Billet de blog 21 avril 2015

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Quand les grands médias s’emparent de la dette, les citoyens en font les frais

Depuis vingt ans déjà, un homme s’est dédié à la critique sans concession des médias français : son nom est Pierre Carles. Cette analyse critique passe par des documentaires qui mêlent investigation, portrait de grandes figures médiatiques, sens de l’humour corrosif à l’égard d’un milieu cynique.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis vingt ans déjà, un homme s’est dédié à la critique sans concession des médias français : son nom est Pierre Carles. Son cinéma appelle à un regard distancié face aux grands médias dominants, où les voix dissidentes se font rares. Cette analyse critique passe par des documentaires qui mêlent investigation, portrait de grandes figures médiatiques, sens de l’humour corrosif à l’égard d’un milieu cynique. Le cinéma de Pierre Carles appelle à un regard distancié face aux grands médias dominants, où les voix dissidentes se font rares.

Illustration 1
© C-P Productions

Sortie nationale (France) du 15 avril 2015 : Opération Correa. Épisode 1 : Les Ânes ont soif, de Pierre Carles

À ce titre, le nouveau documentaire de Pierre Carles poursuit le débat lancé comme un pavé dans la mare par Les Nouveaux chiens de garde de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat (2012). Pierre Carles focalise ici son attention sur l’impossibilité de la plupart des médias à se rendre indépendant d’une commune voix en ce qui concerne l’analyse économique, politique et sociale de la dette. Ceci est d’autant plus dommageable que c’est bien au nom de la prétendue « nécessité et obligation » pour les États de rembourser la dette que s’organise aujourd’hui l’ensemble de la vie politique actuelle, en France comme ailleurs. Il y a pourtant de véritables alternatives et avec l’arrivée de Syriza aux dernières élections grecques, difficile pour les grands médias français d’oublier cette réalité européenne. Or, la remise en cause de la dette par le gouvernement grec se base sur une expérience hors du commun débutée il y a quelques années en Équateur avec l’arrivée à la présidence de Rafael Correa. En novembre 2013, le chef d’État équatorien faisait une visite officielle en France, reçu par le président Hollande. Or, cette visite a été complètement passée sous silence par la plupart des médias en France. C’est à partir de ce constat que Pierre Carles mène son enquête, allant à la rencontre des grandes figures du journalisme, faisant face à de brutales fins de non recevoir à l’instar d’un Yves Calvi. La démarche pourrait rappeler un Michael Moore, la subtilité de l’analyse en plus. L’énergie d’une volonté dominée par l’envie d’une information diversifiée pour tous est omniprésente dans ce documentaire. De l’aveu même des journalistes et éditorialistes interrogés, Ivan Levaï en tête, il n’y a pas de place dans les informations quotidiennes pour l’analyse détaillée de l’actualité du monde à laquelle se prête, par exemple, Le Monde diplomatique. Ainsi, ce journal est totalement absent des revues de presse sur les grandes ondes qui se veulent pourtant diversifiées, sans distinction idéologique et partisane. Avec condescendance et un certain mépris pour son public, l’ex animateur responsable d’une revue de presse quotidienne sur France Inter, Ivan Levaï, explique que « l’on ne saurait faire boire un âne qui n'a pas soif », autrement dit, le public ne saurait s’intéresser à certains sujets de l’actualité : inutile dès lors de lui en parler !

Ainsi, les médias participent à une vision univoque de l’état du monde dominé par la crise et la nécessité de rembourser la Dette, d’accepter les licenciements massifs pour relancer l’économie, etc. Le sujet d’Opération Correa n’étant pas la dette en tant que telle même si elle est toujours en toile de fond de l’analyse critique des médias, le documentaire On a mal à la dette qui le précède lors de sa diffusion dans les salles de cinéma, est donc le bienvenu, devenant une bonne introduction, explicative et non dépourvue d’humour (car il en faut pour faire face aux enjeux souvent cyniques de certains économistes et milieux financiers) de ce que signifie cette dette dont on parle beaucoup sans jamais chercher à la comprendre de fait.

Pierre Carles, comme à son accoutumée, s’empare de son sujet avec conviction et ténacité, réussissant à accéder à des aveux de la part des responsables médiatiques qui sont souvent peu enclins à le faire et offre une véritable bouffée d’air dans le Paysage Audiovisuel Français. Cela pourrait sembler dérisoire car le film ne dispose pas de la même audience que des sorties cinéma nationales adoubées par de grands moyens de communication et pourtant c’est ainsi que l’indépendance d’une analyse aujourd’hui est possible.

Illustration 2

en avant-programme : On a mal à la dette, documentaire de 30 min. de Pierre Carles

Avec : Susan George, Aurélie Trouvé, Jean Gadrey, Bernard Friot, Patrick Saurin, Michel Husson

Opération Correa. Épisode 1 : Les Ânes ont soif

de Pierre Carles

Documentaire

54 minutes. France, 2015.

Couleur

Langue originale : français

Avec la participation plus ou moins volontaire de Christophe Barbier, Agnès Bonfillon, Yves Calvi, Frédéric Haziza, Christophe Hondelatte, Thomas Legrand, Ivan Levaï, Elisabeth Quin, Frédéric Taddeï et Alban Ventura et les interventions de Patrick Bèle

Maurice Lemoine, Mylène Sauloy

Images et sons : Pablo Girault, Martin Khalili, Nicolas Mas, Hugues Peyret, David Rit

Mixage : Frédéric Maury

Étalonnage : Laurent Souchaud

Post-production : Pascal Blondela, Ludovic Raynaud

Édition DCP : Tim Mendler DCP L

Montage : Gilles Bour, Pierre Carles

Bande-annonce : Audrey Bertrand

Production : C-P Productions

Productrice : Annie Gonzalez

Distributeur (France) : Les Films des Deux Rives

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.