Yann Kindo (avatar)

Yann Kindo

Enseignant en histoire géographie.

Abonné·e de Mediapart

219 Billets

1 Éditions

Billet de blog 18 mai 2014

Yann Kindo (avatar)

Yann Kindo

Enseignant en histoire géographie.

Abonné·e de Mediapart

Gabriel Amard (PG) : à chacun son boche OGM !

Yann Kindo (avatar)

Yann Kindo

Enseignant en histoire géographie.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un article récent de la revue Lutte de Classe, publiée par Lutte Ouvrière, a fait un (tout) mini buzz, au point qu'un journaliste d'Europe 1 l'a évoqué lors d'un entretien avec Nathalie Arthaud.

 Ce qui montre que au moins, à Europe 1, ils font l'effort de rendre un minimum compte de la campagne d'une petite organisation communiste comme LO, contrairement au journal « de gauche » Médiapart, qui ignore totalement ce courant tout en nous infligeant vendredi dernier une insupportable conversation de salon entre le PS, le Front de Gauche et Les Verts, avec le but manifeste et quasi avoué de jouer les marieuses entre ces trois courant réformistes qui  se disputent parfois un peu entre vieux copains pour amuser la galerie. Il fallait voir tous les efforts considérables que Cambadélis et Mélenchon ont fait tout au long de ces interminables échanges pour essayer de se  vouvoyer de manière complètement articifielle, avant de craquer sur la fin et de se tutoyer entre complices de longue date.

Enfin, passons...

 Revenons plutôt à cet article à propos de la campagne du PG pour les européennes, qui vise à montrer que derrière le radicalisme de façade se cache une rhétorique sans danger pour le capitalisme, mais aussi parfois franchement réactionnaire :

http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/article/le-parti-de-gauche-et-les

L'article a évidemment déplu dans les milieux antilibéraux qui l'ont lu, cela va de soi.

 Mais pour se convaincre du bien fondé de que est dit par cet article, il suffit de se pencher rapidement sur le cas de Gabriel Amard, dirigeant du PG et tête de liste du Font de Gauche aux européennes pour le Nord-Est.

Pour le radicalisme de façade, voir ce communiqué qu'il a publié ce mercredi à propos de la  stupéfiante relaxe en appel des 54 dingos emmenés par un viticulteur biodynamique qui étaient allés démolir la recherche publique sur les OGM en « fauchant » à Colmar  des pieds de vigne de l'INRA  :

 http://gabrielamard.eu/index.php/communiques/135-faucheurs-de-colmar-une-victoire-pour-les-resistants

 « Je me félicite de la décision rendue par la cour d'appel de Colmar concernant les faucheurs volontaires. Ils avaient été condamnés une première fois pour avoir fauché une parcelle de vigne transgénique en 2010 et sont maintenant libres de toutes sanctions pénales. Les 54 résistants qui viennent d'être relaxés font la démonstration que faucher des OGM n'est pas une destruction.

Ces désobéissants nous montrent à tous la voie, il faut refuser les compromis avec le productivisme libéral qui partout détruit notre air, notre sol et notre eau. La flamme qui les anime doit servir d'exemple à ceux qui ne veulent plus de cette concurrence libre et non faussée qui nous conduit à notre perte.

Il faut maintenant que soient levées les menaces de dédommagements qui planent sur eux (57 000 euros de dommages). J'appelle également à l'amnistie de l'ensemble des syndicalistes: ils ont lutté pour défendre l'intérêt général humain et nos bien communs, il faut les féliciter et non les punir. »

Dans son grand gloubliboulga, Amard mélange et assimile syndicalisme et fauchage d'OGM, alors qu'on ne se souvient pas que les salariés de l'INRA aient organisé le saccage en question à l'appel de leurs organisations syndicales. Surtout, Amard affirme ici que les syndicats défendent un hypothétique « intérêt général humain »  plutôt que de défendre les intérêts de classe des travailleurs contre les intérêts opposés de la classe capitaliste. En évacuant délibérément la question de classe au profit d'un bla bla vaguement humaniste sur « l'intérêt général humain », le communiqué illustre parfaitement le fait que LO a raison de caractériser le PG comme un parti « bourgeois ».

Amard dans son communiqué brode à l'envie sur les « résistants » et les « désobéissants », en n'hésitant pas à concurrencer sur son propre terrain  la propagande caricaturée par Orwell dans 1984: «faucher des OGM n'est pas une destruction. », nous dit-il.
«Faucher des OGM n'est pas une destruction. »....
Mais oui, c'est ça, et comme il est dit dans 1984 : «  La guerre, c'est la paix. », « La liberté, c'est l’esclavage. »,  et surtout « L'ignorance, c'est la force. » -slogan qui semble être appliqué tel quel par ceux qui sabotent les expériences scientifiques pour empêcher d'en connaître le résultat, comme ça a été le cas à Colmar.

