La tondeuse à gazon est cet engin de jardinage qui provoque régulièrement de sérieux accidents, le plus fréquent étant l’amputation des doigts. Or c’est un fait peu connu du grand public que, chez l’homme, la dernière phalange repousse en cas d’amputation.
Ce phénomène extraordinaire doit légitimement nous émerveiller. Le spectacle des doigts régénérés, chez une personne amputée, provoque une sorte de joie immense : si c’est possible, alors peut-être tout est possible. La régénération des doigts a quelque chose de miraculeux, de merveilleux, comme la rematérialisation d’un fantôme, la résurrection d’un mort. J’ai moi-même « découvert » ce phénomène dans des articles du journal of emergency medecine (http://www.journals.elsevier.com/the-journal-of-emergency-medicine/), où précisément, les cas rapportés sont souvent des personnes amputées lors du maniement d’une tondeuse à gazon. Si vous ne me croyez pas et faites internet vous y lirez que ce phénomène est possible chez les enfants; en réalité, il existe des cas documentés chez des adultes, et même de grands vieillards.
Donc la dernière phalange repousse. Cette possibilité n’a lieu que si le doigt est simplement rincé, et laissé « tout seul » à se reconstituer. Une sorte de moignon cicatriciel se forme, qui peut à peu fait repousser l’extrémité. Des recherches assez poussées (si j'ose dire) ont lieu pour essayer de comprendre ce phénomène et l’étendre à d’autres parties du corps. En réalité, chez certains vertébrés, l’intégralité de la patte repousse (chez les salamandres et tritons).On imagine le succès qu’aurait une thérapie permettant la régénération d’un bras.
Pour être parfaitement honnête le doigt qui repousse est en général plus court que le doigt initial, mais il présente un aspect parfait, souvent pas de cicatrice, repousse de l’ongle, reformation d’empreintes digitales. Bref, c’est du délire.
La régénération de la dernière phalange est un cas documenté de « médecine régénérative », encore que les médecins ne fassent pas grand-chose. De nombreuses recherches ont lieu dans ce sens-là. Soit que l’on cherche à régénérer par les voies naturelles, un organe, soit que l’on régénère un organe par le principe de la « maquette » ; on fait une maquette que l’on ensemence avec les cellules du malade, et que l’on met en culture dans un incubateur, peu à peu, les cellules colonisent la maquette et la digèrent, à la fin vous avez un organe neuf.
Une autre méthode est de faire une impression 3D d’un organe, en remplaçant les godets couleur d'une imprimante par des godets de cellules ; dans une certaine mesure, ça marche.
Les recherches de Connie Xia ont montré qu’on pouvait régénérer le poumon des chiens (c’est déjà pas mal), de même que le poumon se régénère chez les jeunes enfants. Les recherches d’Anthony Atala ont montré qu’on pouvait régénérer la vessie, l’urètre, le vagin, par la méthode de la maquette (plusieurs centaines de patients déjà traités). Dans mon laboratoire, Florence Gazeau et Claire Wilhelm ne sont pas loin de produire des artères artificielles.
On sait que le foie se régénère chez les humains (à partir d’un tiers); chez les tritons la patte se régénère ; chez les crapauds le cristallin se régénère ; etc. etc.
Une émission de radio, ce week-end, s’interrogeait sur le monde dans quarante ans. L’intervenant, dont je n’ai pas retenu le nom, expliquait que dans vingt ou quarante ans, la révolution viendrait de la communication domestique : que « dans la cuisine, le frigidaire dialoguera avec le four ». Non, non, la révolution ce ne sera pas ça. La révolution, dans quarante ans, ce sera la médecine régénérative ; les dents, les cheveux, les principaux organes, seront régénérables à volonté, indéfiniment. Et quelque chose aura vraiment changé.
Ref. http://www.nature.com/nbt/journal/v17/n2/abs/nbt0299_149.html