"Paris s'éveille le 13 au son du tocsin. Il est au pouvoir de l'insurrection. D'abord, trouver de quoi manger ! Le premier pillage important a lieu tôt ; c'est celui du couvent de Saint-Lazare, dont la réputation de grande richesse se révèle confirmée par ce qu'on y trouve, sans même trop chercher, une fois les moines en fuite: soixante-seize muids de bourgogne et dix-huit muids de roussillon, sans compter plusieurs centaines de bouteilles d'autres vins, des pièces de bière, de vinaigre et d'huile, vingt-cinq roues de gruyère, cinq tonneaux de beurre fondu et cinquante-trois charrettes de blé...
Des ouvrières confectionnent de toute urgence le seul uniforme possible pour l'instant : une cocarde au chapeau. On n'a pas retenu le vert brandi la veille par Desmoulins, on prend les vieilles couleurs de Paris : le bleu et le rouge. Ainsi, sans tambour ni trompette, la bourgeoisie parisienne occupe la place laissée vide par la Noblesse, et assure progressivement le contrôle de la ville, tandis qu'à Versailles l'Assemblée se borne à envoyer une motion plaintive au Roi pour déplorer le renvoi de Necker, et oser demander son rappel.
Quand le soir tombe sur un Paris au soulèvement toujours général, mais qui commence à être canalisé, la principale question demeure celle des armes. On remet au lendemain matin d'aller les chercher là où il s'en trouve beaucoup, notamment à l'Arsenal et aux Invalides. Personne n'a encore parlé de la Bastille."
NB/ rappelons qu'il s'agit d'un extrait du "Sang de la Bastille", tome V de l'oeuvre inachevée de Claude Manceron, intitulée "Les hommes de la liberté" (éditions Robert Laffont)
à suivre