La Section du travail et de l'emploi du CESE vient de rendre un avis sur la laïcité en entreprise. Cet avis résulte d'un travail entamé en juin dont on peut suivre le déroulement sur le site du CESE.
Dans les entreprises privées, hors missions et délégations de service public, le droit prévoit que la liberté religieuse est la règle. Elle doit bien sûr composer avec les nécessités du travail, c’est-à-dire le déroulement normal de l’activité et la bonne exécution du contrat de travail. Cette réalité ne couvre cependant pas toutes les activités. Elle est en effet encadrée par le principe de laïcité dont découle l’obligation de neutralité qui s’impose aux agents publics. C’est aux frontières de ces deux secteurs, privé et public, que les situations sont juridiquement les plus complexes.
Toutefois, la question de l’expression religieuse intéresse aujourd’hui l’ensemble des lieux de travail quel que soit le statut juridique de l’employeur. Certes, elle ne génère que peu de contentieux, mais elle constitue, pour le management, une préoccupation bien réelle comme le montrent plusieurs études récentes.
De grandes entreprises ont cherché ces dernières années à traiter et à anticiper les difficultés qui pouvaient survenir en ce domaineen sensibilisant leurs cadres et en mettant en place des outils spécifiques d’aide à la décision. Mais la plupart des acteurs du monde du travail sont peu préparés à l’affirmation croissante du fait religieux. Il s’agit souvent d’une double méconnaissance :
- juridique d’abord : si les normes de droits applicables permettent en principe de traiter convenablement les situations, il reste qu’en raison de l’importance prise par une jurisprudence complexe, elles sont difficilement accessibles à tous les acteurs économiques et sociaux ;
-sociologique ensuite, car nombreux sont les employeurs et les salariés qui ignorent les cultures religieuses en dehors de leur propre conviction. Un tel état de fait contribue à entretenir les préjugés et peut être à l’origine de graves incompréhensions et difficultés susceptibles de mettre en jeu la performance économique et la cohésion sociale de l’entreprise.
C’est pourquoi le CESE a développé l’essentiel de ses recommandations autour de la nécessité d’informer et de former à la fois sur les règles de droit et sur les situations.
En l’état actuel de la question, le CESE estime que l’intervention du législateur n’est pas nécessaire. En effet, le fait religieux n’est pas à l’origine d’une perturbation massive des relations de travail. Le Conseil a donc privilégié des recommandations concrètes, préventives, principalement tournées vers les employeurs et les salariés et utilisant les moyens du dialogue social. In fine, il appelle les pouvoirs publics à contribuer à améliorer la situation par le rappel et l’explication du droit de la liberté d’expression sur le lieu de travail.
Recommandation n° 1
Mieux faire connaitre les règles de droits
•rappeler le droit applicable (loi et jurisprudence) par la voie d’une circulaire de la Direction générale du travail (DGT).
Recommandation n° 2
Diffuser le calendrier des fêtes religieuses des différentes confessions
•dans un souci de bonne gestion, le calendrier des fêtes religieuses des différentes confessions doit être officiellement communiqué chaque année aux chefs d’entreprise et aux DRH
Recommandation n° 3
Prendre en compte le cas des structures privées des secteurs social, médicosocial et de la petite enfance
•en invitant les branches dont l’activité est en rapport avec la situation des publics vulnérables à s’impliquer, à l’occasion de négociations sur la promotion de l’égalité et de la diversité, dans la rédaction de guides pratiques à l’instar de ceux existant dans certaines entreprises.
Recommandation n° 4
Renforcer la mission de médiation et d’accompagnement du Défenseur des droits en matière de lutte contre les discriminations y compris les discriminations religieuses
•en faisant mieux connaître la procédure de « règlement amiable » qui constitue une voie non contentieuse de règlement de ce type de conflits individuels dans les situations de travail.
Recommandation n° 5
Utiliser toutes les possibilités offertes par le dialogue social
•en donnant toute leur place aux institutions représentatives du personnel (IRP) dans la régulation de la liberté religieuse sur les lieux de travail.
•en invitant les partenaires sociaux dans l’entreprise à élaborer de manière concertée les dispositions les plus sensibles du règlement intérieur.
Recommandation n° 6
Former les managers et les représentants des salariés à la question du fait religieux dans l’entreprise
•par des actions spécifiques de formation dans les entreprises ;
•par la généralisation d’un enseignement sur le fait religieux dans les cursus préparant à des fonctions de management.
Recommandation n° 7
Diffuser et mutualiser les bonnes pratiques entre les entreprises
•à partir d’un site public d’information pris en charge soit par le ministère du travail et de l’emploi, soit par l’Observatoire de la laïcité.
•par l’élaboration, au niveau national, d’une charte de l’expression religieuse dans l’entreprise.