Dans un billet en une de Médiapart Mme Conil (ça veut dire lapin d’ailleurs) se demande si la politique est une affaire de nez. Comme toujours, je n’ai aucune plus value à apporter sur cette question, étant interdit de politique par essence. Cependant, l’occasion est trop belle pour ne pas la rater (l'occasion, pas Mme Conil), et donc vous dire ce qu’est un nez.
Le nez est un des trous noirs de la morphogénèse, si j’ose dire. Cependant, on ne peut pas sérieusement s’intéresser à l’évolution humaine, sans se poser la question de la formation de la face et du nez. Des chercheurs astucieux ont mis à la queue le leu des photos d’embryons humains, ce qui permet de reconstituer la morphogénèse de la face, in utéro, à peu près (c’est le film ci-dessus). Cependant, ce film commence déjà bien tard, alors que la face est déjà très sculptée.
Pour comprendre ce qu’est un nez et un trou de nez, il faut repartir plus tôt, dans les premiers jours de développement, voire les premières heures pour un poulet. Fort heureusement, les poulets n’ont pas de bec avant une bonne semaine de développement, en guise de quoi, le développement de leur face est très semblable à celle des humains, jusqu’à ce que on reconnaisse une petite tête de vertébré. Au départ les embryons sont plats, mais alors plats à un point que vous n’imaginez même pas. Cette morne plaine est étirée dans le sens antéro-postérieur ce qui génère des sortes de plis comme on voit dans ce film :
Si maintenant on regarde de face, dans l’axe de la colonne vertébrale (de la future colonne vertébrale, à ce stade ce n'est qu'un enroulement de tissu façon tacos), voici ce qu’on voit :
L’espèce de pétale qui se développpe sur le côté formera les yeux, et l’espèce de coin entre ce pétale et le tronc, formera un pli en épingle à cheveu, comme montré dans ces photos (cliquer dessus pour agrandir) et ce film, qui représente la future face, vue de dessous (et je vous interdis absolument de reproduire ces photos et films....) :
Le fond de l’épingle à cheveu formée par le mouvement des vésicules optiques (l’espèce de tuyau globuleux) devient le trou de nez.
Evidemment tout ça se déforme comme de la pâte à modeler, ce qui rend la morphogénèse du nez moins claire sur la fin. Par contre, les bords du trou peuvent s’allonger indéfiniment, ce qui donne des animaux avec des nez plus ou moins longs, façon trompe. Les narines sont les paupières des trous de nez, de même que les oreilles sont les paupières du conduit auditif. Sur le crâne, comme il n'y a pas de tissus mous, on devine le lien entre les yeux et le nez.
Dans les livres de biologie ont lit qu’il existe des rondelles de cellules prédéfinies dans la plaine-embryonnaire, avant que ça plie, qui vont finir par devenir un nez, un œil, une oreille etc.
En l’occurrence, on dira que à vue de nez, c’est faux. C’est le mouvement lui-même qui est la cause de la formation du nez (et des yeux et des oreilles etc.). Il est certes possible qu’on puisse isoler dans l’embryon plat, les cellules qui finiront dans le nez, après tous ces mouvements, de même qu’on peut isoler par la pensée un dé à coudre d’eau dans une baignoire avant qu’elle ne se vide, mais le mouvement du dé qui passe dans le syphon n’est pas un mouvement volontaire d’un peu d’eau gambadant vers le trou, c’est juste le mouvement d’ensemble d’un fluide qui s’écoule. C’est la même chose pour le nez, et d’ailleurs, des gens ont greffé les cellules du nez présomptif sur la cuisse présomptive, et ça fait une patte, et pas un nez. Ah ben merde alors. Donc on a inventé un concept fumeux de « régulation », ou de « plasticité » pour expliquer cette expérience (si les cellules étaient « commises », pour faire un nez, on pourrait faire un nez n’importe où, ce qui n’est pas le cas).
C’est un peu pointu tout ça, mais comme on parlait de nez, ça tombe bien.