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Billet de blog 3 mars 2011

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Précarité: les mouvements se multiplient dans la presse magazine

LUNDI 21 MARSA la deuxième semaine du conflit à Mondadori, les salariés ont levé la grève. Face à un «mur» et «une direction butée, qui prétend clore unilatéralement les négociations salariales», l'intersyndicale a préféré ne pas prendre le risque d'un mouvement qui deviendrait minoritaire.

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LUNDI 21 MARS

A la deuxième semaine du conflit à Mondadori, les salariés ont levé la grève. Face à un «mur» et «une direction butée, qui prétend clore unilatéralement les négociations salariales», l'intersyndicale a préféré ne pas prendre le risque d'un mouvement qui deviendrait minoritaire.

Ils ont obtenu une prime annuelle de 300 euros pour tous les salariés, qui devrait être versée en juillet et des augmentations sensiblement supérieures à ce que proposait la direction en début de négociations: de 4,1% (contre 3%) pour les salaires de moins de 2000 euros à 1,35% (contre 0,8%) pour les 3250 à 3500 euros.

Le matin, l'intersyndicale avait envoyé ce communiqué: «Tandis que le groupe Mondadori doit annoncer ce jour à Milan, devant les analystes financiers, une confortable progression de son résultat net en 2010, les salariés de sa filiale française viennent de reconduire à une très large majorité le mouvement de grève entamé il y a une semaine».

Le groupe italien a bien annoncé un bénéfice net pour 2010 de 42,1 millions d'euros (2,7% du chiffre d'affaires de 1,56 milliard). Pour la filiale français, le chiffre d'affaires (344,2 millions) a progressé de 0,2% en un an. Les recettes de diffusion (qui représentent 69%) ont baissé de 1,3%, mais celles probenant de la publicité ont augmenté de 8% notamment grâce au lancement de Grazia en septembre 2009.

VENDREDI 18 MARS

Dans un mail envoyé aux salariés du groupe, la direction de Mondadori France estime les négociations annuelles obligatoires terminées, à la fureur de l'intersyndicale qui a décidé le maintien du mouvement de grève, au risque de voir des hebdomadaires ne pas sortir.

Les propositions n'ont pas beaucoup varié depuis le début de la semaine: de 4% d'augmentation pour les petits salaires à 1,2% pour les 3.000 à 3.500 euros, rien au-delà. Dominique Carlier, délégué SNJ-CGT, rappelle que «l'actionnaire final» (50,24%) n'est autre que la FinInvest de Silvio Berlusconi: «la direction française est très contrôlée par la maison mère, surtout en ce moment: la société a prévu d'annoncer le 21 mars des résultats en progression et de distribuer une bonne partie des bénéfices en dividendes aux actionnaires». Preuve, selon lui, qu'il reste une marge de négociation sur les salaires.

Les salariés se sont donné rendez-vous lundi matin.

JEUDI 17 MARS

«La parution dans les temps de Grazia, Closer, Pleine Vie, Télé Poche et Télé Star pourrait être compromise, assure l'intersyndicale (CGT, CFDT, FO, SNJ, CGC) de Mondadori dans un communiqué publié jeudi. Face à ces revendications légitimes, la direction ne présente que des propositions insuffisantes. La colère s’accroît chez les salariés qui sont de plus en plus nombreux à cesser le travail (il y a actuellement 350 grévistes sur les 950 salariés que compte l’entreprise).»

MERCREDI 16 MARS

Mardi, la direction a reçu les représentants des salariés dans l'après-midi pour leur annoncer qu'elle n'irait pas plus loin. «Ils ont tiré les leçons du conflit à Prisma et ne veulent rien céder», explique Dominique Carlier, délégué SNJ-CGT. 250 salariés environ sont mobilisés.

MARDI 15 MARS

La grève à Mondadori a été prolongée de 24 heures après une rencontre des syndicats et de la direction, mardi matin. Le bouclage de Pleine Vie, qui devait avoir lieu le soir, est au moins repousé. Grazia comme Closer compte une quinzaine de gréviste chacun (sur des effectifs d'une quarantaine de salariés).

