En préambule, je précise ceci: le marché des matières premières américains étant le plus important du monde, c'est donc lui qui détermine en partie le niveau des cours mondiaux et la législation américaine, de facto, s'impose au reste du monde.
Il existe un loi, la "Commodity Exchange Act" datant de 1936 qui prévoit des limites sur les positions que les opérateurs étaient autorisés à prendre sur les marchés à terme des matières premières, de façon à empêcher ce qui s'était déjà produit à l'époque.
Plutôt que de faire respecter la loi, la Commodity Futures Trading Comission (organisme américain de supervision des marchés des matières premières, CFTC), acquise aux intérêts des gros opérateurs, les ont aidé à détourner celle-ci.
Comment?
La législation distinguait les professionnels, autorisés à intervenir sur les marchés à termes sans limitations puisqu'ils ne sont censés chercher qu'à se couvrir, et les spéculateurs, qui veulent gagner de l'argent sans être eux-même concernés par les produits qu'ils achètent ou vendent.
Ces derniers, par conséquent, ne pouvaient dépasser certaines limites ni surtout prendre le pas sur les professionnels. Qu'à cela ne tienne: il suffisait de dire que les spéculateurs n'étaient que des opérateurs professionnels et le tour est joué!
La première banque d'investissement à avoir pu bénéficier (je vous le donne dans le mille) est...Goldman Sachs (que l'on retrouve dans le montage financier de la Grèce pour qu'elle rentre dans l'UE, tout en prenant des positions spéculant sur la ruine de son économie, etc...) en 1991 (retenez bien cette date).
Elle bénéficie donc d'une exemption de "couverture de bonne foi. Quatorze banques de Wall Street suivront.
Du coup, il n'y a plus de limites. Un hedge fund ou un fonds indiciel peut acheter par exemple un contrat à terme pour 500 millions de dollars de blé, au-dessus des seuils autorisés, en concluant un simple swap* avec une banque de Wall Street.
Ceci s'est fait dans une quasi-clandestinité. C'est par accident, raconte Matt Taibbi, qu'un administrateur de la Chambre des représentants, invité à une réunion avec les dirigeants de la CFTC, entend parler de cette exemption en 2008 (!!!!, 17 ans après, quelle rigolade). Quand il demande à voir la lettre en question, il se heurte à une réserve gênée, puis à des tracasseries et différents prétextes.
Jusqu'au moment où les parlementaires ont dû rappeler à la CFTC que la loi lui faisait l'obligation de leur fournir toutes les informations qu'ils souhaitaient. c'est ainsi que, dix-sept ans plus tard( je vous avoue que je n'en reviens pas), les lettres d'exemptions de "bonne foi" ont été rendus publiques...
*Swap: contrat d'échange de flux financiers. Les swaps portent généralement sur des taux d'intérêts (taux fixe contre taux variable par exemple), des devises ou des risques mais peuvent concerner une multitude de contrats.
Billet de blog 14 septembre 2011
Comment a été détournée la loi limitant la spéculation sur les matières premières.
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