Vous vivez au-dessus de vos moyens. Il n'y a qu'à voir toutes ces voitures américaines, autrefois si rares, la taille des écrans de télé, autrefois si petits.
Le luxe se répand, il corrompt les citoyens, dévoie la vertu du travail dans l'assoupissement des sens. On l'a bien dit aux Grecs, avant de leur consentir une avance d'aumône : vous vivez au-dessus de vos moyens. Il faut assainir vos finances, vous débarrasser de la charge inutile des retraités, des fonctionnaires, des malades et purifier votre société. Vous les Grecs, qui ne produisez rien, comment expliquez-vous votre faillite alors que l'Europe vous finance depuis trente ans, sinon par votre vice? Pour éponger vos dettes, vendez votre pays.
Vous les Français, croyez-vous qu'il soit encore possible d'avoir des services publics partout sur le territoire à l'heure d'internet? (discours de Sarkozy devant les maires d'Aquitaine en début de mois). Réduire les droits à la retraite, ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires, faire des cadeaux aux évadés fiscaux : la France a pris les devants et déjà mis en place les mesures que les Grecs, ces vicieux fainéants, rechignent à prendre. Le président du pouvoir d'achat y veille.
Dans ces conditions, la France est à l'abri de toute crise, non? Et pourtant non. Après le Portugal, l'Espagne et l'Irlande, sont pointés d'autres pays : Italie, Belgique et France. Comment expliquer que les mesures préventives du président n'aient aucune portée? Peut-être parce que l'austérité ne suffit pas. Peut-être que la dette française, qui a doublé depuis que la droite est au pouvoir et qui se rapproche de plus en plus de la valeur du PIB, ne s'explique pas par les dépenses mais par le sacrifice des recettes. La désastreuse politique fiscale (TEPA, bouclier fiscal, allègement de l'ISF) grève le budget de tant de millions. Combien de chèques aux contribuables comme Liliane Bettencourt?
Il faut pourtant bien comprendre, et les Français, d'après le président, doivent l'entendre, qu'on ne peut pas vivre au-dessus de nos moyens. Soit. Tirons les conséquences de cet enseignement présidentiel. Il s'agit donc de rentrer dans le rang. Il faut donc reévaluer notre pouvoir d'achat sur la planète : dévaluer l'Euro. Les Américains le font bien de manière insidieuse depuis près de dix ans. La baisse du Dollar et la montée de l'Euro ne sont que les deux faces de la même médaille. Si notre train de vie est trop dispendeux, la solution est simple : créons de la monnaie, libérons l'inflation et abandonnons une partie de notre pouvoir d'achat. Tant pis pour les belles américaines et les écrans 3D venus de Chine. On roulera à nouveau en Renault et les coins des télés seront moins carrés.
Ce sont les plus pauvres qui vont en pâtir? Mais bien sûr, comme toujours. Et vous croyez qu'ils sont bien, actuellement, avec les usines qui ferment parce que l'Euro fort est le plus puissant des facteurs de la délocalisation? Dévaluer l'Euro permettrait de sauver toutes les économies en difficulté, ce serait le plus sale coup à faire aux créanciers, aux banques qui détiennent les dettes et dont la marotte est devenue la spéculation sur les débiteurs souverains. La dette est exprimée en Euro : dévaluer l'Euro, c'est dévaluer la dette. Comme les productions de l'Union sont aussi exprimées en Euro, elles ne seraient pas affectées par cette baisse, les prix agricoles et des productions locales ne seraient donc pas touchées, cela serait un facteur favorisant fortement les échanges à l'Union. Et de plus, cela permettrait un redécollage des exportations, les produits européens redevenant concurrentiels. Des mesures de rétorsion? De qui? Nous sommes déjà perdants sur tous les tableaux.
Pourquoi donc notre glorieux économiste de président et ses comparses européens de droite n'y pensent pas? Flouer les banques et les riches détenteurs de fonds en Euro? Se relancer dans la compétition économique mondiale? Garantir le redémarrage économique de l'Europe? Vous n'y pensez pas! Se mettre d'accord à 27, impossible. Les spéculateurs ont bien compris que l'UE a une monnaie forte sans gouvernement capable de prendre la moindre décision politique. C'est une aubaine que de pouvoir prévoir sans risque qu'il ne se passera jamais rien sur le front de l'Euro. Le plus sûr placement qu'ils n'aient jamais rêvé dans une monnaie qui les sert. Qui les sert, d'ailleurs?
Dévaluer l'Euro, donc, c'est la fin de la crise. Mais notre président a préféré opté pour la dévaluation de l'Europe, au profit des intérêts bien compris de la finance internationale dont la puissance s'exprime en monnaie européenne.