 Je ne vais pas m'étendre des heures sur ce thème, mais je voudrais juste rappeler qu'il est parfaitement possible (et en fait: « normal ») d'un point de vue communiste et révolutionnaire de repérer que derrière ce verbiage radical et lyrique - plutôt que logique -, il y a bien sur ce sujet une position franchement obscurantiste. C'est ce que faisait l'article de Lutte Ouvrière publié en 2010 au lendemain du fauchage de Colmar :

 http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2194&id=10

 « Pour qui en douterait encore, la destruction par un commando d'écologistes des pieds de vigne transgéniques à l'Institut national de recherches agronomiques (INRA) de Colmar montre que, chez ceux qui se présentent comme des défenseurs de la nature, la débilité antiscientifique est largement répandue.

Depuis la crise du phylloxera qui ravagea les vignobles français au début du XXe siècle, tous les cépages français sont greffés sur des pieds américains, résistants à cet insecte mais pas au court-noué, une maladie virale mortelle pour les pieds de vigne atteints. C'est sur la mise au point, par manipulations génétiques, de porte-greffes capables de résister à ce virus que travaillait l'INRA de Colmar.

Le risque, classiquement évoqué par les anti-OGM, de dissémination dans la nature n'existait évidemment pas dans ce cas, puisqu'il s'agissait de ceps qui ne seraient utilisés que comme porte-greffes et que, sur les plants arrachés, les inflorescences avaient été éliminées.

Les crétins qui ont saccagé la plantation de l'INRA, réduisant ainsi à néant des années de recherches scientifiques (le temps nécessaire à vérifier l'efficacité de la méthode), ont reçu le soutien du député européen d'Europe Écologie José Bové qui, après avoir déclaré péremptoirement que les OGM n'étaient pas « une réponse qu'attendent les viticulteurs », a affirmé qu'il fallait « mettre en avant des pistes alternatives ».

Pour le moment les viticulteurs, en matière de solution alternative, n'ont d'autre possibilité que de recourir aux pesticides pour détruire les nématodes (des petits vers vivant dans le sol) qui sont les vecteurs du virus !

Comprenne qui pourra.

François DUBURG »

Mais il n'y a pas que sur le terrain de la recherche scientifique que les ténors du PG défendent des positions réactionnaires. Ils le font avant tout sur le terrain du patriotisme et du nationalisme, avec parfois des relents xénophobes  quand ils parlent des Etats-Unis ou surtout de l'Allemagne. Ainsi, si l'on en croit Alain Krivine, le grand résistant désobéissant Gabriel Amard s'est illustré il y a peu en dénonçant dans un tract  « l'Europe allemande », comme s'il était éditorialiste  de l'Humanité stalinienne  en 1945 :

 « sur cette dernière question [l'internationalisme], il y a vraiment de quoi débattre, surtout quand on voit la tête de liste de l’Est, Gabriel Amard (PG), titrer un tract en vue d’une réunion publique à Besançon : « Non à l’Europe allemande » ! »

http://www.npa2009.org/content/front-de-gauche-la-forme-et-le-fond

Le NPA confirme donc dans ses colonnes  l'idée exprimée dans la revue Lutte de Classe selon laquelle le PG fait joujou avec une rhétorique un peu puante  qui a pour effet concret d'exonérer les capitalistes et le gouvernement français de leurs responsabilités dans les attaques contre les travailleurs, en renvoyant la faute à « Bruxelles » ou à « Merkel ». Il est simplement dommage que le NPA ne mette cela en avant qu'une fois que le Front de Gauche l'a envoyé paître dans sa quête désespérée et de dernière minute  d'une alliance électorale...

Bref, le maquisard Gabriel Amard veut nous emmener au combat contre les allemands et les vignes transgéniques. Derrière la réthorique gauchiste se cachent bien des positions réacs, c'est bien ça.

J'en profite pour signaler en conclusion une chouette tribune du chercheur Marc Pechanski dans  Libération, à propos des élections européennes et de la nécessité d'y faire entendre un courant politique clairement anticapitaliste et internationaliste, c'est à dire communiste. Un courant qui n'oppose pas de quelque manière que ce soit  français et allemands ou génétiquement purs et génétiquement modifiés, mais qui oppose les travailleurs à leurs exploiteurs capitalistes:

 http://www.liberation.fr/monde/2014/05/15/deux-camps-irreductibles_1018238

La conclusion de sa tribune apparaît ainsi parfaitement raisonnable et mérite d'être reprise:

« Quel que soit le poids des ans qui pèse sur cette rhétorique, elle n’a rien perdu de son évidence : il y a deux camps, celui de la bourgeoisie et des travailleurs. Dans ces élections, j’ai choisi le mien, je le dirai de la seule manière qui ne prête à aucune confusion, je voterai Lutte ouvrière. »

Yann Kindo

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.