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Billet de blog 29 mars 2010

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Elysee.fr, le web 2.0(12)

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Nicolas Sarkozy n'est pas peu fier de rencontrer Barack Obama lundi et mardi. Des mois que le 44e président des Etats-Unis faisait lanterner celui de la France, après une brouille sur une affaire d'avions ravitailleurs. Histoire de bien montrer que l'Elysée et la Maison-Blanche marchent désormais d'un même pas, le nouveau site du chef de l'Etat plagie avec allégresse celui de son homologue ultratlantique.

Mêmes couleurs, même utilisation des capitales, même «carrousel» faisant défiler plein écran les dernières actions du président... Il n'est pas jusqu'au filigrane des fonds d'écrans (les moulures du bureau ovale pour whitehouse.gov, les balustrades du Château pour elysee.fr) qui n'aient été éhontément pompés:

le plan du site en pied de page

ou la politique de diffusion sur les médias «sociaux» (jusqu'à la traduction littérale «stay connected/restez connecté»):

Le tout a coûté 100.000 euros selon Nicolas Princen. «Assez peu, comparé à l'ensemble du budget communication de la présidence (6,5 millions d'euros)», croit bon d'ajouter Le Figaro.

Plus rien à voir, donc, avec le précédent site, directement hérité du site de campagne de Nicolas Sarkozy, créé par François de la Brosse, où on retrouvait même la «PRTV» (PR pour président de la République) parfait copier/collé de la «NSTV» de 2007.

Plus rien, sauf une rhétorique qui, elle, n'a pas bougé. L'Elysée ne commente pas, n'informe pas, elle «agit». Dès le haut de la page d'accueil propose de «retrouve[r] les précédentes actions» du président de la République. Car contrairement au site présidentiel américain qui exalte les réalisations collectives d'une administration (avec des lois, des réformes, des conséquences pour le citoyen américain) son équivalent français met l'accent sur l'action d'un seul homme (ses déplacements passés, son agenda, ses discours...) dans la plus pure tradition du bulletin municipal.

Dans les pages intérieures, cette tendance se décline en structure de la page «dossier» de base, découpée en 3 temps: contexte / événement / actions (directement repris sur la Big Fat Story du Daily Beast)

Exemple avec l'emploi

  • Le contexte

la montée du chômage (avec le soin de dire que tout ne va pas si mal en France: «+22% en France, +119% aux Etats-Unis», sans citer de période de référence);

l'enjeu: «dresser le bilan des mesures pour soutenir l'emploi»;

l'illustration: Schrader, une entreprise qui relocalise une partie de son activité en Franche-Comté.

  • l'événement

c'est la «mythologisation» du déplacement: plutôt que de laisser aux médias le soin de le relater, l'Elysée fournit ses vidéos (table-ronde à Pontarlier) montées par ses soins et un «minute par minute» de l'événement.

  • les actions

parfaite illustration de l'idéologie performativiste, la première des actions proposées ce sont... les phrases du président: il suffit que le chef de l'Etat dise pour que cela se réalise. Plus prosaïquement, pour les blogueurs et journalistes qui ne voudraient pas voir l'intégralité de la performance présidentielle, le site propose des citations prêtes à l'emploi pour diffuser la bonne parole.

et deuxième illustration: celle de la culture du chiffre et de l'évalutation de la performance. Le site propose un bilan chiffré de l'action présidentielle (donc des actions passées, pas futures).

NB. Le titre de ce billet est sous copyright de Marine Turchi ;)