Eh bien voilà, le Front de Gauche a fait une démonstration de force ce dimanche. Pas question de mégoter sur le quantitatif (il y avait beaucoup de monde), reste le qualitatif. Je ne veux, par là, vexer personne : chaque participant à ce rassemblement avait ses légitimes raisons d'en être, il n'y a ici aucune position de surplomb méprisant envers ces engagements et ces adhésions au Front de Gauche qui participent de la volonté de combattre le désordre du monde. Non, le qualitatif que je vise ici c'est l'orientation de la direction du Front de Gauche que je persiste à critiquer pour son opacité sur des questions fondamentales (exemple peut-être le plus flagrant : les retraites) ou sur des pratiques contradictoires avec la radicalité affichée, toutes choses que ceux qui suivent le Front de Gauche jugent négligeables au regard de l'objectif suprême (battre Sarkozy). C'est leur droit. Comme c'est le mien de penser le contraire et de le dire tout en partageant la démarche de battre la droite. Les habitués de ce blog ne s'étonneront pas de mon positionnement, aux nouveaux visiteurs je voudrais leur soumettre deux photos que je ferai suivre de quelques commentaires.
La première est tirée de l'édition du jour du quotidien héraultais, proche du Parti Communiste, L'Hérault du jour. Elle illustre un article dont le long titre se suffit à lui-même : Front de Gauche, Les candidats du grand Montpellier ont la certitude que leurs idées ont gagné en crédibilité. Ils appellent à l'"insurrection civique". Voir la droite rendre les armes après la prise de la Bastille

L'Hérault du jour du 20 mars 2012
La seconde photo nous montre une partie des conseillers municipaux de Montpellier

Illustration : helene-mandroux-et-une-partie-de-sa-nouvelle-garde]
Le rapport entre les deux photos ? Michel Passet, le secrétaire fédéral du PCF, qui, L'Hérault du Jour nous le dit, revient enthousiaste (mais responsable !) de la Bastille :

