* L’Economie érigée en « science » autonome se concrétise par des impératifs comptables : « réformes structurelles », « assainissement des finances publiques », creuser la dette et résorber les déficits, partenariat public-privé, sont depuis trente ans les recettes magiques imposées par les marchés financiers à tous les gouvernements. C’est aussi le rabâchage de tous les économistes de cour. Finalité: le profit financier.
* La gouvernance réduit tout travail à un canevas comptable, doublé de règles de management. Elle est considérée comme LA compétence universelle, la seule compétence qui soit exigée des cadres des administrations publiques et privés, laissant aux exécutants le soin de se coltiner la technicité de leur domaine d’intervention : santé, emploi, forêt, culture, etc…
Economie et gouvernance ont en commun en outre,d’exiger que tout soit fait de plus en plus vite. De sorte que le personnel s’épuise et soit empêché à tous les niveaux de réfléchir au sens et aux résultats de leur agitation.
Ainsi une administration publique compétente façonnée depuis la Libération sur les valeurs de la République, a été dégradée en 15 ans, en un système bureaucratique imbécile. Dans lequel les intérêts privés dominants ont leurs fauteuils, et peuvent se financer en fonds publics, engraisser leurs comptes off-shore, pré rédiger des directives et même des lois.
Politique, politiques publiques et missions sont effacées, remplacées par un pilotage automatique, qui exige adhésion active sans réserve.
L’accumulation de grands stades, grands aéroports, campagnes de vaccination, Lyon-Turin, tours et centres d’affaires luxueux ou ronds-points, etc…, réalise un fatras ruineux qui tient lieu de politique gouvernementale et locale.
Il suffit, à l’approche d’élections, de se désoler du creusement des inégalités, de débloquer quelqu’argent pour les sans-abris. Puis de proclamer à peine élu, que les réformes engagées par les prédécesseurs seront conduites plus avant, pour "résorber la dette" empochée par la finance.
Syriza porté au gouvernement grec tente périlleusement de rompre ce cercle mortifère. Analyser le filet dans lequel il se débat.
Pour le Portugal c’est la professeure d’économie portugaise en Sorbonne Paris IV, Mme. Cristina Semblano qui pose le diagnostique :
Dette : « croissance vertigineuse de la dette passée de 100% du PIB lors de l’arrivée de la Troïka mi-2011, à 128.7% fin 2014, soit six mois après la sortie officielle de la Troïka du pays.
« … Même si l’on se réfère à l’endettement, il est à noter que si la dette publique grecque est plus importante que la portugaise (177% du PIB contre 128.7% fin 2014), la dette globale (qui inclut, outre la dette publique, la dette privée des ménages et des entreprises non financières), est bien supérieure au Portugal (plus de 380% du PIB contre moins de 300% en Grèce). En ce qui concerne la dette extérieure portugaise, elle est l’une des plus importantes de l’Union Européenne et du Monde
« absence de stabilité du système financier dont l’effondrement récent (2014) du troisième groupe financier portugais et deuxième groupe privé du pays – groupe Espírito Santo (GES) – en constitue la preuve irréfutable, quoique non exclusive.
« Tout en n’ayant pas (encore) atteint celui de la Grèce, le bilan est déjà lourd au Portugal : chute de 30% de l’investissement, destruction de 400 000 emplois, taux de chômage de 20% en termes réels frappant particulièrement les jeunes, solde naturel négatif et émigration redevenue un phénomène de masse qui dépossède le pays de quelques 120 000 personnes par an, dépossession venant s’ajouter à celle des biens publics, déjà vendus (comme l’énergie ou la poste) ou à vendre comme la compagnie aérienne nationale (TAP ) aux enchères.
« Chômage et émigration de masse, dévaluation salariale et amenuisement de l’Etat social, système de santé en rupture, ont mis à genoux ce peuple ayant émergé il y a quarante ans d’un demi-siècle de dictature et de pauvreté ; de ses 10.5 millions d’habitants, 2 millions vivent sous le seuil de pauvreté et 2 autres millions sont en risque de franchir ce seuil. Avec ses milliers d’émigrés, d’expulsés de logements saisis par les banques, d’adultes et d’enfants frappés par la faim, de travailleurs précaires et d’exclus, le Portugal est redevenu ce pays où les queues des soupes populaires reprennent ostensiblement le droit de cité, la charité se substitue à l’Etat social, et la ligne de démarcation est de plus en plus celle qui sépare l’arrogance des nantis, gavés par une répartition de plus en plus inégale du produit, de la grande masse des humbles. »
Cependant, Angela Merkel et son ministre des Finances, Wolfgang Schaüble, afin de démontrer le bien-fondé des politiques d’austérité de la Troïka, face à la Grèce, ont donné le Portugal en exemple (25 février 2015) dans une mauvaise foi délibérée !
« …Mais immédiatement il est prescrit au Portugal de continuer la consolidation budgétaire et les réformes structurelles, celles qui, sous prétexte de créer de la croissance et de restaurer les équilibres, vont enfoncer le pays un peu plus dans la spirale de la stagnation-récessive et de l’envol d’une dette qui est déjà insoutenable.
Avec cette nouvelle dose de réformes et de mesures, le Portugal qui ressemble déjà de si près à la Grèce, va s’en rapprocher un peu plus. Mais à une autre Grèce, non pas à celle de Tsipras et Varoufakis qui veulent notamment diminuer le solde primaire du budget grec (**), pour commencer à restaurer l’Etat social, au lieu de tout abandonner aux créanciers, mais à celle de Papandréou et de Samaras dont l’obéissance aux diktats de la Troïka a mené la Grèce là ou elle est aujourd’hui. »
**Le solde primaire est le différentiel entre les recettes et les dépenses de l’Etat, avant paiement des intérêts de la dette
https://www.mediapart.fr/journal/economie/271117/face-la-desindustrialisation-le-gouvernement-francais-desarme-et-inactif
Les pays d’Afrique et d’Amérique latine ont été soumis à ce traitement dès les années 80. Et ces effets catastrophiques y ont déjà été constatés.
Ainsi, Economie et Gouvernance néolibérales érigés en « sciences» autonomes sont des armes de destruction massives qui agissent au détriment des peuples depuis trente ans.
Le pilotage des gouvernements de la planète par la finance mondialisée réalise une guerre totale contre les peuples, creuse les inégalités entre pays, creuse les inégalités au sein des pays, provoque l’émigration de leurs forces vives, désorganise leurs capacités de résistance.
Pas de complot. Mais un système bureaucratique autiste agissant pour le seul profit financier.
Clausewitz constatait après les guerres napoléoniennes « la guerre réalise la politique par d’autres moyens ». Le néolibéralisme, sans en rien dire, a renversé la formule : notre politique, c’est la guerre par d’autres moyens. La gestion robotisée du renseignement total va compléter ce système.
Le totalitarisme planétaire du 21° siècle est en cours de réalisation.