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Billet de blog 26 octobre 2014

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Fabrication d’anticorps anti-Ebola : pour les Africains, des brèches dans les règles de sécurité et de production ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les patients qui sont malades d’Ebola pourraient bénéficier, c’est encore expérimental, des anticorps des malades qui ont guéri de la maladie.

 Mais il faut pouvoir soit directement transfuser ce plasma prélevé sur les patients guéris, après avoir a minima testé qu’il n’est pas porteur d’autres maladies (en France avant de transfuser du plasma, on teste le VIH, les hépatites B et C et quelques autres virus parfois), soit le transformer pour en extraire les anti-corps, ce qu’on appelle le « fractionnement ». En France, depuis l’affaire du sang contaminé, on a séparé le collecteur du produit, aujourd’hui l’Etablissement Français du Sang, de l’industriel qui fabrique les produits extraits du plasma, aujourd’hui le LFB, société pharmaceutique dont l’Etat est actionnaire à 100%.

 Ainsi, si des expériences de traitement par des anti-corps anti-Ebola extrait du plasma de patients guéris devaient être menées en Afrique de l’Ouest dans le cadre de la coopération Française, on pourrait s’attendre à voir se maintenir cette exigence de collecte sécurisée d’un côté et de compétence en production industrielle de l’autre, pour ne pas rajouter au risque d’un traitement « expérimental » et pas démontré celui d’un apprentissage de la fabrication des produits.

Or les récentes annonces faites sur l’implication de la France en matière d’Ebola laissent planer un doute sur la question : deux journaux rapportent la même information, le Journal International de médecine et le Figaro :

http://www.jim.fr/en_direct/pro_societe/e-docs/ebola_un_test_de_diagnostic_rapide_tres_vite_mis_au_point_en_france_148272/document_actu_pro.phtml

et

http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/10/21/22950-ebola-france-va-mener-tests-inedits-guinee

 On peut y lire que lors d’une conférence de presse du mercredi 22 octobre dernier, le professeur Jean-François Delfraissy (INSERM), nouveau « Monsieur Ebola » de la France, a annoncé plusieurs mesures dont celle de l’expérimentation  du sérum de convalescent, « un challenge majeur mais exaltant ».

Il aurait annoncé que la purification du plasma de patients guéris va être confiée à l’Etablissement français du sang (EFS), pour "en récupérer des anticorps neutralisants" et les réinjecter à des malades. Il en souligne les difficultés prévisibles pour assurer la sécurité des donneurs et des receveurs, et pour recruter des volontaires parmi les survivants («ils préfèrent oublier ce qui leur est arrivé» constate-t-il).

Mais il oublie curieusement de mentionner qu’extraire les anti-corps est une activité pharmaceutique industrielle et réglementée dont l’EFS n’est pas en capacité technique actuellement : qui va donc le faire en pratique ? Le LFB, laboratoire pharmaceutique en charge du monopole de la production de ce type de produit à partir du plasma français collecté par l’EFS, n'est-il pas impliqué ? L’urgence africaine justifie-t-elle de revenir  à une situation de moindre technicité de fabrication des années 90 et la modalité choisie est-elle réellement plus efficiente et plus rapide ?

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