Il y a vingt ans, le 30 mars 1992 disparaissait mon idole : Manolis Andronikos. Je n’ai pas vu d’hommage dans la presse ou dans le monde culturel, et je le regrette. Manolis Andronikos est l’archéologue grec qui en 1977 a découvert la tombe de Philippe de Macédoine, père d’Alexandre le Grand. Quand j’étais enfant, je voulais être Heinrich Schliemann, l’homme qui avait découvert Mycènes, puis, à partir de 1977, j’ai rêvé d’être Manolis Andronikos.
Le trésor de Vergina est sans doute avec le trésor de Toutankhamon, l’une des plus grande découvertes du XXe siècle. Dans la tombe de Philippe, le larnax en or massif, le lit, les pièces en ivoire représentant sa famille y compris Alexandre. Le carquois de Philippe, ses flèches, et les fameuses jambières en bronze de tailles différentes, qui sont l’indice clé permettant d’identifier Philippe de Macédoine (il avait une jambe plus courte que l’autre).
En grandissant, les rêves ne passent pas, mais ils se transforment. Ce qu’un physicien travaillant au CNRS retiendra dans son activité professionnelle, de la fantastique histoire d’Andronikos, c’est : « la Solution Andronikos ». Depuis plusieurs années, Manolis Andronikos travaillait à la recherche des tombes royales de Macédoine. Il avait identifié un tumulus en Théssalie, à l'ouest de Salonique qu’il pensait être une tombe royale, peut-être déjà dans son esprilt, la tombe. Tous les indices, maigres pourtant, convergeaient vers Vergina. Avec son équipe d’ouvriers, il avait entrepris de creuser le tumulus, par les techniques classiques et éprouvées de l’art, en forant à l’horizontale un tunnel, dégageant pas à pas la terre, en essayant autant que possible de stratifier, enregistrer, documenter la progression.
Et puis, on lui coupa les budgets, il n’y avait plus d’argent, il fallait arrêter les fouilles, plier bagages, refaire des demandes de financement, revenir une autre année, pour une autre campagne. C’en était fini de son rêve.
Alors, la solution Andronikos. Refusant de renoncer alors que, presque seul, il « y croyait », Andronikos décide, contre les règles de l’art, de forer un puits vertical étroit, rapide, depuis l’apex du tumulus, à l’endroit estimé de rencontre avec la chambre funéraire. En quelques dizaines de minutes, il parvient au toit d’un petit bâtiment intact dont seul apparaît la clé de voûte. Il descelle la clé de voûte passe une torche dans la pénombre et découvre sous ses yeux le trône de Philippe de Macédoine, le carquois, les offrandes. Et le reste est de l’histoire.
Aujourd’hui une entrée en dur a été aménagée pour visiter le tumulus, l’exposition « Les tombes Royales de Vergina » a fait le tour du monde.
Dans un précédent billet, j’ai mentionné que le budget récurrent annuel d’un chercheur CNRS est de 1500 euros. J’ai appris cette semaine que le salaire de Mlle Massenet sur Canal + est de 22000 euros par mois, soit environ 15 fois la dotation de base d’un chercheur CNRS. Son salaire annuel est donc d’environ 180 fois la dotation de base annuelle d’un chercheur CNRS.
Que l’on ne s’étonne pas que des chercheurs passionnés, qui y croient, et à bout de ressources, décident de prendre un risque, de tenter le tout pour le tout, de franchir la ligne jaune. Je me demande parfois s’il n’est pas presque souhaitable que les chercheurs vivent dans le manque, si même ce n’est pas délibérément organisé.
Ce qui est certain, c’est que là où l’argent coule à flot, la honte ruisselle aussi par tous les pores.
PS. A sa façon, Dupont-Aignan a pratiqué la solution Andronikos : tournant autour du système médiatique, impénétrable pour lui, victime à sa façon du mépris, de l'ironie, du manque de temps etc. , il a foré un trou direct au coeur, pour y dégager d'un seul coup l'essentiel. Pas un trésor merveilleux, en l'occurrence.