Une France désenchantée va donc se rendre aux urnes dimanche pour le second tour des élections régionales. Du fait de leur niveau de désenchantement présent et à venir les électeurs ont vraiment peu de raisons de s'y rendre en masse, d'où la certitude, une nouvelle fois, d'un fort taux d'abstention...
Désenchantée ? Oui, car elle ne sait pas de quel côté se tourner. D'un côté, la Droite déçoit : Sarkozy n'est décidément pas l'homme providentiel qui allait dynamiser la France ; de l'autre la Gauche, malgré son écrasante victoire à venir, ne doit pas espérer un blanc seing pour les prochaines élections présidentielles : on l'autorisera tout au plus à gérer nos régions, chose qu'elle réussit en général honorablement.
Désenchantée ? Oui également, car les électeurs sentent confusément que leur avenir ne se joue pas sur un renouvellement des conseils régionaux. Certes, les régions gèrent les transports, les lycées, l'action éonomique, etc. Mais avec des moyens financiers tellement faibles qu'en vérité les régions ne peuvent guère changer nos vies. Tout au plus, peuvent-elles en diminuer les difficultés ou feindre de les prendre à bras le corps. Nous le savons, nous sommes dans un pays unitaire qui centralise les principaux pouvoirs et qui décentralise les pouvoirs secondaires.Sans doute, espérons-nous naïvement que de l'unité jaillira la solidarité...
De la solidarité, nulle trace au niveau européen. C'est une troisième cause de notre désenchantement actuel. La France a toujours rêvé sans oser se l'avouer que l'Europe soit un jour une France "en grand". Hélàs, les Allemands n'ont jamais été d'accord. Ils viennent de le rappeler avec force dans l'affaire du "sauvetage grec" qui devra, semble-t-il, se faire aux conditions allemandes, c'est à dire aux conditions du F.M.I et de son principal contributeur, les Etats-Unis, qui ne se sont d'ailleurs jamais imposés les règles de rigueur économique qu'ils prônent pour le reste du monde.
Ces trente dernières années, la France a tenté de ménager la chèvre et le chou en ne cédant pas totalement aux sirènes ultralibérales. Résultat : un pays un peu moins inégalitaire qu'ailleurs mais aussi beaucoup de déficits. Sarkozy a déjà entrepris de la rendre plus inégalitaire afin de la rendre plus compétitive (c'est le modèle allemand). Aujourd'hui, à défaut d'une plus grande compétitivité, les déficits sont plus que jamais là et doivent paradoxalement être creusés régulièrement pour avoir une chance de remporter quelques élections...C'est le dilemme de Sarkozy (et sa limite) : vendre de l'efficacité et du rêve. Les Français semblent commencer tout juste à se réveiller.