Sortie nationale (France) du 3 décembre 2014 : Retour à Ithaque, de Laurent Cantet
Cinq amis proche de la cinquantaine se retrouvent sur le toit d’un immeuble de La Havane, à l’occasion du retour d’un des leurs après seize ans d’exil. L’ambiance est festive et à la bonne humeur. Peu à peu ressurgissent les fantômes du passé.
À l’occasion de l’œuvre collective 7 jours à La Havane, Laurent Cantet avait à la fois rencontré un pays, une ville et ses habitants mais aussi un auteur, Leonardo Padura. Le court métrage dont il avait la charge se révélant un espace bien trop étroit pour tout ce qui devait être dit, le cinéaste français et l’écrivain cubain se sont donné un nouveau rendez-vous autour de ce long métrage. Ainsi est né Retour à Ithaque. Pour figurer l’isolement d’une génération de cinquantenaires qui a connu les espoirs et les déceptions de la politique cubaine, Laurent Cantet a opté pour une mise en scène qui rapproche le film d’une œuvre de théâtre classique, respectant les unités de lieu, de temps et d’action. Ainsi, la scène se déroule sur le toit d’un immeuble de La Havane (avec une échappée en guise d’entracte qui a aussi pour intérêt de laisser la parole à la nouvelle génération) durant toute une nuit autour de la question de la possibilité pour des amis de longue date de se retrouver ou non. En cette durée restreinte, les personnages ne peuvent pas échapper à leurs démons : ils doivent à un moment donné faire tomber le masque de la convenance sociale pour laisser exprimer leurs contradictions. Sont tout à la fois questionnés la persistance d’une amitié malmenée par l’histoire politique d’un pays, la foi dans un idéal révolutionnaire revendiqué par un groupe d’intellectuels, le besoin vital pour chacun de se rattacher à un espace géographique déterminé. Les choix des mises en scène se révèlent assez efficaces pour libérer une parole et l’incarner en images de cinéma. En outre, le récit est magnifiquement porté par des acteurs hors pair, pétris d’émotion. Le film reste à divers égards et malgré le scénario de Padura, des acteurs cubains émérites, un regard français sur Cuba. Se dégage ainsi, au-delà du contexte historiquement cubain, l’universalité du thème d’une génération d’amis bercés par des idéologies révolutionnaires et qui doivent à 50 ans faire face à leurs propres désillusions. Paradoxalement, le film parle peu de Cuba et ce n’est donc pas sans raison que la référence à l’œuvre d’Homère est présente dans le titre du film : celui-ci sert de métaphore au cinéaste pour porter son message universel. Une fois prise en considération cette limite, on pourra se délecter da la réussite manifeste de la réalisation de ce film. Quant au cinéma cubain contemporain, il gagnera évidemment à être découvert en pleine effervescence à travers une nouvelle génération qui ose expérimenter de nouvelles formes et continuer ainsi à porter le souffle révolutionnaire de la création, comme La Piscina de Carlos Quintela, Memorias del desarrollo de Miguel Coyula, pour n’en citer que deux par mi d’autres.
Retour à Ithaque
de Laurent Cantet
Fiction
95 minutes. France - Belgique, 2014.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Isabel Santos (Tanía), Jorge Perugorría (Eddy), Fernando Hechevarria (Rafa), Néstor Jiménez (Amadeo), Pedro Julio Díaz Ferran (Aldo), Carmen Solar (Fela, la mère d’Aldo), Rone Luis Reinoso (Yeonis, le fils d’Aldo), Andrea Doimeadios (Leidianna)
Scénario : Leonardo Padura et Laurent Cantet, en collaboration avec Lucia Lopez Coll
Images : Diego Dussuel
1re assistante réalisatrice : Elisa Rabelo De Juan
Montage : Robin Campillo
Son : Olivier Mauvezin
Production : Full House (France)
Coproduction : Orange Studio(France), Haut et Court(France), Funny Balloons(France), Panache Productions (Belgique), La Compagnie Cinématographique (Belgique)
Producteurs : Didar Domehri, Laurent Baudens, Gaël Nouaille
Directeur de production : Rémi Bergman
Distributeur (France) : Haut et Court