Le Quartier est au centre de la vie culturelle quimpéroise depuis 25 ans, alliant rétrospectives permettant aux habitants de la région de découvrir des artistes novateurs dont ils n'entendraient pas parler sur les grandes ondes. Encourageant de nouveaux créateurs en leur apportant un peu de cette visibilité si dure à obtenir et pourtant vitale à leurs projets.
Seulement voilà, le centre d'art contemporain est désormais sur la sellette, menacé par la sacro-sainte austérité budgétaire que l'on nous sert nationalement, localement, matin midi et soir.
La municipalité quimpéroise prévoit de couper progressivement le robinet à hauteur de 15% chaque année, condamnant de fait l'existence même du centre. La ministre Mme Azoulay fait les gros yeux, de loin, par communiqué. Chacun se renvoie la balle, l'une en appelant aux grands principes de diversité culturelle (ça ne mange pas de pain et ne coûte pas un kopeck), l'autre de pointer la diminution des dotations de l'Etat aux collectivités et la nécessité de faire des économies.
Un seul responsable ? Non bien sûr. Une accumulation, plutôt, d'abandons idéologiques.
La mairie entend "faire de Quimper un centre de la culture bretonne". Comme si elle ne l'était pas déjà. Comme si l'art contemporain n'en était pas une de ses composantes. Quimper ville folklorique, fest-noz, gavotte & co, pour les touristes estivaux seulement ? Drôle d'approche de la vitalité de la culture bretonne.
Mr Jolivet, maire LR élu voici deux ans, peut-être fait-il partie de ces épidermiques qui considèrent cet art comme superficiel, élitiste et bobo (ce qu'il deviendra s'il est laissé aux investisseurs privés) ? Si tel est le cas, ça le regarde et ce n'est pas le problème des Quimpérois qui entendent garder leur ville dynamique et vivante.
Quant à Mme Azoulay, elle devrait s'interroger sur la délégation croissante des moyens décidée par son gouvernement : on ne peut pas prétendre sanctuariser la Culture d'un côté, et de l'autre l'abandonner concrètement à la sensibilité de tel ou tel édile. À moins de vouloir devenir la ministre des communiqués.
L'Art Contemporain - et ce n'est pas rien - s'appuie sur la sensibilité d'un artiste pour réfléchir et décrire le monde autrement. Faire penser. Faire réagir. À l'opposé de l'air du temps, plus friand de simplifications ultimes, socialement apaisantes (...), et autres projets de ville-folklore.
Certes, pas à n'importe quel prix. Le Quartier se dit prêt à évoluer. Encore faudrait-il que sa mise à mort n'ait pas déjà été décidée.
Encore faudrait-il que les Quimpérois réalisent que c'est bien de l'appauvrissement de leur ville dont on parle ici.
Car si une volonté politique forte et réelle, concrète, à protéger les créateurs, ceux qui nous poussent à analyser notre société à travers des prismes différents, existait rue de Valois comme ce fut le cas il y a désormais bien longtemps (ah le budget Culture intouchable, lorsqu'il s'agissait encore d'un choix de société : une autre époque), jamais des élus de terrain ne se permettraient de priver leurs administrés de ces outils intellectuels indispensables en ces temps d'obscurantisme rampant, de libéralisme exacerbé. Il ne s'agit pas que du Quartier, de ses employés, de ses créateurs, mais bien d'un mouvement global de restriction des cocons de réflexion pour les citoyens en demande de sens. Austérité, disent-ils ? Oui, la société risque fort de le devenir, austère, à ce rythme. Et ceci est - et certains ont beau jeu de le nier ou de le cacher derrière des schémas comptables - et demeure un choix politique.
**PS : la décision est tombée le 06/06/2016 au soir. La Mairie de Quimper interrompt son financement. Amis bretons, révisez vos pas de gavotte pour cet été. Soyez folklos et ne réfléchissez plus trop : c'est tout ce qu'on vous demande.**
- Pétition : ici
- Frédéric L'Helgoualch est l'auteur de 'Deci-Delà' (ed du Net) et de 'Pierre Guerot & I' (ed H&O) en collaboration avec Pierre Guerot
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