Un des nombreux mérites de Robert Belot qui vient de publier"Les secrets de la Résistance"* est sa référence aux archives audiovisuelles qui sont considérées par cet historien non pas comme un support de narration mais comme un élément porteur de la mémoire du passé.
Cette démarche heuristique nous permet ainsi de conjuguer le général et le particulier, la macro et la micro histoire.
L'évocation du mystère Dukson en est un bon exemple.
En effet, lorsqu'on observe attentivement les archives filmées de la libération de Paris, on est intrigué par la présence d'un Gabonnais, le bras en écharpe, dans le cortège qui accompagne le genéral de Gaulle le 26 août 1944 au cours de la légendaire descente des Champs Elysées. Il apparait derrière le héros du jour puis s'en éloigne à d'autres moments de cette marche triomphale pour disparaître enfin place de la Concorde.
Comme il est le seul noir du cortège, Robert Belot a recherché sa trace dans d'autres éléments d'archives filmées et dans les photographies. Et il nous révèle que "le nègre Dukson" est l'un des membres du service d'ordre des FFI, chargé de la protection du chef de la France libre pour cette manifestation.
"Ce micro-événement saisi dans le gigantesque événement que constitue la libération de Paris permet de rappeler l'existence d'une catégorie d'hommes qui ont combattu pour la France mais qui ont été les oubliés de la Victoire...A l'été 1944, sur un effectif global de 560 000 hommes pour l'armée française reconstituée, il y avait 346 000 coloniaux, dont 233 000 "Musulmans" et 113 000 Africains noirs.
Ils sont toujours les parents pauvres de notre mémoire de la Seconde Guerre mondiale."
Dans mon film "Paris j'écris ton nom liberté !", j'avais pu montrer que les premiers soldats de la 2e DB à être entrés dans Paris jusqu'à parvenir devant l'hôtel de ville, étaient des républicains espagnols. Cette vérité dérangeante a été établie grâce aux prises de vues cinématographiques des opérateurs d'actualités qui ont pu fixer l'événement sur la pellicule...
Compte tenu de son caractère clandestin, la matière résistante n'a pu faire l'objet d'un important thésaurus d'images et de sons. Mais l'analyse critique de ces quelques vestiges, complétée par les témoignages des survivants, permet de comprendre mieux ces tranches d'un passé qui est le substrat de notre mémoire nationale. Le monde des secrets.
"L'ultime secret de la Résistance, écrit Robert Belot dans l'épilogue de son livre, est le secret du résistant, de sa conscience...La conscience est difficilement cryptable. Ce secret ne sera peut-être jamais décrypté."
* à la Librairie Vuibert (www.la-librairie-vuibert.com)