Le site Internet du Nouvel Observateur rapporte qu'à la fin du mois de janvier, il sera interdit en Italie de «diffuser et distribuer sur Internet des images animées, accompagnées ou non de son.» A moins d'obtenir l'autorisation du gouvernement de Silvio Berlusconi.
L'idée qui sous-tend ce décret, transmis à la veille de Noël à la présidence pour application un mois plus tard, le 27 janvier 2010, est de soumettre ceux qui diffusent des vidéos sur le Net (WebTV, IPTV ou simple hébergement de vidéos sur YouTube, Tiscali, Telecom Italia...) aux mêmes règles que les chaînes de télévision. Et les contrevenants à une amende de 150.000 euros. Le CSA local est par conséquent sommé de se transformer illico en Hadopi, chargé de vérifier que personne ne publie sur la Toile le but d'un footballeur du Milan AC (de Silvio Berlusconi) par exemple ou l'extrait d'une émission d'Italia 1, de Rette 4 ou de Canal 5 (propriétés de Mediaset, le groupe de Silvio Berlusconi).
Car plus qu'une volonté de régenter la liberté d'expression sur le Net, il s'agit pour le gouvernement d'amener les opérateurs d'Internet à négocier avec les détenteurs de droits un accord de rémunération et de lutter contre le piratage supposé des émissions de télévision. Berlusconi avait certes déploré la campagne qui avait suivi son agression, insinuant que celle-ci était un coup monté par Berlusconi lui-même. Mais il avait plus encore bénéficié de la large diffusion de la vidéo de l'agression elle-même. La censure ne sera donc qu'un bénéfice annexe de la réforme.
Au moment même où ce décret était adopté, en décembre 2009, Mediaset a ainsi fait condamner YouTube (propriété de Google) par un tribunal de Rome au «retrait immédiat de ses serveurs de tous les contenus téléchargés illégalement», alors qu'en Italie comme ailleurs, YouTube considère que tant que personne ne se plaint, il n'y a pas lieu de soupçonner de violation des droits d'auteurs. Avec un bel aplomb, Mediaset avait alors commenté la décision en assurant que l'ordonnance judiciaire ne «censure pas internet, mais en élargit les frontières. (...) Tous les opérateurs internet, à commencer par YouTube, pourront nouer des accords avec Mediaset et les autres éditeurs dans un cadre de légalité et de satisfaction réciproque.»
Pour justifier le décret, le ministre délégué à la communication, Paolo Romani assure qu'il s'agit d'une simple transposition «technique» en droit italien d'une directive européenne de 2007 qui s'applique ou s'appliquera à son pays comme aux vingt-six autres de l'Union. Pourtant le blogueur Jean-Marie Le Ray note que l'article 16 de la directive européenne «exclut les activités dont la vocation première n’est pas économique et qui ne sont pas en concurrence avec la radiodiffusion télévisuelle, comme les sites web privés et les services qui consistent à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échange au sein de communautés d’intérêt».
Le même décret prévoit de réduire d'un tiers environ (7 minutes par heure en 2012) le temps de publicité diffusé sur les télévisions à péage, presque toutes contrôlées en Italie par l'Austalien Rupert Murdoch, puisque, précise le ministère, le téléspectateur paie déjà un abonnement.
Clairement, il s'agit pour les inspirateurs du décret de limiter l'accès au marché restreint de la publicité audiovisuelle et d'interdire à tout nouvel acteur, y compris sur Internet, de venir le ponctionner. C'est du moins ce qu'écrit L'Espresso: «E' il metodo Berlusconi: uccidere i potenziali nemici da piccoli» (C'est la méthode Berlusconi: tuer les ennemis potentiels tant qu'ils sont petits).