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Billet de blog 29 janvier 2013

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Les trous en face des yeux

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

T’as d’beaux yeux devait être le titre de ce billet. Je l’ai changé pour les trous en face des yeux. Entre deux mauvais titres, toujours prendre le pire.

Comme je l’ai écrit dans un précédent billet, la formation des yeux est le résultat d’une sorte de retournement d’un manchon de cerveau, qui vient s’écraser et s’aplatir contre la peau (ectoderme), comme du chewing-gum sous la semelle. Le film suivant montre l’allongement de ce bout de cerveau qui vient s’aplatir contre l’ectoderme en formant un rond, bien visible ici, comme une bouche collée contre une vitre. Mais c’est un œil. Enfin, pas encore tout à fait, puisque à ce stade, ce n’est qu’une galette aplatie contre la peau extérieure de la tête, mais qui n’a ni cristallin, ni iris, ni globe oculaire.

Cet « œil » a donc la forme d’une sorte de clou, sans plus, si je devais le décrire vulgairement. La question à poser, pour comprendre la formation d’un œil véritable est : comment transformer un clou en une bille posée dans un verre à pied. L’œil c’est la bille, le verre à pied, la cavité dans laquelle il tourne.

Cette question a fasciné les biologistes, notamment les spécialistes de l’évolution depuis toujours. Le débat est encore acharné entre ceux qu’on appellera ironiquement  les horlogistes (ceux qui pensent qu’un truc magnifique comme un oeil ne peut être que le résultat d’une intervention divine), et les hasardeux : ceux qui pensent que les yeux sont le fruit d’une succession de hasards, orientée par la sélection. Vous me direz : je ne vais pas me faire des amis ; mais bon.

Cependant, assez peu de films in vivo de ce phénomène ont été produits. Je vous propose de combler ici cette lacune.

Voici donc un film intégral de la formation d’un œil (je l’ai déjà montré précédemment).

En voici un autre, en plus gros plan.

Et un troisième en encore plus gros plan.

 On constate que ça remue. Pour faire un œil, il faut donc chiffonner le clou d’une certaine façon.

Explication : quand le clou pousse contre la peau, une sorte de durillon apparaît à l’endroit de l’écrasement, qui s’agrandit. En s’agrandissant le durillon pousse sur la surface du clou, ce qui provoque un pli, comme lorsqu’on ramasse une serviette sur la plage. Dans mon schéma, le durillon est au centre du clou. Mais le clou réel est légèrement tordu vers le haut de la tête, comme on peut le voir dans une photo de tête prise par-dessous.

Et d’ailleurs ce clou continue à croître, tandis que le durillon s’agrandit.  De ce fait, le durillon n’est pas au centre de l’œil. En raison de la forme en clou courbé, du morceau de cerveau qui va faire l’œil, le durillon est situé légèrement vers le bas, en sorte qu’il y a plus de place vers le « haut » du futur œil. Donc, quand la surface du clou plie, le pli commence du côté où il y a plus de place, car il est plus déformable (c’est un fait courant que les objets fins et longs sont plus facile à plier que les objets épais et courts). Dans le cas de l’œil, le début du pli commence du côté le plus large, naturellement ; physiquement. (Voir films, le pli commence bien « par le haut de l’œil »).

Alors maintenant suivez bien, parce qu’il n’y a ni hasard, ni Bon Dieu dans ce qui va suivre, donc il va falloir réfléchir un peu (le hasard et le bon Dieu étant deux bonnes manières de se farcir le cerveau avec une explication qui n’en est pas une).  : le pli commence en forme de banane, avec un creux dans la banane, qui est juste le fond du pli. Le pli en forme de banane s’accroît et se creuse en tournant à l’intérieur de la tête du clou. Quand le pli a fini de faire le tour, une bille est formée, avec une coque autour. Voilà, si vous avez suivi, c’est pas compliqué. A l’arrivée on a un œil. Y’a aucun hasard là-dedans.

Il y a cependant une petite subtilité. Comme que le clou est tordu et donc que l’œil n’est pas au centre de l’orbite, mais plutôt vers le bas, le pli en finissant de faire le tour, bascule et se raccorde avec le bord du clou des deux côtés. C’est un peu subtil topologiquement, mais ça explique que le pli final est en fer à cheval et pas parfaitement rond : il y a un « coin » de l’œil. Voici un oeil juste à la sortie de ce phénomène :

L’autre phénomène amusant est que, comme, une fois encore, l’œil est plutôt vers le bas, et le clou aplati vers le haut, la paupière commence à pousser là où il y a de la place, c’est-à-dire en haut : les paupières descendent donc comme un rideau, depuis la partie supérieure de l’œil. A nouveau, y’a aucun hasard là-dedans, mais alors aucun, ou alors très très très peu, mais tellement peu que ça ne vaut pas la peine d’en parler.

Bref la formation d’un œil est assez automatique. Un truc encore automatique est visible dans ce film, qui est un gros plan extrait d'un des films ci-dessus : regardez bien.

Est-ce que vous avez vu ? (Au passage, on essaiera de ressentir cette hallucinante mise en abîme : votre œil, au bout de 600 millions d’année d’évolution, est capable de contempler sa propre morphogénèse ; l’univers se regarde lui-même évoluer, par les yeux des hommes, les vôtres à l’instant).

Oh ben c’est bizarre, quand l’œil se forme, il y a une sorte d’oscillation : il semblait s’enfoncer dans les orbites, puis il sort façon mixomatose (pour ceux qui ne savent pas ce qu’est la mixomatose, prendre un fusil et aller tuer des lapins dans une forêt), puis il s’enfonce à nouveau dans les orbites. Qu’est-ce que c’est que ce gymkana ?

En réalité, l’œil essaie de se former (le durillon qui s’agrandit fera le cristallin), ce qui crée un pli vers l’intérieur, donc l’ensemble de ce qui forme l’œil à ce stade-là, commence par rentrer vers l’intérieur de l’orbite (qui n'est pas encore une orbite, mais une sorte d'assiette à soupe qui se creuse). Cependant, le cerveau pousse aussi (ben oui, on a une grosse tête qui gonfle, on n’a pas non plus une grosse tête par hasard), et en grossissant, il pousse les yeux devant lui, et les yeux tendent à sortir de la tête, comme des petits pois posés sur un ballon de baudruche. Cependant, lorsque le pli-coque se creuse assez, l’œil se retrouve à s’enfoncer plus, de par la création de la « coque » œil, laquelle est de plus en plus creuse, au fur et à mesure que le pli se creuse ; ainsi peu à peu l’œil est davantage rentré par le creusement du pli, plus qu’il n’est poussé vers l’extérieur par la dilatation du cerveau. D’où le mouvement de va-et-vient de l’œil dans son orbite, pendant sa morphonégèse, ségène, gégène, enfin bref, pendant qu’il se forme

Y’a pas à dire, c’est beau un œil. Très beau.

PS: le titre, c'est parce que c'est le cristallin qui creuse son trou autour, pour en faire un oeil, et non l'oeil qui se développe dans un trou

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