
Décidément, il ne fait pas bon d'être Géorgien et demandeur d'asile à Dijon par les temps qui courent... Pour la troisième fois cet hiver, une nouvelle vague d'expulsions est en effet intervenue, au sein même de la préfecture cette fois. Sauf que ce mardi 22 décembre 2009, les bénévoles de la Cimade* ne s'y attendaient absolument pas, assistant à l'arrestation de deux Géorgiens qu'ils accompagnaient dans leurs démarches administratives. Lors d'une conférence de presse organisée mercredi 23 décembre, les membres de l'association ont dénoncé la confiance trahie et la rupture du contrat moral avec les chefs du service des étrangers...
Une confiance trahie
"Trahison !". Le mot sera répété tout au long de la conférence de presse organisée par les bénévoles de l'association... "Nous avons été trahis ! La préfecture nous avait promis qu'elle n'arrêterait plus au guichet. C'était un engagement verbal des chefs du service des étrangers. Et nous avons du même coup trahi ceux qui nous faisaient confiance : nous leur avions donné notre parole qu'en notre présence, il n'y aurait pas d'arrestation", raconte Françoise Duguet, responsable de la Cimade en Côte d'Or. Mardi 22 décembre, à 10h du matin, elle et deux autres bénévoles donnent rendez-vous à une dizaine de demandeurs d'asile, essentiellement Géorgiens, pour les aider dans certaines procédures. Alors que les heures défilent, Françoise Duguet explique que les entrevues deviennent de plus en plus difficiles : "Je crois que la préfecture a été agacée par notre présence tout au long de la matinée. L'ambiance était de plus en plus crispée... Et puis j'ai dû partir vers 12h30, laissant quelques Géorgiens et les deux autres bénévoles derrière moi".
Pris au piège dans la souricière...
C'est au tour d'Anissa Zedairia, de raconter l'événement : "A un moment, j'ai trouvé le temps long et je suis passée au bureau de l'asile où il y avait une petite file d'attente très calme. En jetant un coup d'œil, j'ai vu un policier dans les escaliers et deux autres vers l'ascenseur, bloquant ainsi les deux issues. Je suis repartie dans la pièce d'où je venais pour passer des coups de fil car je ne savais pas trop quoi faire. Quand je suis revenue, les policiers étaient partis. Étant donné qu'il était 12h30 passé, je savais que le rideau de fer à l'entrée de la préfecture devait déjà être baissé et donc que la seule porte de sortie était celle du porche. En fait, c'était une véritable souricière et d'ailleurs, nous étions faits comme des rats. Nous sommes passés devant une porte qui avait un code et l'espace d'un instant, j'ai imaginé pouvoir sortir par là... Mais nous avons passé la porte du porche et comme prévu, six policiers nous y attendaient...".
"Ils ont dit : "Contrôle d'identité !". Ils s'adressaient aux deux plus jeunes Géorgiens. Le troisième, plus âgé, est parti sans résistance en traversant le barrage de policiers. Ils semblaient savoir qui ils cherchaient... L'un des jeunes me tenait le bras, il ne voulait pas me lâcher. Nous faisions corps. Quand il s'est agi de leur passer les menottes, j'ai appelé l'interprète russe pour qu'elle leur explique qu'on allait les aider mais qu'il fallait me lâcher le bras et suivre les policiers dans le calme. Ils me faisaient confiance alors ils m'ont écoutée. Ils ont été emmenés place Suquet en garde à vue où j'ai tenté de les voir, sans succès... Aux dernières nouvelles, ils sont au camp de rétention de Lyon".
D'un camp à l'autre
De Lyon, les deux jeunes seront sans doute expulsés vers la Pologne, le premier pays par lequel ils ont transité, telle que la procédure le prévoit dans la convention Dublin 2*. "Là-bas, ils vont être parqués dans des camps où ils dormiront sur des paillasses, dans des couvertures pleines de vermine...", affirme Françoise Duguet. Pour les différents représentants d'associations présents lors de la conférence de presse, il ne fait aucun doute que la préfecture se devait de rentrer dans ses statistiques avant la fin de l'année... "Ils avaient besoin de terminer leur quota d'expulsion avant 2010", lance l'un d'entre eux.
Et tous de se demander pourquoi ces deux jeunes-là, pourquoi ne pas avoir arrêté le troisième Géorgien ? Ils avaient 25 ans et étaient arrivés en France trois ou quatre mois plus tôt. Ce matin-là, ils devaient faire une demande de titre de séjour en tant qu'étrangers malades... Tous les deux étaient en effet atteints de l'hépatite C.
