Quelle mouche pique donc les journalistes britanniques et américains ? Depuis quelques mois, la presse anglo-saxonne a entrepris de se défouler sur l'Hexagone, devenu porte des Enfers économiques, sociaux et culturels. Ils dressent régulièrement un portrait cataclysmique de notre pays, le dernier en date étant le grossier papier de Newsweek où l'on nous explique qu'une brique de lait coûte 6 euros à Paris, que l’État finance des séances de remise en forme pour ré-sculpter le corps des femmes ayant accouché, tout en écorchant un nom de ministre ou deux. Force est pourtant d'admettre qu'une part de vérité réside dans leurs critiques, notamment sur le plan économique. Voici 5 des causes plus ou moins structurelles qui alimentent (consciemment ou pas) le désormais courant «french bashing ».
1) De Gaulle, Villepin... Pour notre héritage antiaméricaniste
Ces deux hommes n'étaient pas à proprement parler antiaméricains, mais faisaient figure de résistants à l'hégémonie américaine. Le premier tenait fermement à la construction d'une Europe soudée et indépendante : il était donc farouchement opposé à l'entrée dans la CEE de la Grande-Bretagne, qu'il nommait le « Cheval de Troie » des États-Unis. Le second s'est élevé seul contre l'intervention des Nations Unies en Irak en 2003, une initiative américaine. Cela lui valut les foudres du pays de l'Oncle Sam, et engendra une grande animosité contre le trublion français outre-Atlantique.
2) Pour notre syndicalisme et notre gouvernement socialiste
Avez-vous entendu parler de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord ? Elle constitue une belle illustration d'un des aspects du « french bashing » : le mépris (la peur?) d'un syndicalisme perçu par les très libéraux anglo-saxons comme une sclérose de notre industrie. Le dirigeant d'une multinationale américaine désirant racheter l'usine d'Amiens, en vain devant l'hostilité de la CGT aux plans sociaux, a fustigé l'an dernier un « syndicat fou » et des « barjots » surprotégés, travaillant « trois heures par jour ». En effet, les méthodes des syndicats français paraissent anarchistes à un pays où, héritage de la guerre froide oblige, l'anticommunisme est toujours présent. On accuse outre-manche le socialisme de ruiner le pays, par des taxes monstrueuses et des fonctionnaires assistés.
3) Pour notre réticence à la mondialisation
Si Américains et Britanniques partagent pour la plupart une vision ultralibérale du commerce mondial, les Français, dirigeants compris, sont plus réservés, ce qui est mal compris à l'étranger. En 2011, 50% d'entre nous voyaient la mondialisation comme une menace selon un sondage TNS-Sofres. Ce qui est perçu comme un archaïsme de notre économie et de nos mentalités provoque régulièrement des vagues de « french bashing », comme pendant les négociations du traité de libre-échange transatlantique auxquelles le gouvernement a menacé de mettre fin si les produits artistiques n'étaient pas retirés de l'accord, défendant l' « exception culturelle » française.
4) Pour notre État
Nous l'avons déjà dit : tous ce qui s'apparente à du communisme est honni aux États-Unis. Peut-être est-ce pour cela que la politique économique de la France est si critiquée : notre pays est par tradition doté d'un exécutif fort et présent, ce qui est apparenté à du dirigisme dans le monde anglo-saxon. Quand les gouvernements anglais et américains ont pour rôle principal de laisser les entreprises prospérer dans un contexte des plus flexibles, en France, l’État est un acteur bien présent, doté d'un service public autrement plus étendu. On lui reproche donc une ingérence économique en plus de dépenses faramineuses, couvertes par les cotisations sociales plus que par les réductions des dépenses. La conception de la structure étatique même est contrastée.
5) Parce que ça les arrange
On peut leur trouver toutes les raisons possibles, si nos camarades anglais et américains critiquent tant notre pays, c'est aussi parce qu'ils y trouvent leur compte. Les conservateurs anglais s'appuient sur la mauvaise santé économique de la France pour affaiblir la gauche britannique en vue des prochaines élections, en 2015. Aux États-Unis, on brandit l'Hexagone en contre-exemple pour asseoir son modèle libéral et rassurer la population. En temps de crise, chacun cherche à voir son herbe plus verte que chez le voisin... Et en matière de gazon, les Anglais sont imbattables, pas comme au rugby !
Guillaume Firard, la mouette Baillonée.