Avant un conseil d'administration en présence de Marina Berlusconi (fille du premier ministre italien et représentant FinInvest), la direction a proposé 4% d'augmentation pour les salaires inférieurs à 2.000 euro, puis des revalorisations décroissantes allant jusqu'à 1% pour 3.000 à 3.500 euros (30 à 60 euros), les 30% de salariés touchant plus de 3.500 euros bruts n'étant pas augmentés.


LUNDI 14 MARS

C'est au tour du groupe concurrent, Mondadori France (Télé Poche, Grazia, Closer, Science et Vie...) de se mettre en grève: lors d'une AG réunissant autour de 150 personnes (sur environ un millier de salariés), la grève a été votée pour exiger, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires, une hausse de 150 euros pour tous, la fin des salaires inférieurs à 2.000 euros rut, des revalorisations pour les pigistes et la resorption de la précarité.

La direction de Mondadori propose des augmentations par tranche, comme pour Prisma: de 3% pour les salaires de moins de 2000 euros à +0,8% pour les 3000 à 3500 euros, ce qui représente pour la plus grosse partie du personnel, une hausse de 25 à 45 euros.

Certaines rédactions, comme celle de Pleine Vie sont totalement en grève. Et Closer, titre relativement jeune et jamais présent, jusqu'alors dans les conflits sociaux, affiche une mobilisation de 30%.

Une nouvelle séance de négociations est prévue mardi dans la matinée qui sera suivie d'une nouvelle assemblée générale qui devra évaluer les nouvelles propositions.

MERCREDI 9 MARS

La grève à Prisma est terminée. Les magazines (essentiellement Voici) vont pouvoir boucler et toutes les parutions sont assurées.

La direction du groupe a accordé une augmentation de 106 euros bruts pour tous les salaires inférieurs à 3.000 euros et pour les autres 70 euros dès mars et 36 récupérables rétroactivement si le chiffre d'affaire 2011 progresse plus vite que l'inflation. Ces sommes s'ajoutent aux 100 euros accordés aux trente plus petits salaires qui n'ont pas été augmentés depuis cinq ans.

Par ailleurs, il est acquis qu'il n'y aura plus de salaires inférieurs à 2.000 euros bruts pour les contrats à durée indéterminés. En revanche, rien n'a été accordé aux pigistes. Selon la direction, ces décisions représentent une augmentation de la masse salariale de 2,8 millions d'euros, soit approximativement le bénéfice du déménagement à Genevilliers.

Les grévistes qui avaient installé un piquet le matin, bloquant notamment l'entrée du garage, ont voté la fin du mouvement à 16 heures.

Reste désormais la négociation de branche, menée par le DRH de Prisma, Philippe Pouzeratte. Les syndicats de salariés des magazines lui ont donné jusqu'au 17 mars pour revenir avec une révision de la grille salariale et un bilan chiffré du secteur. Ils tenteront évidemment d'obtenir pour les autres groupes de presse magazine (Mondadori, Lagardère...) ce qu'ils ont eu pour Prisma.

MARDI 8 MARS

Les salariés grévistes ont reconduit le mouvement en AG mardi matin. Deux titres du groupes risquent d'avoir des difficultés à boucler leur numéro et donc de ne pas pouvoir paraître: Voici et TV Grandes chaînes.


LUNDI 7 MARS

Lundi matin, selon Fabienne Chiche (SGJ-FO), il y avait 300 grévistes à Prisma presse avec quelques rédactions en pointe (70% de grévistes chez Femme actuelle, presque toute la rédaction chez TV grandes chaînes...). A la suite de l'assemblée générale de 10 heures, la direction a reçu les représentants du personnel, semblant vouloir rester ferme sur l'uniformisation des statuts dans les différentes rédactions ou sur la prime de déménagement.

