Dans l'émission «Complément d'enquête» diffusé lundi 20 septembre sur France, Claire Thibout, l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt raconte comment le gestionnaire de fortune de son employeuse, Patrice de Maistre, lui aurait demandé 150.000 euros. Elle raconte: «Il vient me trouver dans mon bureau et il me dit: “Claire, j'ai besoin de 150.000 euros”. Alors je lui demande pour quoi faire et il me dit “je dois donner ces 150.000 euros à M. Woerth pour la campagne électorale de M. Sarkozy”».
Elle n'en précise pas la date ni si elle s'est exécuté dans l'émission, mais lorsqu'elle a été entendue par la police, début juillet (déclaration in extenso ici), elle avait déjà évoqué cette somme: «M. de Maistre m'a demandé avant les élections présidentielles d'aller lui chercher 150.000€ à la banque. Je n'avais pas la possibilité de traiter une telle somme car il fallait une autorisation spéciale. Quand je lui ai demandé pourquoi c'était faire, pourquoi une telle somme, il m'a répondu qu'il devait organiser un dîner avec M. Woerth pour la lui remettre. Il voulait que cela se passe par l'intermédiaire de Mme Bettencourt. Je lui alors dit que cela n'était pas possible d'aller chercher un tel montant, surtout pour l'usage qu'il voulait en faire. Il s'est énervé et il m'a dit qu'il allait voir avec la BNP. Moi, entre-temps, j'ai rappelé Mme Eva A... qui était la gestionnaire du compte de Mme Bettencourt place Vendôme pour lui dire qu'il était hors de question que je vienne récupérer une telle somme et qu'elle dise à M. de Maistre que ce n'était pas possible. Elle m'a alors répondu que j'avais raison et que si une telle chose se passait, il faudrait qu'(elle) le déclare à Tracfin. Elle m'a dit qu'elle allait en parler directement à M. de Maistre. Elle a bien dû lui en parler car M. de Maistre ne m'a jamais reparlé d'aller retirer ces 150.000€.»
En revanche, elle précisait avoir effectivement remis à Patrice de Maistre 50.000 euros dans une enveloppe pour Liliane Bettencourt. «Il m'a dit qu'il se débrouillerait du reste.» Dans les carnets de caisse de la comptable précédent l'élection présidentielle, on retrouve à plusieurs reprises ces retraits de 50.000 euros à la banque.
Au début de l'année 2007, non loin de l'entrée en campagne des principaux candidats (c'est le 14 janvier que Nicolas Sarkozy prononce: «Au-delà de la droite et de la gauche, il y a la République qui doit être irréprochable parce qu'elle est le bien de tous. Il y a l'État qui doit être impartial. Il y a la France qui est une destinée commune.»), on compte un retrait de 45.000 euros le 9 janvier, de 50.000 le 14 et de 50.000 le 25, puis de 50.000 euros le 2 février, de 50.000 le 12 et de 45.000 le 20. Par comparaison, les retraits en mars et avril n'ont été «que» de 50.000 euros (50.400 le 26 mars et 48.000 le 2 avril).
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Côté dépenses, on retrouve en janvier le plus gros versement de la période, attribué à «Monsieur»: 100.000 euros le 26. Viennent ensuite, par ordre d'importance, un versement de 30.000 euros le 12 janvier à «Monsieur» et un de 30.500 euros le 2 avril à «A. Pompidou».
L'anomalie la plus criante, dans les comptes, se situe donc en janvier et février avec 290.000 euros de retraits (pour un total légèrement inférieur à de 390.000 en quatre mois). Le total des dépenses s'élève lui à 408.000 euros.
Pour vous faire un avis par vous-même, voici la totalité des sommes enregistrées. Les libellés ont été anonymisés sauf lorsqu'il s'agissait d'un nom de banque (BNP, BNN, BNA) ou la mention d'une remise d'argent à «Madame» ou «Monsieur». Pour quelques grosses dépenses (15.000 euros pour la cuisine, 12.000 euros pour les «médecins d'Arros», 30.500 euros pour «A. Pompidou»), la désignation de la dépense a été conservée.
Pour aller plus loin:
- L'ex-comptable accuse: des enveloppes d'argent à Woerth et Sarkozy
- Ce que disent les carnets de caisse de Claire Thibout
- L'intégralité des déclarations de l'ex-comptable aux enquêteurs
- L'ex-comptable des Bettencourt confirme des financements illégaux de la droite
- De nouveaux témoignages sur les «enveloppes» aux politiques
- L'ex-comptable des Bettencourt persiste et signe face à la juge
et l'organigramme des affaires Bettencourt
* Disons, en bon français, on «mutualise les données». L'idée est d'expérimenter la méthode de «journalisme de données» tel qu'elle est définie dans le billet «Données, donnez-moi»: mise à disposition des sources pour les lecteurs et construction collective du sens à donner à ces chiffres. Les commentaires sont là pour cela.