Au beau milieu d’un paysage montagneux se trouve un pensionnat isolé. À plusieurs reprises, Lila, qui vient d’avoir 12 ans, tente de s’enfuir pour retrouver son père dont elle ignore jusqu’au prénom. Jimena, qui lui enseigne les sciences naturelles, est bien décidée à offrir son aide. Commence alors pour elles un long chemin.
Dans le cadre magnifique des paysages d’une région montagneuse de Córdoba et dans la vallée de Traslasierra, le premier long métrage de Matías Lucchesi conte l’odyssée audacieuse d’une préadolescente en quête de son père, dont elle ignore tout, jusqu’au prénom. De prime abord et dès les premiers plans, la région isolée dans les montagnes où se trouve le pensionnat pour enfants marque durablement par sa présence le spectateur. Apparaît ensuite avec une belle pudeur et une saine sobriété, chacun des personnages. Le metteur en scène, s’il met au cœur de son histoire la jeune fille et son professeur, n’en oublie aucunement chacune des rencontres qu’elles font. Il est ainsi émouvant de retrouver le regretté mais magnifique acteur Arturo Goetz dans l’un de ses derniers rôles. La solitude est l’un des grands thèmes de ce film puisqu’elle habite sans aucune exception les personnages contraints à s’y confronter. S’il est important d’insister sur le très grand rôle des lieux de tournage, c’est que Matías Lucchesi a très bien perçu tout le potentiel à la fois cinégénique et de récits que ceux-ci recèlent. Parfois même, on peut considérer que la succession des portraits humains finissent par composer le portrait de l’« esprit » de ces lieux uniques. De la même manière que l’on trouve ici l’utilisation du « paysage-portrait » qui témoignent, à travers leur contemplation, de la partie la plus personnelle de l’identité des protagonistes, le processus d’identification marche aussi dans l’autre sens dans ce film. L’une de ses grandes réussites est d’avoir réussi une communion presque totale entre les personnages, les lieux et l’histoire : chacun se soutient l’un à l’autre, pour exprimer au mieux le mystère de chacun. La quête des origines de la jeune fille vaut alors pour chaque protagoniste qui a son contact va être amené à se questionner et se révéler.
Dans un monde où la solitude semble une fatalité incontournable, le cinéaste rend un bel hommage à la solidarité comme un potentiel de lien humain qui peut naître et croître à tout instant. Avec sobriété, par sa mise en scène et sa direction d’acteur, Matías Lucchesi évite la surcharge lacrymale mais n’en touche pas moins et plus justement l’émotion. Les acteurs ont ce talent d’exprimer par leur seule présence et leur gestualité, l’identité profonde des personnages qu’ils incarnent. Aussi, c’est un véritable plaisir que d’aller en tant que spectateur à leur rencontre. Et lorsque plusieurs solitudes se font face, il peut résulter comme dans ce film un cheminement vers plus de maturité, et pas seulement chez la préadolescente. Ainsi, les adultes dans ce film ont à apprendre de l’autre pour assumer les responsabilités qui leur incombent par leur situation dans la société. C’est aussi ce message humaniste que renvoie ce film généreux.
Cañada Morrison
Ciencias naturales
de Matías Lucchesi
Fiction
71 minutes. Argentine - France, 2014.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Paula Hertzog (Lila), Paola Barrientos (Jimena), Alvin Astorga (Puma), Sergio Boris (le soudeur), Arturo Goetz (Arturo), Eugenia Alonso (Marta), Vanesa Weinberg (Rosa)
Scénario : Matías Lucchesi, Gonzalo Salaya
Images : Sebastián Ferrero
Montage : Delfina Castagnino
Assistant réalisateur : Manlio Zoppi
Costumes : Sol Muñoz
Musique : Nacho Conde
Son : Martín Litmanovich, Lucás Fancin
Chef décorateur : Adrián Suárez
Production : Salta la Liebre, Tarea Fina
Producteurs : Matías Lucchesi, Juan Pablo Miller
Directeur de production : Juan Maristany
Distributeur (France) : Urban Distribution