A 17 heures, la direction a présenté ses propositions, disant vouloir éviter un «pourrissement du conflit»:

  • à compter du 1er mars, il ne doit pas rester de salaires inférieurs à 2.000 euros bruts (environ 1.600 euros nets);
  • parmi les 57 salariés qui n'ont obtenu aucune augmentation lors des cinq dernières années, les 30 plus petits salaires obtiendront une augmentation individuelle de 100 euros bruts;
  • sur le chapitre des augmentations générales, et bien que le directeur général, Pierre Riandet, s'y dise opposé par principe, une première augmentation de 53 euros bruts est acquise, doublée d'une seconde du même montant à la fin de l'année, si le chiffre d'affaire du groupe augmente plus vite que l'inflation;
  • une commission égalité hommes-femmes est prévue.
  • en revanche, tout plan de résorption de la précarité est exclu (les titularisations seront décidées au cas par cas);
  • la prime d'ancienneté est rejetée pour «ne pas créer de précédent» dans la branche magazine;
  • l'augmentation de 10% des piges n'est pas non plus accepté.
Les négociateurs salariés ont présenté ces propositions à environ 250 personnes présente à la sortie de la réunion, qui, de source syndicale, semblaient plutôt ne pas s'en satisfaire. Il n'y a cependant pas eu de vote, celui-ci étant prévu en assemblée générale, prévue le mardi matin à 10 heures.

VENDREDI 4 MARS

La direction de Prisma Presse a accepté de recevoir lundi 7 mars les syndicats pour négocier des augmentations de salaire et la titularisation des contrats précaires.

200 salariés de Prisma Presse (contre 280 la veille) ont reconduit la grève vendredi. Pour Emmanuel Vire, délégué syndical SNJ-CGT, cela ne constitue pas un affaiblissement de la mobilisation (environ un tiers de l'effectif) étant donné que l'effectif présent le vendredi est plus faible que le jeudi. Une assemblée générale est maintenue lundi matin à 10 heures, occasion pour les grévistes de se compter et d'établir le rapport de force avec la direction.

Dans une déclaration à La Correspondance de la presse, le DRH du groupe, Philippe Pouzeratte, a indiqué que la direction attendait de voir si ce mouvement de grève était suivi avant de décider de la suite.

JEUDI 3 MARS

Les salariés du groupe Prisma (Géo, Voici, Femme actuelle, VSD, Capital, Télé Loisir...) ont voté la grève en assemblée générale jeudi 3 mars. Ils contestent l'utilisation de plus en plus fréquente de contrat précaires (une source syndicale a dénombré plus de 130 contrats précaires employés ces trois derniers mois sur quelque 600 journalistes), les propositions d'augmentations de salaires lors des négociations annuelles obligatoires (entre 1 et 1,8% selon les cas alors que les représentants du personnel demandent un minimum de 150 euros pour les salariés touchant moins de 4.500 euros par mois ainsi qu'une prime de 1.500 euros pour compenser le récent déménagement du groupe à Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine).

La direction met en avant l'augmentation de la participation, de un mois brut en moyenne en 2009 contre 1,4 mois en 2010, un rattrapage pour les plus bas salaires (moins de 2000 euros bruts) et des augmentations par tranche: 1,8% avant 2.5000 euros, 1,3% jusqu'à 3.500, 1% de 3.5000 à 4.500, plafonnées.

Une nouvelle assemblée générale doit être organisée vendredi matin.

Le groupe, qui diffuse un quart des exemplaires des magazines en France, a dégagé un bénéfice net de 30 millions d'euros en 2010 (pour un chiffre d'affaires de 511 millions) contre 18 millions en 2009 (pour un chiffre d'affaires de 539 millions).

Le même jour, 150 à 200 salariés du groupe Mondadori (Télé Poche, Grazia, Closer, Science et Vie... bref, avec Hachette l'autre grand groupe de presse magazine en France) se sont également réuni en assemblée générale sans voter la grève. Ils doivent se retrouver mardi 8 mars pour la prochaine séance de négociation et observent de près ce qu'obtiendront les salariés de Prisma.

La CFDT a également rompu la négociation de branche engagée avec le Syndicat de la presse magazine sur les questions des salaires. Lors de la négociation, le président de la commission sociale du SPM (et DRH de Prisma Press) Philippe Pouzeratte a proposé une augmentation de 1% par rapport à la grille datant de 2008, se contentant de fournir les déclarations de diffusion à l'OJD en guise de bilan. Les autres syndicats de salarié (CGT, SNJ, FO, CGC) ont donné jusqu'au 17 mars à l'organisation patronale pour revenir avec de nouvelles propositions de grille conventionnelle.