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Vincent Truffy

Journaliste à Mediapart

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Plein Suds

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Billet de blog 21 juin 2012

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C’est par, où le Sud?

Un maître de chœur, une chanteuse, un producteur, un DJ, un passeur... Pendant plusieurs semaine, la radio artisanale de Mediapart a proposé de curieux objets sonores, comme un micro-trottoir autour d'un objet peu situé, la musique du monde, les musiques du monde, la musique d'ailleurs, du sud, des suds qui peuvent être totalement à l'ouest. 

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Un maître de chœur, une chanteuse, un producteur, un DJ, un passeur... Pendant plusieurs semaine, la radio artisanale de Mediapart a proposé de curieux objets sonores, comme un micro-trottoir autour d'un objet peu situé, la musique du monde, les musiques du monde, la musique d'ailleurs, du sud, des suds qui peuvent être totalement à l'ouest. 

Une seule question et plusieurs professionnel de cet «ailleurs» musical, qui répondent à l'interrogation, volontairement sybilline : « C'est par où, le Sud?» 

Manu Théron
Rémy Kolpa-Kopoul
Antoine Chao

Appendice méthodologique

Y a-t-il pire exercice journalistique que le micro-trottoir? En interrogeant, impromptu, le quidam dans la rue sur des sujets censés être d'intérêt général, sans qu'il ait eu le temps ou l'occasion d'y réfléchir la plupart du temps, on ne peut obtenir que la resucée plus ou moins bien assimilée des conversations de comptoirs et explications d'écrans, fréquentées plus que raisonnées.

Ici, la formulation de la question est déterminante puisu'elle emporte nombre de présupposés et d'implicites, oriente plus ou moins la réponse sinon vers ce que l'intervieweur veut entendre, du moins vers ce qu'il s'attend à entendre. Cette parole anonyme, jamais située dans un milieu social ou culturel, ne peut que conforter une pensée dominante qui est, en réalité, ce que cherche le micro-trottoir : peu importe qui parle puisque l'exercice démontre avec constance que la rue parle comme la tribune.

Une façon de détourner est de poser une question absurde, qui n'est est pas vraiment une, qui laisse l'interrogé perplexe et libre d'y coller ses propres divagation. J'avais tenté cela, étudiant, avec un micro-trottoir dont la question était « quel heure est-il ? » pour m'apercevoir qu'une question aussi simple ne faisait absolument pas consensus et qu'aucune des personnes interrogées ne pouvait s'accorder avec l'autre: « 10h23 », « 10h32 », « 11h07 ». Amusant, mais cela n'apportait pas grand chose.

La parole experte, évidemment, est plus construite. Au point que le discours, séduisant au premier abord, produit rarement quelque chose de neuf dès que l'on examine l'ensemble des interviews d'une même personne ou d'un même milieu. Automatisme, psittacisme et stéréotypie, souvent, elle permet de produire de longs discours où le signe ne se débat plus.

Un moyen terme consisterait à appliquer le micro-trottoir absurde à des interviewés experts, ou praticiens, ou pratiquants, en tout cas ayant déjà médité le sujet et pouvant y accrocher un discours qui se construit en parlant (comme dans le micro-trottoir) mais qui serait renseigné et situé (comme dans la parole experte). 

Chacune des réponses ci-dessus retombe sur ses pieds, souvent après avoir cherché des ressources inusitées, discuté parfois la pertinence de la question et l'intention de l'intervieweur. Sans tout chambouler, on y trouve de çi de là quelques pas de côté intéressants.