Billet de blog 12 mars 2015

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33. Les Intellectuels ? ... Remplacés par des technocrates et des « consultants ».

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Les derniers éléments d’une pensée politique, d’un projet de société différent, qui misait sur la participation des citoyens.  furent les 35 heures, la retraite à 60 ans, le financement d’un secteur culturel actif Bref du temps libre pour des citoyens, et le développement d’un enseignement supérieur de masse.

25 ans ont passé ; la finance et les technocrates ont pris en main le pays sous les gouvernements UMP, puis PS. Il en résulte des régressions sociales considérables.

Il en résulte aussi  l’effondrement de la pensée politique, l’expulsion de la politique, l'abandon de tout projet de société, au profit de l'obéissance aux injonctions d’intérêts  privés.

Il en résulte l’effondrement de l’électorat de gauche. Sarkozy a surfé sur les slogans de l’extrême-droite a contribué les banaliser, provoquant l'effondrement de l’électorat de droite. Cependant le nombre de votes du FN progresse peu, ou pas.  Mais la seule prise en compte des votes exprimés conduit le PS à envisager son élimination des élections départementales, puis de la présidentielle dès le premier tour en 2017.

Au lieu de corriger son dévouement au profit financier, Valls préfère invectiver « les intellectuels ». Il pratique  la com’.

Hier, la com’ sur « l’apartheid » au moment où il lançait la loi Macron pour accroître la précarité. Aujourd’hui, la com ‘ anti FN, pour  interpeller les intellectuels, après que l’UMP et lui-même aient ruiné les universités, les contraignant à passer sous le contrôle de « Mécènes » !

Je publie ici la réponse indignée d’Esther BENBASA  directrice d'études à l'EPHE (Sorbonne) et sénatrice EELV du Val-de-Marne.

Michel-Lyon

Esther Benbassa
9 mars 2015
«  Manuel Valls, Premier ministre, dans la rhétorique lyrico-dramatique
qu'il affectionne ces derniers jours pour s'insurger contre la montée du
FN, se demande, je le cite: "Où sont les intellectuels, où sont les
grandes consciences de ce pays, les hommes, les femmes de culture, qui
doivent monter, eux aussi, au créneau? Où est la gauche?"
Les intellectuels, M. Valls, oubliés par les politiques depuis belle
lurette, ne peuvent être ainsi appelés à la rescousse in extremis,
lorsque tout va mal. Il aurait fallu y penser un peu avant, et se
souvenir de cette époque où leurs idées servaient encore à élaborer du
politique.
Vous voulez savoir où ils sont? Je vais vous le dire. Ils sont dans
leurs universités paupérisées, sans moyens, voués à la course aux
projets pour récolter de l'argent afin de continuer leurs recherches,
avec, pour les plus jeunes (et souvent les plus créatifs), un salaire
qu'un huissier au Parlement se sentirait humilié de recevoir.

Lire? Penser? Mais qui a le temps?

Nous sommes à l'ère des énarques de cabinets. L'intelligentsia a été
remplacée par des technocrates. Appelez-les donc au secours, cher M.
Valls. Les livres aussi, d'ailleurs, ont été remplacés - par de petites
notes de 1500 signes (espaces compris). Quel politicien peut se targuer
d'avoir récemment consulté une étude de fond? Je ne vois pas beaucoup de
doigts se lever... Au moins Mme Pellerin, ministre de la culture,
a-t-elle eu le cran de reconnaître qu'elle n'avait pas eu le temps de
lire un livre depuis deux ans.
Quant aux "rapports" qui pleuvent sur nos décideurs, avec qui sont-ils
donc rédigés? Ce ne sont généralement pas celles et ceux qui pensent le
sujet abordé qui sont sollicités, mais des cabinets de consultants, des
experts autoproclamés, qui répondent à ceux qui les ont mandatés ce
qu'ils attendent...
Lorsque l'on met sur pied des auditions, au Sénat, à l'Assemblée, ne
faut-il pas forcer la main des administrateurs pour faire inviter des
intellectuels, des spécialistes, des esprits non conformes? Ne faut-il
pas bien souvent se contenter du témoignage des "officiels" et de leur
langue de bois inaudible, ou des douteuses lumières de ces étoiles
filantes passées sur telle ou telle chaîne et qu'on fait mine de prendre
pour des savants?
Quant aux médias, enfin, on n'y veut plus depuis longtemps de la pensée
haute couture, juste du prêt-à-porter. Du rapide, du simple, du sec. Des
phrases composées d'un sujet, d'un verbe et d'un complément.
La boucle est bouclée. Et elle tourne à vide. Les politiciens
"communiquent", sans se nourrir l'esprit d'un peu de culture, se
contentant de répéter inlassablement les mêmes lieux communs.
Le savoir finira sous peu par devenir obscène.
Les intellectuels: abandonnés, bafoués, marginalisés
Oui, les intellectuels, alliés historiques de la gauche, ont été
abandonnés, leur statut bafoué, leur condition marginalisée. Ils n'ont
plus droit qu'à une secrétaire d'Etat pour s'occuper de la recherche et
de l'enseignement supérieur. Et même, depuis quelques jours, ils n'ont
plus droit à rien du tout, ou presque: ils ne sont que le fond du fond
de l'immense portefeuille de Mme Vallaud-Belkacem.
Les intellectuels? Renvoyés à leur triste sort, comme le peuple de
gauche, qu'on s'est ingénié à trahir depuis le début de ce mandat. Et
maintenant que le FN est, paraît-il, aux portes du pouvoir, on s'adresse
à eux?
Trop tard, M. Valls. Il y a encore une conscience de gauche en France,
des hommes et des femmes de culture, mais ils ne font hélas plus
confiance au gouvernement de la France. On n'a fait aucun geste à leur
endroit. Maintenant, vous en subissez les conséquences.
Un seul recours: les spin doctors!
Ce ne sont ni les messes républicaines, ni les mots fétiches, "laïcité",
"service civil", "République", "chantons la Marseillaise", etc., qui
suffiront à nous faire échapper au désastre électoral qui vient. La
République des professeurs est morte, on l'a tuée. Elle n'est pas moins
déprimée que ce peuple de gauche contraint de subir une politique pour
laquelle il n'a pas voté.
Vous avez été à la hauteur, pendant la période des attentats, je n'en
disconviens pas. Mais cela ne compensera jamais les défaillances passées
- ou récentes. Vous n'avez été, le reste du temps, ni de gauche ni
convainquant. La communication ne fabrique pas de l'engagement.
Oui, les "intellos" auraient pu être à vos côtés pour lutter contre le
FN. Mais ils sont retournés à leurs tanières, déçus, découragés, et
comme tant d'autres, presque désespérés. Allons, un peu de courage, vos
conseillers techniques et vos spin doctors vont bien vous tirer de là!
Juste un mot, avant de finir: ça ne sert à rien de nous faire peur avec
la montée du FN, la peur n'est jamais bonne conseillère. Pour que cela
bouge, et que cela bouge vraiment, il faudrait nous proposer autre chose
qu'une vaine rhétorique ou des demi-mesures comme celles dont on vient
de gratifier nos quartiers populaires. C'est une politique économique,
sociale, écologique qui change vraiment la vie des Français que nous
attendons. 2017 est encore loin.


http://www.huffingtonpost.fr/esther-benbassa/vu-du-senat-68-discours-valls-fn-departementales_b_6829582.html

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