"Brisons les tabous !", disent-il en choeur, nos hiérarques satisfaits de gauche et de droite. "Briser les tabous", reprend Le Figaro en extase devant un Valls qui s'imagine Blair ou Schröder hexagonal. L'heure est donc à cela. Plus de totems ni de tabous ! C'est au passage une nouvelle étape de cette époque réactionnaire qui a troqué Sigmund Freud pour l'agité du bocage caennais Michel Onfray et qui illustre un sacré malaise dans la culture...
Le tabou, quand même, c'est ce qui fait que même si je trouve mon voisin laid et stupide, je ne vais pas aller le lui dire, a fortiori en public pour le dégrader un peu plus et le pousser, pourquoi pas, à disparaître de mon espace, forcément vital.
Eh bien, c'est fini, tout cela ! Je m'assume dans toute ma jouissance, y compris amère. Je rêve de ne voir s'ébattre que des gens beaux et agréables, à mille lieues de ces "sans-dents" analphabètes qui me gâchent la vue. Je brise un tabou, je le dis. Comme je dirai désormais tout ce qui me passe par la tête ! À l'usine, ce sera pareil : mes ouvriers n'ont qu'à bosser ; je ne leur dois rien ! Avec les tabous, je ne peux pas les réduire en esclavage comme autrefois !
Ce qui est toutefois fâcheux, c'est que je prends conscience que briser les tabous peut me revenir comme un boomerang dans la figure. Et si, par exemple, une femme mal quittée décidait de se venger de moi en publiant sans tabou et pour le grand public ce qui devait rester un secret d'alcôve ?
C'est que briser les tabous constitue un pas non négligeable vers le fascisme et que cette infâme mode consensuelle risque bien de tous nous entraîner par le fond.
Car les tabous garantissent notre liberté.