Louis Pasteur).

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Billet de blog 29 novembre 2014

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Pacta sunt servanda ("Les pactes doivent être respectés"). Et pourtant…

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  (De nos envoyés spéciaux Jean Casanova et Patrice Orwell -  25e Forum Philo Le Monde -  Palais des Congrès et de la Culture -  Rue d'Arcole -  72 000 Le Mans    16 Novembre 2013).

           S'il est un thème qui hante nos chroniques et nos billets, c'est bien celui des promesses. Envolées, oubliées, coulées, reniées… la liste est longue des épithètes dont nous les avons affublées ces derniers mois. Dans ces conditions, l'annonce de la communication d'Alain Badiou sur le thème de la Promesse, en marge du 25e Forum Philo du Monde ne pouvait que retenir notre attention, la haute tenue des travaux de ce forum méritant, à notre avis, pour cette ville du Mans une réputation largement plus avantageuse que celle qu'elle s'était taillée jusqu'alors, et pourtant tout à fait honorable, dans la confection de cette sympathique spécialité charcutière de viande de porc ou de canard, cuite lentement dans son jus ( entre 7 et 10 h), vous l'avez tous reconnu, la rillette. Ne parlons pas, à notre avis c'est de peu d'intérêt, du circuit automobile et de ses 24 Heures.

           L'aller et retour sur Paris dans la journée l'autorisant tout à fait, c'est justement autour d'un petit casse-croûte charcutier arrosé, c'était le conseil de notre aubergiste d'un Châteaumeillant rouge, à la table du Jardin Sarthois, plus cérémonieux mais plus calme que le tapageur bar à concert voisin Le Passeport du Cochon Vert, que notre prestigieux septuagénaire acceptait notre invitation. Petit signe d'amitié qu'il adressait à notre Journal, c'est lui-même qui voulut régler la note. Mais arrivons-en tout de suite à notre entretien, mon petit dictaphone disposé entre les terrines, les corbeilles à pain et les verres de vin. Car ce sont ses propres paroles que nous entendons vous restituer et il n'était pas question d'en perdre une miette, ni d'en déformer le sens.

   Alain Badiou, la Promesse, à votre avis, aujourd'hui, est-ce un vocable un peu usé ou défraîchi ?

 La souveraineté partout proclamée de l'individu et de ses intérêts porte nécessairement atteinte à la notion de promesse, laquelle suppose un engagement envers l'autre dont le seul garant est soi-même. Si ma seule richesse est l'abondance de mes désirs et leur satisfaction, pourquoi devrais-je me sentir tenu à un dire dont la visée ou le contenu est justement que l'attente d'un autre soit comblée ? Du coup, la promesse risque fort de n'être qu'un artifice sans engagement réel, une rhétorique du rapport aux autres , une "richesse"  de la ruse. Comme le dit un proverbe méridional : "Il est bien pauvre celui qui ne peut pas promettre". Dans le monde libéral, promettre n'est en effet qu'une ressource de l'habileté concurrentielle.

    Alain Badiou, diriez-vous que si l'Amour ne semble pas pouvoir se passer de promesses, la Politique le peut ?

 La politique devrait se passer de promesses, dans la mesure où elle devrait être le processus collectif d'une décision, prise dans la situation concrète en fonction de principes stratégiques partagés, décision dont les effets sont à tout moment contrôlables et discutables. Le ralliement à une politique doit normalement être le ralliement à des principes incarnés dans l'organisation et l'action, et exprimés en situation par des mots d'ordre praticables. Il n'y a rien à promettre : la politique vaut par elle-même et non par les supposées satisfactions à venir autour desquels on rassemblerait les intérêts individuels.

    Que diriez-vous, Alain Badiou, des "révolutions arabes", des mouvements des places ? Sont-ils autant de promesses non tenues ?

 Que promettaient ces mouvements, du reste fort différents les uns des autres selon qu'y participaient ou non des gens venus des masses populaires et non pas seulement des étudiants ou des membres de la petite bourgeoisie éduquée ? Rien de précis, à vrai dire, sinon le fait que, peut-être, on assistait au retour d'une certaine capacité d'action politique des grandes foules, les masses "montant sur la scène de l'Histoire" comme le disait Trotsky. Ce qui n'est déjà pas mal, après 20 années plutôt désertiques à cet égard. Mais, avec des mots d'ordre purement négatifs, "Moubarak dégage !", peu de principes communs et aucune organisation politique interne au mouvement, on ne pouvait espérer une véritable durée et fécondité de ces beaux épisodes. En ce sens, on pourrait dire qu'ils annoncent, plutôt qu'ils ne promettent, que, dans la crise générale des fausses politiques "démocratiques" de type occidental, surgira probablement la chance historique d'un retour pratiqué, organisé et massif au principe de l'émancipation, à ce que j'appelle pour ma part l'idée de communisme. Nous avons dans ces vastes mobilisations des symptômes plutôt que des promesses.

           Dans le train de retour sur Paris, à Patrice songeur, les paysages du Perche et du Maine défilant à grande allure à travers nos fenêtres, mi-questionneur, mi-fautif, je posai la question : "Ne crois-tu pas que l'on en a un peu trop fait ces derniers temps sur cette question des promesses envolées, reniées…? Car, après tout, c'était accréditer l'illusion, si contradictoire avec l'émancipation, qu'elles auraient pu être tenues ?"

 Et Patrice ironique : " Je crois que tu as tout compris ! La politique doit se passer de promesses. Promettre, c'est demander qu'on se démette".

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