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Billet de blog 25 août 2013

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L’orientation en fin de 3ème par une boîte noire informatique, est-ce une bonne chose ?

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Un rapport de la cours des comptes sur « L’orientation à la fin de collège » de septembre 2012, concluait à la satisfaction de la procédure d’affectation.

http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-orientation-a-la-fin-du-college-la-diversite-des-destins-selon-les-academies

Ils se sont basés l’avis des services administratifs qui apprécient cet outil  qui «  remplit son office, est fiable et souple d’utilisation et que permet de mettre réellement en place les priorités académiques ».(page 35)

Pourtant, en analysant  l’intérêt de l’élève, je suis arrivée à la conclusion contraire.

Voici, dans ce rapport,  la conclusion sur le processus d’affectation (page 35)

« La procédure informatisée AFFELNET, même si elle reste perfectible, a permis d’améliorer la transparence du processus d’affectation des élèves en fin de troisième et de clarifier les choix faits par les services académiques en termes de parcours scolaire à privilégier. »

« Il n’en demeure pas moins qu’en amont de l’affectation, les familles ont besoin d’une bonne information sur les métiers, les filières de formation et les établissements, afin de hiérarchiser correctement leurs vœux pour que les élèves ne subissent pas une affectation dans une spécialité ou un établissement qu’ils ne souhaitaient pas à l’origine. »

La procédure d’affectation en fin de 3ème consiste à faire des vœux qui comportent une formation et un établissement d’affectation. L’orientation vers la 2nde générale et technologique est soumise à l’accord du conseil de classe. Si la famille n’est pas d’accord avec le conseil de classe, il y a une discussion avec le chef d’établissement, et en cas de désaccord la commission d’appel tranche. L'affectation dans un établissement donné et dans une formation donnée est faite par le système informatique.

Dans les académies observées par la cour des comptes (Toulouse, Renne, Lille),  en utilisant la procédure AFFELNET  80% des élèves obtiennent leur premier choix. De loin, cela semble satisfaisant. Pourtant, si on y regarde de plus près, le résultat est plus inquiétant :

- Le taux de satisfaction de la 2GT technologique est de 90%. Le refus d’affectation en 2GT concerne les demandes de dérogation du lycée d’affectation (par exemple en demandant une langue rare), ou l’intégration d’un dispositif «à nombre de places limité" de la voie générale (sections européennes ou internationales, section sportives ou théâtre par exemple).  Généralement, l’élève s’en remet.

- Pour l’orientation vers les filières courtes, environ 2/3 des premiers vœux sont satisfaits. C'est-à-dire un élève sur trois des filières professionnelles se retrouvent à préparer un métier qu’il n’a pas choisi . C’est énorme et c’est inadmissible. Les auteurs du rapport en ont conscience: « Les abandons en début d’année scolaire dans certains CAP ou dans certaines classes de seconde découlent souvent de vœux non satisfaits, du fait des notes de l’élève ou d’une forte demande de certaines formation. »

Le système d’attribution est basé sur les notes, corrigées par des points de bonus qui favorisent les parcours dérogatoires (SEGPA, DP6) et les établissements proches.

Nous voyons que la diminution des parcours dérogatoires aux collèges pénalise doublement les élèves qui auraient pu y avoir droit, ils sont condamnés à la perte de l’estime de soi dans des cours dont ils ne peuvent pas tirer profit, puis ils perdent leurs points de priorité pour l’affectation en section professionnelle.

Aussi, un jeune qui a mis une réponse au hasard sera choisi préférentiellement par rapport à un jeune qui est très motivé par le métier.

A quoi cela sert de faire travailler un élève sur un projet de vie, s’il a une chance sur trois d’être refusé ? Pour compenser cela, certains établissements surévaluent les notes des élèves.  Peut-on croire qu’un système où faut tricher pour servir l’intérêt de l’enfant, donne satisfaction ?

En règle générale, les services d’orientation déconseillent les formations très demandées et accompagnent les jeunes vers les formations où il y a, a priori, moins de demandes. C’est en contradiction avec la nécessité de donner de l’ambition aux jeunes. Pourtant, c'est la seule manière de faire un score "réussite premier choix" et les directeurs de service académique qui veulent être bien notés font pression sur les établissements. Cette injonction est en contradiction avec les grands principes généreux affirmés par le système  Education Nationale. Ceci qui explique la difficulté de comprendre des familles et les découragements observés devant le système.

