Billet de blog 3 avril 2008

Vincent Truffy (avatar)

Vincent Truffy

Journaliste à Mediapart

Modalités de la participation (petites pépés 3, la vengeance)

Vincent Truffy (avatar)

Vincent Truffy

Journaliste à Mediapart

Comment une plateforme de publication de contenus à caractère informatif (appelons ça un journal, pour faire simple) peut-il faire participer le lecteur?

Je vois six moyens:
  • Le lecteur peut proposer des sujets.
    — Il alerte la rédaction d'une information ou il lui soumet une idée d'enquête, charge au journaliste de vérifier.
    — Il peut aussi fournir des documents qu'il possède, des contacts pour recouper les informations et creuser le sujet.
    — Il peut enfin témoigner directement s'il a assisté à la scène.
    C'est le principe du téléphone rouge sur Europe 1, bien adapté sur le Web par Rue89 («info signalée par un lecteur»).
  • Le lecteur peut fournir son travail ou son expertise.
    — Dans l'hypothèse la plus basse, il peut voter pour savoir quels sujets doivent être traités / traités en priorité.
    — Il peut aussi prendre part à la discussion sur l'angle des sujets. Pour cela, et en attendant que la téléconférence soit une technique répandue, une conférence de rédaction par chat me semble bien adaptée.
    — Il peut proposer des questions pour les interviews.
    — Il peut aussi participer au dépouillement de données (par exemple: l'agenda d'Hillary Clinton de 1993 à 2001 a été rendu public le 19 mars. Il comporte des milliers de pages. En se répartissant le travail, on peut relever les éléments intéressants en très peu de temps).
    — Il peut enfin apporter son analyse et ses connaissances dans les domaines où il est compétent.
  • Le lecteur peut éditer les articles.
    Une fois écrit, les articles peuvent être revus et corrigés avant publication par la communauté. Il faut, pour cela, créer des pôles d'expertises par sujet (voire le billet précédent, avec un système de «miles» qui récompense les interventions les plus pertinentes) avec des relecteur qui pourront intervenir plus ou moins directement dans le texte (de la proposition de correction à la réécriture directe), permettre de vérifier, de compléter, d'annoter & d'ajouter des références (url) pertinentes. Tout cela nécessite bien sur une animation et une date de bouclage.
  • Le lecteur peut hiérarchiser l'information.
    Tout est une affaire d'algorithme: il faut combiner habilement le temps passé par le lecteur sur la page, sa notation directe, s'il a envoyé l'article par mail à un membre de son réseau, s'il l'a imprimé pour le lire plus tard ou le conserver, s'il l'a enregistré ou stocké sur son espace personnel. Et mieux encore, s'il l'a enrichi en le rangeant dans un dossier, s'il l'a catégorisé (tags), s'il l'a commenté...
    Il faut moduler cela en fonction de ce que l'on sait du lecteur au moment où il consulte une page (heure et lieu (IP) de consultation, et pourquoi pas, gestion des «humeurs» du lecteur, en utilisant quelque chose qui ressemble aux status sur Facebook: au travail (utilisation professionnelle?), en vacance (pour les loisirs?).
    En utilisant les principes des moteurs de recommandation, on doit même pouvoir faire des rapprochements et obtenir des regroupements (clusters) par sujet ou par type d'utilisateur.
    En in fine, le journal peut se servir de ces mesures pour savoir quels sujets il faut promouvoir et quand il faut en changer.
  • Le lecteur peut diffuser les articles.
    Car il y a une vie pour le contenu au delà du support initial (le site). Il est systématiquement scruté, fouillé, rangé, évalué par les moteurs de recherches (pull). Mais il est aussi diffusé volontairement par les lecteurs (push). Il faut pour cela faciliter toutes les déclinaisons possibles pour établir un «buzz» communautaire: blogs, mail, rss, push, widgets, vidéo et son, téléphone, voire télévision (cf Free TV).
  • Le lecteur peut commenter et discuter.
    Mais c'est plus pertinent sur des sujets où le lecteur peut se faire son propre avis (critique de spectacles ou de livres, information locale...), plutôt que de rester dans les généralités de café du commerce.
    — On peut enrichir cette agora en faisant animer la conversation par un expert invité ou un membre de la communauté identifié comme particulièrement prescripteur.
    — Il est nécessaure de relancer la discussion (en la nourrissant de données nouvelles, de références pour approfondir, en se montrant un peu provocateur au besoin), recadrer (lorsque le débat s'éloigne du sujet), orienter (ou plutôt faire converger les contributions vers une motion de synthèse), préciser les discussions en cours (lorsque les commentaires sont trop allusifs ou considère trop de point comme connus), fournir de la documentation pour «mettre à niveau» tous les contributeurs...
    — Il est bon d'utiliser les fonctions de réseau pour permettre de diffuser son commentaire à son entourage (à sa communauté). Potentiellement, c'est un bon démultiplicateur du nombre d'interventions.
    — Il faut proposer aux commentateurs de recevoir une alerte (par RSS? par mail? par messagerie instantannée?) lorsque quelqu'un répond à leur commentaire ou une synthèse quotidienne/hebdomadaire des discussions.
  • Le lecteur peut contrôler.
    Pour aller plus loin, il peut vouloir accéder à la matière brute/extensive de l'article. Cela inclut la déclaration d'intention et les coulisses (la boîte noire sur Mediapart), la vidéo ou le son non montés, le décryptage complet de l'interview, les études, rapports, documents sur lesquels s'appuie le journaliste (prolonger), etc.
Mais que le lecteur fasse tout cela, il faut le rétribuer. Pas en argent, mais au moins symboliquement, en le faisant avancer la «hiérarchie contributive». En quantifiant le nombre de ses contributions multiplié par la notation obtenue par ces interventions, il est souhaitable de lui attribuer un statut et des prérogatives en conséquence. Et de l'associer dans l'édition/la modération du site, de l'affichage en "une" en lui proposant par exemple une chronique dans le domaine dans lequel la communauté lui reconnaît une autorité ou au moins une aura.