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Billet de blog 26 mai 2016

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«Électron ivre» de Drink a lol: shots d'ironie et cocktails spirituels à volonté

Ils reviennent à lui d'ailleurs, les autres, ses punching-balls attitrés. Fidèles aux salves en pleine poire, aux laminages intelligents, comme s'ils en redemandaient, masos ou juste lassés de se coltiner au quotidien leur propre eau tiède. Pour sûr, avec lui c'est rasade de triple-sec obligatoire ! Pour la camomille, c'est pas le bon zinc.

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    Chaud devant, il revient ! La Binocularia castrateris, le Cretinus binocularis et la Femina sensibilis peuvent bien s'accrocher, ils n'échapperont pas longtemps à ses redoutables punchlines. "Il" ? Le dandy sarcastique de 'Drink a lol' bien sûr, créature bd flegmatique du tandem Thom J.Tailor et Ookah.

Depuis le premier tome, 'Imbuvable', sorti en 2015, le psychologue alcoolique n'a toujours pas lâché son satané verre de Martini blanc et n'a rien perdu de son appétit féroce pour les poseurs. 
 
Gare à celle ou celui qui le croise en soirée et prétend devant lui penser le monde quand le faire savoir publiquement est en fait la seule finalité : il ou elle se fera croquer en trois cases et une phrase.

Ainsi avec l'une de ses têtes à claques favorites qui s'est risquée à philosopher :
- Franchement, qui es-tu pour me juger ainsi ?
Lui : - Je ne te juge pas, je pose un diagnostique.
Sa victime : - Tu appelles ça "poser un diagnostique", me traiter de "sous-merde avariée" ?
Lui : - Absolument.

Hop ! Shaker énergiquement et servir frais. Car le poivrot stylé n'hésite pas à brandir son métier ("quand on est psychologue, le plus important n'est pas l'écoute, l'empathie, mais l'alcool") pour donner poids à ses verdicts définitifs. Sa misanthropie maladive fait hurler de rire, son sens infernal de la repartie ravit l'esprit.

Méchanceté gratuite ? Bien sûr que non. Exaspération, plutôt, face à la bêtise et à la vanité (la vacuité ?) humaines.

Entre deux alcoolisations sévères - jamais joyeuses, pensives et graves plutôt - il daigne écouter le verbiage de ses contemporains (Elle : - J'ai répondu à un test de personnalité aujourd'hui), mais ne peut s'empêcher de dégainer (Lui : - Ah, et ça n'a rien donné ?) Un tel personnage sans filtre passerait vite pour détestable dans la vraie vie, bien sûr. Quoique... Son appétence pour les spiritueux, ses sorties spirituelles finalement défensives : à gratter et, on devine un hypersensible qui comme nous tous, comme chacun, doit lutter face à la folie du monde, à l'égoïsme travesti (même pas revendiqué, ce qui là au moins aurait de l'allure) de la majorité de nos semblables.

Espérant encore un jour, sans doute, être surpris par quelqu'un. Il y a bien cette binoclarde psychorigide qui lui donne du fil à retordre ("T'en n'as pas marre de citer Lacan ? C'est ton mec ou quoi ?") Ce gosse intello et dépressif profond (qui ne trouve comme seul plaisir dans l'existence que de s'asseoir sur une machine à laver en marche). Un peu court pour retrouver foi en l'humanité et logique au monde.

Ils reviennent à lui d'ailleurs, les autres, ses punching-balls attitrés. Fidèles aux salves en pleine poire, aux laminages intelligents, comme s'ils en redemandaient, masos ou juste lassés de se coltiner au quotidien leur propre eau tiède. Pour sûr, avec lui c'est rasade de triple-sec obligatoire ! Pour la camomille, c'est pas le bon zinc.

Quand les gamma-GT augmentent, ses drôles de potes se radinent. Dieu (tout aussi désespéré par ces abrutis d'humains), la Mort (sacrée vanneuse, quand on la connaît), un extraterrestre pochard (ailleurs, ailleurs, mais où ?) et bien sûr : sa bestiole adorée Étienne, dinosaure Raptor de son état (reptilien, donc. Comme son cerveau passé 4gr). Au moins avec eux, il s'amuse (sans pour autant sourire, y a des limites).

L'Eternel s'acharne sur son Rubik's Cube pour tuer le temps. La Faucheuse le charrie en lui faisant croire qu'elle va l'embarquer. E.T. roule dans le caniveau en réclamant du Pastis. Quant à Étienne, il bouffe du facho et déclare doctement "qu'une bonne météorite dans la gueule (nous) remettrait à tous les idées en place."

Des 'guests', aussi, dans cet album. Bill Murray, en premier lieu. Vénéré (ah, vous voyez bien qu'il y a un cœur battant chez cette petite ordure cynique !) Les acteurs de Game of Thrones, Christine & the Queens, Daft Punk et même Einstein (qui recommande la bd au passage).

La forme n'est pas rigide, ne se limite pas à une succession de trios de cases. De temps en temps, des planches plus larges et poétiques, comme si Ookah et Thom J.Tailor avaient voulu expérimenter, se faire plaisir tout simplement. Est-ce le succès de leur blog, de leur page FB qui réunit leurs aficionados, du tome 1 en librairie ? Toujours est-il que, oui, une liberté, un désir de ne pas se sentir contraints émane de cet album qui nous offre 100% d'inédits. Tels des électrons libres.

Ce qui tombe bien : c'est ainsi qu'on l'aime, leur méchant moustachu. Décidément : encore une bonne cuvée.


***- 'Électron ivre', Drink a lol, de Thom J.Tailor et Ookah aux ed. Marabulles -***


- Frédéric L'Helgoualch est l'auteur de 'Deci-Delà' (ed. du Net) et de 'Pierre Guerot & I' (ed. H&O)  [en collaboration avec Pierre Guerot]
 

                                                   

Illustration 1

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