Par ailleurs, page 140, il est indiqué qu’un collège du Lot a trouvé la parade, pour qu’un élève qui a eu son affectation refusée aille en 2nd générale et Technologique. (page 130)

C’est ce que préconise le rapport : comme le redoublement ne sert à rien, il faut mieux que l’élève aille en 2nd GT.  Ceux  qui préconisent cela n’ont très certainement pas conscience de la souffrance des élèves qui sont en 3ème et qui maitrisent insuffisamment la lecture et l’expression. Je ne voie pas que pourra faire d’autres l’élève que s’asseoir à côté du radiateur. Le lycée échoue à mettre un soutien adapté à celui qui a des faiblesses, alors comment peut-il le faire pour celui qui ne maîtrise pas l’expression et qui a l’estime de soi détruite.  Il est évident que pour redonner confiance à un jeune, c’est une solution totalement inadaptée, qui se traduit dans la plupart des cas par un abandon ou par une orientation en 2nd professionnelle après la 2nd générale. En Finlande, il est possible de faire une année supplémentaire dans l'établissement, pour les élèves qui n’ont pas trouvé d’affectation après le collège.

La méconnaissance des réalités du terrain est incroyable. Ils présument qu’un jeune a plus de chance de rattraper de fortes lacunes dans une classe non dérogatoire, alors que, dans les faits, c'est le contraire. N'ayant aucun challenge qu'il pourra réussir, le découragement s'installe : c'est l'absence de progression et la perte de l'estime de soi assurées.

Il semblerait que les penseurs des services centraux de l’éducation nationale sont aussi dans l’utopie du tout modulaire. La recommandation 13, page 163 est  « Faciliter les changements de parcours entre les voies de formation au lycée (générale, technologique et professionnelle) aussi bien à l’intérieur de chacune d’entre elles, grâce à un organisation modulaire des enseignements. »

Le  tronc commun du lycée de Chatel qui était censé permettre les changements de parcours entre les filières générales, a échoué. Ce n’est ni plus ni moins possibles de changer de filière qu’avant. Il s’agit d’un problème d’acquis nécessaires pour avoir une chance raisonnable de réussir une formation. Le changement vers une voie qui a plus d’exigences demande un redoublement, modulaire ou pas.  A cause des contraintes d’organisation, le principe de modulaire donne en réalité peu de liberté de choix, et fait perdre la dynamique du groupe classe. L’expérience internationale a largement prouvé l’inefficacité de ce principe.

Bien qu’elle ne fut pas retenue, comme pertinente par l’auteur du rapport, nous pouvons lire des critiques du système d’affectation AFFELNET. Elles ont été reportées à la page 140. Les voici :

« Au vu de ces critiques, il n’est pas étonnant que le constat de la lourdeur et du coût des procédures d’affectation ait conduit un certain nombre d’interlocuteurs à faire part de leurs interrogations sur l’intérêt général d’AFFELNET, plutôt que de laisser choisir librement, non seulement la voie d’orientation, mais également l’affectation dans les établissements, et ne traiter in fine que les situations correspondant aux demandes excédant les capacités d’accueil. Les services académiques considèrent toutefois qu’un abandon de la régulation actuelle de l’affectation serait ingérable dans la plupart des territoires : s’il est possible de laisser le choix de la voie d’orientation aux familles, celui de l’affectation doit être maîtrisé par les services déconcentrés. » 

Et bien moi, je pense le contraire.

Une des grandes difficultés de l'affectation en lycée professionnel est que le nombre de places de chaque formation est limitée. Ce n'est ni possible (disponibilité de locaux et d'enseignants spécialisés), ni souhaitable (l'offre de formation doit être compatible avec les possibilités d'emplois) de faire autrement. Cependant, il est possible de penser une autre régulation où ce sont les établissements qui choisissent les élèves en fonction de leur motivation. Ils ont ordre de ne pas prendre en compte le niveau scolaire et de rechercher l’hétérogénéité des parcours, des origines et des sexes. Les services académiques donnent le quota de « oui » possible en fonction de l’avancement de la démarche. Le nombre de OUI possible augmente avec le temps. Toutes les semaines, le point sur les demandes est réalisé. Chaque candidat reçoit un mail avec OUI, liste d’attente ou NON. Les personnes qui accompagnent l'enfant dans son orientation sont également informées.  Des contrôles sur l'hétérogénéité des profils acceptés peuvent être faits à tous moments. Il y a des garde-fous à voir, mais c’est possible. 

Il est évident que les services académiques ne souhaitent pas déléguer ce pouvoir.

Mais où est l’intérêt de l’enfant ?

-  une affectation par les humains qui vont l’aider à réussir leur formation s’il arrive à leur prouver que c’est le métier qu’il a envie d’apprendre ou

- une affectation par un logiciel aveugle sur des notes dont les paramètres ont été réglés par des bureaucrates qui visent les bons « chiffres » pour leurs statistiques.

La réponse me semble évidente.

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