L'EX-"BANQUIERE" de la Place Beauvau vient de disparaître. "Madame Henriette" a été enterré le 26 Juillet à Vichy (Allier). De son vrai nom Georgette Boisseau-Deschouarts (Henriette était son deuxième prénom, et son nom de guerre), ell est décédée à son domicile une semaine plus tôt, emportant tous ses secrets. Elle étati chargée de distribuer, en liquide l'argent destiné à rétribuer les indics et à gratifier les flics méritants.
Née le 16 Mars 1921, Madame Henriette a été enrôlée au Ministère de l'Intérieur sous Pétain. Elle en est sortie sous Sarkozy, en 2 007. Retraitée de longue date, elle bénéficiait d'un statut de contractuelle. L'année de ses 86 ans et de son départ de la Direction générale de la police nationale (DGPN), elle a distribué plus de 4 millions d'euros. C'est ainsi que les "frais d'enquête et de surveillance", appellation officielle, sont passés, entre 2002 et 2004, des boites en carton de Madame Henriette aux proches de Claude Guéant, lorsqu'il dirigeait le cabinet de Sarko à l'intérieur.
Solides primes en liquide
Depuis la mi-juin, le parquet de Paris enquête sur ces détournements de fonds publics. Cette enquête préliminaire a été ouverte après une autre enquête, administrative celle-là, commandée par Manuel Valls le (5 Mai et dont les résultats ont été rendus publics le 10 Juin. Le versement de primes en liquide aux cabinets ministériels, supprimé par le gouvernement Jospin en 2002, a bel et bien "été rétabli" à Beauvau jusqu'en 2004. "Pendant deux ans", selon le rapport, la dotation attribuée au ministère pour les personnels de cabinet a "été complétée par des versements en provenance des frais d'enquête et de surveillance", à hauteur de 10 000 euros par mois remis au directeur de cabinet du ministre". Non déclaré au fisc, évidemment.
Secrète comme une banquière, Madame Henriette n'a évidemment pas conservé la moindre trace écrite sur les flux de liquidité qui transitaient par son burlingue. Et il est désormais trop tard pour tenter d'obtenir le témoignage de cette fonctionnaire zélée et mutique, décorée de la légion d'honneur le 31 Décembre 1998 et du Mérite en 1987.
Guéant autogestionnaire
EN revanche, ses nombreux patrons directs, ex-directeurs généraux de la police nationale, peuvent parler. Tris d'entre eux ont été invités à le faire au début de juin devant les magistrats de la Cour des comptes, qui enquêtent eux aussi sur ces désormais fameux et mystérieux frais d'enquête et de surveillance. Michel Gaudin, directeur général de la police lorsque que Sarko était ministre de l'intérieur (aujourd’hui directeur de cabinet de l'ex), a avoué avoir puisé dans le coffre de Madame Henriette 10 000 euros en liquide par mois pour les verser à un "ami" Claude Guéant, directeur de cabinet du premier flic de France. Évidemment "à sa demande".
Ce n'est pas la seule confidence que Michel Gaudin a faite aux magistrats de la Cour des comptes, dont les conclusions définitives seront rendues publiques à l'automne mais dont "Le Canard" a pu consulter un rapport d'étape. Il a également admis que le pognon qu'il versait à Guéant lui était donné par...Guéant lui-même ! Les limiers de la Rue Cambon sont arrivés à la même conclusion en retraçant méticuleusement les flux d'argent cachés de Beauvau.
Chaque année, une somme est allouée officiellement et légalement au ministère de l'Intérieur : 12.9 millions d'euros en 2002 ; 10.5 millions aujourd'hui. Cela se gâte quand le directeur de cabinet répartit cette manne, en liquide et hors de tout contrôle, entre les différentes directions centrales, les services spécialisés et la préfecture de police de Paris. C'est évidemment la DGPN qui est la plus généreusement dotée : 3.2 millions en 2002, 4 millions en 2012. DU bureau de Gaudin à celui de Guéant (comme à celui de tous les directeurs centraux et patrons de service); Madame Henriette effectuait les transports de fonds.
Muette comme une tombe...
Didier Hassoux
Source : Le Canard Enchaîné du Mercredi 31 Juillet 2013, page 3