
53,64%. C'est le taux - record, d'abstention atteint dimanche 14 mars 2010 au premier tour des élections régionales. Seuls 20,23 millions de Français (sur 43,64 millions d'inscrits) se sont en effet rendus aux urnes. Depuis, partout dans les médias, chacun apporte son analyse sur ce triste résultat, faisant ainsi parler ceux qui ont choisi de se taire... C'est pourquoi, avant le second tour, dijOnscOpe a voulu demander aux premiers concernés les raisons de leur désertification des urnes, interrogés au hasard dans la rue. Témoignages de ceux qui n'ont pas même dénié voter blanc...
La tribu des "J'sais pas donc j'vote pas"
- Jeannine, 63 ans, retraitée retoucheuse : "La politique ne m'intéresse pas trop, du coup, je délègue mon pouvoir aux autres. Cela m'arrive de voter mais dans ce cas-là, je vote blanc. Je ne connais pas assez les candidats pour savoir lequel choisir. Et puis je fais confiance aux politiques...".
- Christelle, 33 ans, mère au foyer de quatre enfants : "Je ne sais pas quoi vous dire, je ne vote jamais. Mon mari non plus d'ailleurs... J'y connais rien à la politique alors je ne peux pas juger de quoi que ce soit. On dit que la gauche et la droite, c'est la même chose. Moi, je préfère pas m'exprimer dessus... D'où je suis, je vois le monde partir en live. Je ne sais pas si vous regardez la télé mais quand je vois des mères de famille à qui on enlève leurs enfants parce qu'elles n'ont pas de revenu, je trouve ça injuste. Mais qu'est-ce qu'on peut faire quand on y connait rien ?"
- Sabrina, 28 ans, responsable de magasin : "Je ne comprends rien aux programmes des Régionales, ça ne représente rien de concret pour moi. Je ne vote qu'aux présidentielles, que j'arrive mieux à cerner. Mais de toute façon, je pense que mon vote ne sert pas à grand-chose...".
La tribu des "J'ai un problème spatio-temporel"
- Damien, 38 ans, "hyper-actif" : "J'ai loupé la date des élections ! J'avais pourtant bien vu le début de la campagne, la venue des ministres, les candidats qui s'engueulent à la télé... Mais la date exacte de l'élection, je ne l'ai pas imprimée. En rentrant chez moi dimanche dernier, je vois que le journal de 20 heures est à 19h15. Je me dis qu'il y a eu un accident... Je zappe et petit à petit je comprends : c'était le premier tour des élections. Du coup je vais me rattraper dimanche prochain... Mais je crois quand même qu'il y a eu une très mauvaise communication sur les dates d'élection !".
- Ludmilla, 26 ans, secrétaire d'édition : "Dimanche dernier, j'étais occupée. Les élections n'étaient pas ma priorité. Mais d'habitude je vote alors je vais me rattraper dimanche prochain (21 mars)".
La tribu des "Je pense donc je m'abstiens"
- Richard, 37 ans, graphiste : "Le parti pour lequel j'ai voté au premier tour ne sera pas représenté dimanche prochain, je n'irai donc pas voter au second tour. Vu que la gauche sera réélue à 98%, je ne m'inquiète pas... Et puis le vote blanc, ça ne sert à rien puisque ce n'est pas pris en compte".
- Pauline, 33 ans, fonctionnaire : "Quand je pense aux gens - aux femmes, qui se sont battus pour que j'aille voter, j'ai honte. Mais pourquoi j'irai voter pour des gens qui n'ont pas de projet de société, qui ne me font pas rêver ? Je ne leur en veux pas aux politiques de ne pas être des génies. J'espère simplement qu'il y aura un jour quelqu'un qui me fasse croire en son projet. Ce jour-là, je crois que je serais même très engagée politiquement. Mais d'ici là, il est hors de question de voter par dépit. Et tant pis pour les aïeux !".
- Étienne, 48 ans, chômeur : "Moi, je ne vote pas. J'irai voté quand le vote blanc sera pris en compte".
- Camille, 30 ans, chef d'entreprise : "Je me suis abstenue au premier tour. Pourtant, au départ, je savais ce que j'allais voter mais plus j'en ai appris sur ces régionales, moins j'ai su pour qui voter. J'ai ressenti comme du dégoût pour la politique. Je ne me sens proche d'aucun des candidats : ils ne s'occupent que d'eux, que de leur personne. J'ai eu des tracts sur le marché ; on aurait dit des tracts pour un magasin qui venait d'ouvrir... Moi qui dirige une TPE, je ne me reconnais dans le discours d'aucun candidat. C'est bien le pôle nucléaire, l'aéroport, Vitagora... Mais en quoi ça me concerne ? Par contre, je manque de trésorerie, il y en a un qui a une solution ? Je culpabilise de ne pas avoir été voter malgré tout... C'est la première fois. Je pense donc y aller et glisser un bulletin blanc au second tour parce que j'en ai marre de voter par dépit, j'en ai ras-le-bol de choisir le pire".
La tribu du "Voter ? Mais quelle idée !"
- Karim, 22 ans, étudiant : "Moi je ne me suis jamais inscrit sur les listes. Enfin, normalement, je crois qu'on est inscrit directement en devenant majeur mais moi je n'ai jamais reçu de programmes dans ma boîte aux lettres donc j'imagine que je ne suis pas inscrit. Je pense en tout cas que ce n'est pas à moi de faire la démarche d'aller m'inscrire... Non, je suis un peu de mauvaise foi là ; c'est juste que je n'ai pas envie d'aller voter. Bien sûr, je ne lis aucun des programmes, à part celui du FN parce qu'il me fait bien marrer. En tout cas, je ne me plains pas de la politique menée ; si je me plaignais, je me bougerais pour aller voter".
La tribu des "inclassables"
- Mylène, 48 ans, secrétaire d'avoué : "Je n'ai pas été votée tout simplement parce que je n'ai pas ma carte d'électeur ! Si je ne l'ai pas, c'est parce que (Nicolas) Sarkozy ayant décidé de supprimer la profession d'avoué à la cour (et étant 1850 employés à dépendre de cette profession), nous avions envoyé nos cartes d'électeurs au président de la République l'an dernier... Et elles ne nous ont pas été renvoyées ! Bien sûr, je sais que je pourrais aller voter sans ma carte mais je ne suis plus motivée".
- José, 30 ans, bientôt infirmier : "Je ne peux pas voter car je suis Portugais. Je suis arrivé en France à l'âge d'un an et demi mais je n'ai jamais fait ma demande de nationalité française. Les ressortissants étrangers n'ayant pas le droit de vote en France, je ne peux pas voter. C'est dommage, j'aimerais bien pourtant...".
- Nadine, 70 ans, retraitée : "En allant voter dimanche dernier, on m'a dit que je ne pouvais pas voter, que je n'étais pas inscrite. Avec mon mari, nous avons pourtant fait toutes les démarches administratives lorsque nous avons emménagé à Dijon voilà trois ans. Lui a d'ailleurs pu voter ! Moi non... Depuis dimanche, je remue ciel et terre pour aller voter le 21 mars : je suis allée voir la mairie, la préfecture, l'Insee et même le tribunal d'instance. Ça n'a encore rien donné ; je crois qu'ils ne veulent pas reconnaître que c'est une erreur de leur part. Là où je suis étonnée, c'est que lorsqu'une personne est rayée des listes électorales, elle doit recevoir un courrier pour l'en informer. Moi, je n'ai même pas reçu ça !".
