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Billet de blog 29 septembre 2012

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Topos de laboratoire XIV : rififi chez les chercheurs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le monde scientifique bruisse parfois d’affaires plus ou moins révélatrices sur la mentalité des chercheurs. Une question parfois posée est de savoir si les chercheurs, de par leur situation et leur « intelligence », sont dépositaires d’une mission supérieure, d’un magistère moral sur le reste de la société. De nombreux exemples vont à contre-sens de cette idée, comme par exemple la fabrication de gaz de combats par le chimiste Fritz Haber lors de la première guerre mondiale ou simplement la collaboration de chercheurs avec le régime nazi. Boris Vian disait à propos de Jean Paulhan « il existe un point où une extrême intelligence rejoint la connerie », et l’on retrouve cette figure du contact entre l’intelligence et la bêtise dans le choix de Heisenberg de rester en Allemagne pendant la guerre. Heisenberg, qui était peut-être "le plus intelligent" savant allemand, construisit dans son esprit toutes sortes de bonnes raisons justifiant de rester en Allemagne sous le régime nazi et de diriger la science nucléaire allemande, tandis que ce fou furieux d’Hitler était son führer. Ayant choisi « rationnellement » de rester à son poste, il se trouva finalement bassement compromis. Rétrospectivement, son attitude pendant la guerre apparaît comme stupide, lâche et complice de grands crimes.

Il n’est donc pas du tout évident que les chercheurs aient des sentiments et une morale plus élevés que la moyenne. Et pourtant, il est des cas, peut-être des personnalités, qui donnent à le penser : l’image d’Einstein se dressant contre l’usage de la bombe atomique possède une force de conviction que d’autres n’ont pas.

Le rififi scientifique révèle donc en général des turpitudes, qu’on aimerait ne pas avoir à connaître. Dans ces turpitudes on retrouve :

-la fraude.

-le plagiat

-la querelle scientifique

-la querelle thématique

-la querelle d’antériorité

-le débinage

-le poste à moustaches

-la tromperie

-le vol

-le sabotage

-l’intimidation

-le harcèlement

-l’auto-publication, (ou l’auto-évaluation)

-le saucissonnage

Et j’en passe. Je ferai un petit point sur ces turpitudes dans un prochain billet. Cependant, ce billet-ci cache en réalité une motivation personnelle :  je suis pris dans une petite turpitude qui risque de laisser une tache sur ma « réputation ». En effet, il y a quelques temps on m’a demandé un article pour un volume sur l’origine des formes, devant paraître chez Springer Verlag : « Origin(s) of design in Nature ». J’ai donc effectivement écrit un article à propos de la morphogénèse des vertébrés ; rien que de très scientifique. Or je découvre en recevant mon exemplaire d’auteur, que le volume couvre également les aspects théologiques, et qu’il est précédé d’une préface comportant une partie rédigée par un théologien, et relative à la foi de Darwin. Donc, « je me suis fait avoir ». Un éminent collègue français tombé dans le même piège vient d’écrire un mail solennel aux éditeurs pour « retirer » son article. Cependant, le livre est imprimé et distribué, donc ce « retrait » est tout symbolique –mais c’est déjà pas mal : dans le milieu intellectuel, les symboles ont valeurs d’armes à feu. (Je ne donne pas son nom, bien que je comprenne sa démarche, parce que, s’il souhaite rendre ce geste public, c’est d’abord à lui de le faire). A-t-il eu raison ?  Sans doute, je n’ai pas à juger.

Au fond, ce qui me gêne le plus, c’est qu’on ne m’ait pas prévenu. A vrai dire, sans être une science (à mon avis) la théologie est une forme de discours apparenté à la science par sa méthode (raisonnement, textes, bibliographie etc.). Je connais au moins un théologien, dont je peux dire sans hésiter qu’il est un esprit valable sur le plan intellectuel, et c’est un plaisir que de discuter avec lui. Donc au fond, je n’aurais pas été contre d’être associé à un volume suffisamment large d’esprit pour couvrir le « design », de la science à la théologie. Ce qui est surtout gênant, c’est d’avoir été trompé sur le contenu réel du livre. Peut-être même aurais-je rédigé mon article autrement, si j’avais su. Cependant, mon article ne contient rien de théologique, sauf une phrase à la fin pour dire que la physique suffit à expliquer le « design » des animaux, ce qui clôt le débat, s’il devait y en avoir un.

Cependant, ma propre bassesse va jusqu’à me dire : moi je veux bien discuter avec des théologiens, mais à condition qu’ils soient très bons. Est-ce que quelqu’un sait si Gerald I. Shroeder, Yisrael Rozenson et les autres théologiens apparaissant dans ce volume sont des théologiens de rang A+ ? Je vais demander à mon copain théologien ; si les théologiens se débinent entre eux aussi, ce sera bon signe.

Références :

http://www.springer.com/physics/complexity/book/978-94-007-4155-3

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