Il est étrange de voir l’unanimité avec laquelle la classe politique s’indigne contre l’outing de Florian Philippot...
Révéler que Jérôme Cahuzac a un compte en Suisse alors qu’il fait la chasse aux fraudeurs ; révéler que Florian Philippot est homosexuel alors qu’il est dans un parti qui promet d’abroger le mariage pour tous s’il accède au pouvoir, c’est exactement la même chose : un argument ad hominem, qui consiste à attaquer l’adversaire en attaquant, non pas ses arguments, mais sa crédibilité. On peut noter par ailleurs que de tels arguments sont utilisés quotidiennement par les journalistes, les adversaires politiques… (untel donne des leçons à la Terre entière sur les rejets de CO2, alors que – fera-t-on remarquer – il est venu seul dans son 4x4 pour donner sa conférence) sans que personne ne s’en n’émeuve. Alors pourquoi est-ce bien dans un cas, et mal dans l’autre ? Parce que dans le dernier cas, il s’agit d’une atteinte à la vie privée, nous dit-on.
On peut alors s’étonner de la différence de traitement entre la publication des photos de François Hollande en scooter et de celles de Florian Philippot avec son compagnon : le premier cas suscite des analyses, de molles protestations, voire des réactions amusées, le second provoque une levée de boucliers tous partis confondus. Achevons en précisant que M. Philippot répond, à des journalistes qui l’interrogent sur son orientation sexuelle : « vous ne saurez rien de ma vie privée ». Imaginerait-t-on une réaction d’une telle ampleur si Closer avait publié des photos de M. Philippot avec une femme, révélant ainsi son hétérosexualité, mais contre son gré ? Décidément, l’argument de l’atteinte à la vie privée ne tient pas.
Dès lors, il est étrange – voire inquiétant – d’assister à une sorte d’union sacrée de toute la classe politique, de droite comme de gauche, pour s’insurger contre cette révélation. Que doit-on comprendre, lorsque ceux qui ont voté la loi Taubira, gommant ainsi les différences pour qu’on puisse enfin dire « homosexuel ? hétérosexuel ? qui s’en soucie ? en quoi est-ce intéressant ? », et qui devraient être les garants de cette attitude, poussent des hauts cris lorsque ce n’est pas une vie hétérosexuelle qu’on expose, mais homosexuelle ? Sans doute, que l’on peut tout dire, sauf s’il s’agit d’homosexualité, car là, ça va trop loin… Ce faisant, ces hommes et femmes politiques nous rappellent que, même s’ils ont accédé aux mêmes droits, les homosexuels ne sont pas tout à fait des citoyens comme les autres, puisque l’on considère que la révélation de leur homosexualité continue de les couvrir de honte.
En réagissant ainsi, la classe politique ne fait que prolonger la faute de François Hollande, concédant (avant de faire marche arrière) aux maires et aux élus qu’ils pourront, s’ils ont des problèmes de conscience, ne pas marier des personnes du même sexe.
En réagissant ainsi, la classe politique continue de considérer que l’homosexualité est une condition idéalement sujette à l’égalité lorsqu’il s’agit du discours, mais à part lorsqu’elle s’incarne.
En réagissant ainsi, la classe politique conforte ceux qui, au mieux, ont toujours été persuadés que les homosexuels sont inférieurs aux hétérosexuels, parce que tout de même… parlons sérieusement…
En réagissant ainsi, la classe politique conforte ceux qui, au pire…
Philippe Auzet