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Silence

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Billet de blog 8 avril 2010

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Punk is dead

Il est entendu qu'il y aura eu pas mal d'imposture dans la courte vie du rock'n'roll. Mais personne ne lui aura fait subir les derniers outrages comme Malcolm McLaren, impresario des New York Dolls et des Sex Pistols, qui vient de cracher son dernier chicot à l'âge excessif de 64 ans.

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Il est entendu qu'il y aura eu pas mal d'imposture dans la courte vie du rock'n'roll. Mais personne ne lui aura fait subir les derniers outrages comme Malcolm McLaren, impresario des New York Dolls et des Sex Pistols, qui vient de cracher son dernier chicot à l'âge excessif de 64 ans.

(Non, ce n'est pas McLaren qui parle sur cette vidéo, mais Marcel Azzola, le Marcel du «chauffe Marcel» de Vesoul, qui parle de son tournage avec «Jaunie Rottaine» dans La Grande Escroquerie du Rock'n'roll avec l'intervention de Jean Sablon. Un must)

L'homme qui a propulsé God Save the Queen à la tête des charts anglais l'année du jubilé de la reine, en 1977, malgré une interdiction de diffusion par la BBC et l'Independent Broadcasting Authority, est donc mort d'un cancer, à New York.

Johnny Thunders New York Dolls 2 of 6 matrix sf © mark so

Son premier grand succès aura été de se faire virer de plusieurs art schools dans les années 1960. Proche des situationnistes (c'est Jamie Reid qui réalisera les pochettes des Pistols), il justifiera cette période d'un slogan, comme souvent: «Mieux vaut un échec flamboyant que n'importe quel sorte de succès mesquin». Conscient qu'il est bien meilleur commerçant qu'artiste, il s'installe avec Vivienne Westwood dans une boutique de King's Road qui vend des blousons en cuirs plus ou moins kitschs à paillettes et à clous autour d'un juke-box éculé — Too Fast to live, too young to die —, qui devient rapidement le lieu de rassemblement des teddy boys de tout Londres. Le magasin se rebaptise , lorsqu'il commence alors à s'occuper de musique en gérant la destinée des glamrockeurs chevelus des New York Dolls, alors que Johnny Thunders en fait encore partie. L'intervention de McLaren conduira le groupe... à la dissolution.

Sex Pistols Anarchy in the UK © TheMrHack

La boutique prend un virage bondage avec latex, épingles à nourrice et fermeture éclair et devient le laboratoire du punk qui va naître, sous le sobre nom de SEX. La légende veut que ce soit là que McLaren a ait repéré un jeune homme aux cheveux verts, vêtu d'un T-shirt des Pink Floyd surchargé du graffiti «I Hate», John Lydon qui sera rebaptisé «Johnny Rotten» — Jeannot le pourri — pour prendre la tête d'un groupe nommé The Strand qu'il transforme en Sex Pistols. Johnny Rotten fait virer le bassiste Glenn Matlock «parce qu'il écoutait trop les Beatles» et le fait remplacer par son colocataire, John Simon Ritchie, dit Sid Vicious, dont la seule expérience musicale était à la batterie (chez Siouxsie & the Banshees, quand même).

La plaisanterie se solde par un unique album (Never Mind the Bollocks, Here's the Sex Pistols) et un mémorable concert sur un bateau sur la Tamise qui passe devant l'abbaye de Westminster et finit par une nuit au poste pour tout le monde, une tournée pitoyable aux Etats-Unis et le groupe qui splitte en 1978.

En 1983, McLaren connaîtra par lui même une éphémère gloire dans le hip-hop avec un album de hip-hop intitulé Duck Rock avant son pathétique essai électro-opéra «Madame Butterfly».

Malcolm McLaren n'a jamais caché que son projet était de faire des Sex Pistols l'arme d'une grande escroquerie (c'est même le titre du film de Julien Temple) dont la carrière n'a été mis en scène que comme un gigantesque coup de publicité. C'est malgré lui que le punk aura été le mouvement qui a définitivement tué Franck Sinatra, Elvis Presley puis toutes les tentatives de faire du rock «intelligent», progressif, pompeux, prétentieux. Il lui aura restitué le coté transgressif et provocateur, l'énergie, le mauvais esprit, le mauvais genre qu'il allait perdre. De cela, il faut lui être reconnaissant.