dijOnscOpe

Abonné·e de Mediapart

Billet publié dans

Édition

Dijon / Bourgogne

Suivi par 18 abonnés

Billet de blog 23 octobre 2010

dijOnscOpe

Abonné·e de Mediapart

Loi Boutin sur le logement: "Une bombe à retardement!"

dijOnscOpe

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Toujours plus difficile de trouver un toit ? L'accession de tous à un logement décent reste un problème sociétal récurrent en France. Si certaines réponses existent, correspondent-elles vraiment aux nouveaux besoins de toutes les populations concernées ? jeudi 07 octobre 2010, l'association des lecteurs du journal Alternatives économiques a organisé une table ronde sur le thème crucial du logement et de la précarité à la Maison des associations de Dijon. Étaient notamment présents Manuel Domergue, journaliste à Alternatives économiques et membre du collectif "Jeudi noir", ainsi que Jean Frouin, de la Ligue des droits de l'homme (LDH), tous deux spécialement venus de Paris pour l'occasion...

"Plus de 6.000 demandes..."
L'accès au logement compte parmi les préoccupations essentielles des personnes souffrant de précarité. "Consciente de l'importance du problème, la Mairie de Dijon a créé un service logement en 2008", se félicite Colette Popard, adjointe au maire de Dijon déléguée au logement. "Mais le problème, c'est que Dijon n'a pas atteint les 20% de logements sociaux [ndlr : comme le réclame pourtant la loi Solidarité et renouvellement urbains, dite loi SRU, pour les communes de plus de 3.500 habitants]. Nous avons plus de 6.000 demandes de logement aujourd'hui dans l'agglomération, explique Colette Popard. Heureusement, depuis 2001, plus aucun promoteur immobilier ne peut construire sans inclure un minimum de logements à loyer modéré."

Mais plus que le nombre insuffisant de logements sociaux, ce sont les dispositions de la loi Boutin du 25 mars 2009 qui inquiètent Yves Grosprêtre, membre de la Confédération nationale du logement (CNL). Quoi qu'il en soit, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (LMLLE) est une réforme marquante dans la politique du logement en France. Depuis cette loi, le dispositif 1% logement doit désormais financer, au moins jusqu'en 2011, la rénovation urbaine et l'amélioration de l'habitat, assurées respectivement par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

Vers une privatisation ?

Yves Grosprêtre critique également la loi Boutin en ce sens qu'elle accroît la mobilité dans le parc locatif social. "Pour trouver de la place aux plus précaires, l'idée de cette loi est d'introduire de la mobilité chez les bénéficiaires de logements sociaux". Le problème concernerait surtout les dispositions faites pour "chasser les occupants de ces logements, comme par exemple l'abaissement des plafonds maximum de ressources". D'après le représentant de la CNL, le but de cette loi serait d'installer d'autres personnes à la place, en situation encore plus précaire que les actuels occupants de logements sociaux.
Sont également concernées par la loi Boutin les personnes dont le logement est en état de sous-occupation. «Bien souvent, il s'agit de personnes seules dont les enfants sont partis, mais qui peuvent pourtant avoir besoin d'un logement plus grand pour accueillir régulièrement enfants et petits enfants». Toujours d'après le représentant de la CNL, avec les dispositions de la loi Boutin, "les offices HLM ne pourront plus faire face aux demandes de logement. C'est une bombe à retardement car elle cadre la fin de l'aide de l'État pour le logement. Ira-t-on vers une privatisation des services du logement ?", s'interroge finalement Yves Grosprêtre.

"Les prix ont doublé"

Jean Frouin, membre de la Ligue des droits de l'homme (LDH) dénonce "la persistance de l'habitat indigne, qui révèle l'insuffisance de logements sociaux et notamment de logements très sociaux. L'augmentation des prix dans l'immobilier est scandaleuse. Faudra-t-il aller jusqu'à utiliser la loi de 1945 sur les réquisitions ?" (En savoir plus ici avec NouvelObs.com). Pour sa part, Manuel Domergue, du collectif "Jeudi noir", évoque les conséquences sociales de cette situation : "Les prix des logements ont doublé en dix ans. Les premiers à en faire les frais sont les locataires pauvres, en grande majorité des jeunes. Souvent célibataires, ils louent de petites surfaces et consacrent 20 à 25% de leurs revenus à leur logement, parfois beaucoup plus...".
Manuel Domergue mentionne au passage certains effets de la politique du logement, "lorsque les aides publiques au logement (APL) augmentent, le problème est que bien souvent aussi, le loyer se met aussi à augmenter... Encore faut-il que le jeune en situation de précarité puisse accéder au logement ! Pour se couvrir, les propriétaires n'hésitent pas à demander toujours plus de garanties de la part des familles. Il s'agit parfois d'une véritable humiliation des parents, poursuit le fondateur du collectif. Les prix des loyers augmentent plus vite que l'inflation ; ils sont mal règlementés et le propriétaire peut ainsi augmenter son loyer quand il change de locataire."


"Un seul repas par jour..."
"70% des jeunes que nous accueillons au foyer sont en situation de précarité. Beaucoup d'entre eux ne font qu'un repas par jour. La situation nous a amenés à établir un accord avec la Banque alimentaire. Parallèlement, nous observons actuellement une baisse de la fréquentation du foyer car avec la crise, de nombreux jeunes ont perdus leur emploi", affirme Michel Junchat, du foyer de jeunes travailleurs dijonnais Alis. A ce sujet, Manuel Domergue ajoute que "20 % des jeunes sont pauvres. Jusqu'à présent, les retraités s'en tirent mieux mais nous pourrions assister à un renversement de la tendance d'ici quelques années...", pronostique le journaliste.
Prenant du recul par rapport au sujet, Jean Frouin rappelle que "depuis le XIXe siècle, les politiques publiques du logement ont toujours oscillé entre deux pôles : l’accession à la propriété privée d’un côté, la construction d’un secteur public du logement l’autre". D'après lui, la balance a penché d'un côté ou de l'autre selon les différentes forces politiques "mais sans jamais réussir à loger correctement toute la population". Néanmoins, depuis une quarantaine d’années, le balancier serait bloqué sur le pôle de l’accession à la propriété. Quant à la politique du logement du gouvernement actuel, elle reposerait toujours sur ce principe et aurait "pour corollaire l’effacement du rôle de l'État, symboliquement marqué par la disparition du ministère du logement, remplacé par un Secrétaire d'État rattaché au ministère du développement durable."

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.