Billet de blog 21 mai 2015

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Festival de Cannes 2015 : asphyxie sociale en Colombie

Semaine de la Critique, Cannes 2015 : La Tierra y la sombra, de César Augusto Acevedo.

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Pyramide Distribution

Semaine de la Critique, Cannes 2015 : La Tierra y la sombra, de César Augusto Acevedo. 

Alfonso est de retour après dix-sept ans d’absence pour secourir son fils malade alité. Celle qui fut sa femme le repousse mais il est accueilli par son petit-fils et sa belle-fille. Leur maison se trouve au milieu de grande étendues de cannes à sucre produisant régulièrement une pluie de cendres asphyxiante. 

Sur une route bordée de cannes à sucre à perte de vue, la petite silhouette d’un homme s’approche de l’écran, tandis qu’au loin se manifeste un camion remorquant plusieurs containers : la poussière générée par celui-ci fait disparaître de l’écran cet homme. En une seule séquence d’ouverture sont synthétisés l’esprit et les thèmes du film. Autour de l’histoire dramatique d’une famille et de toute une communauté de travailleurs dans des champs de canne à sucre, le cinéaste utilise de longs plans-séquences pour installer ses personnages dans leur milieu, signifiant l’interaction qui existe entre les deux. La détérioration de l’environnement soumis à une exploitation intensive de la terre sous forme de monoculture entraîne la maladie du père. L’air est devenu nocif tout aussi bien que le contexte social ayant quasiment disparu en dehors des relations entre les travailleurs. L’exploitation de la terre passe ici par l’exploitation corrélative d’hommes et de femmes. Cet enfer semble d’autant plus oppressif et inaltérable que n’apparaît jamais la figure du patron qui donne des ordres iniques à ses employeurs. De même, l’État colombien n’est pas du tout incarné par un système de santé efficace. Tout ceci concourt à laisser des citoyens colombiens abandonnés à eux-mêmes. En cela, la savante construction esthétique du film développe un discours politique. C’est l’absence de représentants de l’État pour améliorer les conditions des travailleurs qui dénonce l’abandon clairement assumé du gouvernement colombien vis-à-vis de ses concitoyens. En outre, César Augusto Acevedo filme une réalité sociale où les genres sont inversés dans leurs fonctions. Ainsi, ce sont les femmes qui prennent les décisions importantes dans le foyer et ce sont elles seules qui vont travailler pour amener une rémunération dans le foyer. Cela participe aussi à la volonté de se battre pour conserver la terre, coûte que coûte, malgré les dangers. Ainsi, le cinéaste donne à entendre et comprendre une situation sociale donnée à partir d’une expérience autobiographique qu’il souhaitait travailler à partir de l’outil cinématographique. Ce drame familial et social, par son souci esthétique de composition des plans et son montage, offre avec pudeur l’apprentissage de la douleur de chacun de ses personnages. Un film inoubliable.

La Tierra y la sombra

de César Augusto Acevedo

1h37, 2015

avec : Haimer Leal (Alfonso), Hilda Ruiz (Alicia), Edison Raigosa (Gerardo), Marleyda Soto (Esperanza), José Felipe Cárdenas (Manuel)

scénario : César Augusto Acevedo

image : Mateo Guzmán

son : Felipe Rayo

décor : Marcela Gómez

montage : Miguel Schverdfinger

Producteurs : Paola Perez-Nieto, Jorge Forero, Diana Bustamante

Coproducteurs : Thierry Lenouvel, Frans Van Gasel, Giancarlo Nazi, Juliana Vicente

Production : Burning Blue (Colombie)

Coproduction : Ciné-Sud Promotion (France), Topkapi Films (Pays-Bas), Rampante Cine (Chili), Preta Portê Filmes (Brésil)

Distribution : Pyramide Distribution

Vente internationale : Pyramide International

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.