Extrait de L'Hérault du jour du 20 mars 2012
Et alors ? Alors, comme on le voit sur la deuxième photo, Michel Passet est l'adjoint (assis à sa droite) de Madame la maire de Montpellier, socialiste, qui a su fédérer autour d'elle, outre le PCF, le Modem !
Et comme le PCF est la pièce maîtresse du Front de Gauche, il faut bien mettre en évidence que l'ami Passet joue de la radicalité à la Bastille en soutien à Mélenchon tout en pratiquant la gestion à la mode social-libérale à Montpellier. Ce qui l'autorise, sans rire, à dire, comme le rapporte L'Hérault du jour, que le Front de Gauche est appelé à "gouverner sur un programme clair". Un programme clair ? Comme lui-même le met en oeuvre en gouvernant avec le PS et le Modem à Montpellier ? Qu'on me permette de rappeler ici que cette cogouvernance locale s'est traduite par, récemment, une suppression de la gratuité des heures de garderie en maternelle que les parents contestent vivement. Par le vote aussi d'une Délégation de Service Public d'une crèche (présentée par une élue communiste !) que le PCF de Montpellier s'est vu obligé de dénoncer comme une privatisation de la scolarisation de la petite enfance. On pourrait parler aussi des votes des crédits à l'enseignement privé, y compris ceux qui ne relèvent pas d'une obligation légale ou de l'augmentation des tarifs des transports urbains via l'Agglo de Montpellier. Il est même arrivé à Michel Passet de refuser, avec ses alliés, que soit mis au vote un voeu de soutien, porté par l'élu NPA-Fase, aux salariés en lutte de Dell Montpellier !
C'est enfin Michel Passet qui siffla la fin de la "récréation" unitaire, indépendante du PS, de la liste aux régionales de 2010 A Gauche Maintenant ! (NPA, Front de Gauche, Fase, Objecteurs de Croissance, Alternatifs).
Conclusion : Michel Passet incarne la dualité concrète qui traverse le Front de Gauche : il est en quelque sorte l'envers de la médaille Mélenchon. Montpellier-Bastille, voilà un condensé de la contradiction qui travaille ce regroupement à la gauche du PS et que le cheminement d'un responsable communiste du Front de Gauche, 100% mélenchonien/100% unitaire avec le PS, met à nu. Comment se dénouera cette contradiction ? Rien n'est totalement prévisible. La logique de coalition avec le PS portée depuis 1981 par le PCF est toujours là, "programme partagé" de toute la gauche oblige, on le voit bien. Des calculs tacticiens dépendants du score obtenu à la présidentielle et aux législatives pourraient retarder son intégration dans un gouvernement de François Hollande. Jusqu'à quand ? Pour quoi faire ? De la radicalité mélenchonienne ? De la gestion socialocompatible ? Dans l'immédiat relevons qu'un personnage comme Michel Passet peut, sans complexe dire et ne pas faire ce qu'il dit, faire le contraire de ce qu'il dit. Le Front de Gauche c'est aussi cela sans oublier quand même, du côté du pôle radical, la danse du ventre de Mélenchon autour d'Arnaud Montebourg lors des primaires socialistes, avant que celui-ci ne devienne un des pivots de campagne de Hollande. Sans oublier non plus l'ouverture du même vers Chevènement qui finira lui aussi du côté du candidat du PS. Ou encore l'appui au Rafale et l'hommage à Dassault ! Et la petite musique des hommages répétés (y compris à la Bastille !) à Mitterrand, le promoteur du tournant social-libéral du PS dont on redécouvre, en ces jours de retour sur la Guerre d'Algérie, le rôle peu reluisant qu'il assuma au gouvernement colonialiste-belliciste-terroriste-tortureur d'alors...Je sais cela fait douche froide...après les échauffements de la Bastille !
Note : sur la première photo, pour que tout soit dit, apparaît René Revol du PG : il a récemment pris, en tant que maire d'une petite commune à la périphérie de Montpellier, une mesure qui reçoit l'appui sans réserve du NPA (Reprise des expulsions : "La trêve hivernale doit être permanente"). Mais voilà, quand Michel Passet a mis son véto à la reconduction, pour les dernières cantonales, de A Gauche Maintenant ! (avec le NPA), liste que justement, lui, René Revol, conduisait, eh bien, il a préféré regarder ailleurs en regrettant que décidément cela soit si dur d'être unitaire...Mais il faut rappeler qu'il a reconduit, à cette occasion, l'unité ...avec le diviseur, le PCF, histoire de préserver, toute honte bue, le cadre qui devait permettre la mise sur orbite de la candidature de son ami Mélenchon à la présidentielle ! Le Front de Gauche c'est cela aussi (bis) : par dessous les grandes envolées lyriques et généreuses, du calcul et des accommodements bien peu fondés sur les principes énoncés. Loin des grandes déclarations sur l'insurrection citoyenne nécessaire tous ensemble...mais sans le NPA ! Sans le NPA qui, selon L'Hérault du jour, traîne toujours (quel malheur !) une étiquette contestataire au contraire d'un Front de Gauche porteur désormais, dit l'inénarrable Michel Passet, d' une responsabilté nouvelle ? Mais voilà, nous venons de le voir, le sens des responsabiltés tel que le conçoit ce représentant du Front de Gauche, est déjà à l'oeuvre à Montpellier et il est à craindre que, de ce point de vue, l'inédit soit lesté du déjà vu ! La Bastille est décidément loin de Montpellier ! Mais à la réflexion : est-elle si loin qu'un Michel Passet puisse se réclamer sans plus de gêne d'une insurrection citoyenne ?
L'unité de toute la gauche radicale reste à mes yeux nécessaire mais en contrepoint de tous ces atermoiements et tortillements que le verbe mélenchonien parvient à faire oublier pour l'instant. A défaut dudit contrepoint cette nécessité est donc malheureusement devenue une impossibilité et légitime la campagne de Philippe Poutou pour le NPA dont on vérifiera très vite si elle parvient, dans le cadre d'un accès "à égalité" aux médias, à faire entendre une autre voix à gauche ! Celle d'une radicalité qui ne joue que sur un tableau : l'alternative en parole et en acte ! Le passé plaide pour qu'on n'enterre pas hâtivement cette parole qui émerge directement du monde ouvrier ! Et, qui sait, qui puisse aider à reformuler les termes de l'unité nécessaire à la gauche du PS !
Lu dans la Lettre Electronique du NPA de Béziers de cette semaine :
Béziers : erreur de casting avec la présence de Michel Passet, maire adjoint de Montpellier, à une réunion du Front de Gauche sur la priorité à l’éducation
Nous ne doutons pas de la volonté du Front de Gauche de redonner la priorité à l’éducation.
Mais que venait faire Michel Passet à une telle réunion cette semaine au Centre espagnol [de Béziers]?
Michel Passet, pour ceux qui ne le savent pas, est maire adjoint de Montpellier (donc d’Helene Mandroux [PS] à qui il était censé s’opposer lors des régionales au sein de la liste « A Gauche Maintenant !»
Michel Passet est secrétaire fédéral du PCF 34 mais membre d’une majorité PCF/PS/MODEM au conseil municipal de Montpellier.
Michel Passet est celui qui a dit, à l'adresse du NPA, lors des cantonales « A Gauche Maintenant !, c’est terminé ! »
Michel Passet a toujours voté au conseil municipal de Montpellier avec le PS et le Modem et jamais avec les élus NPA/FASE.
Michel Passet vient de voter la suppression de la gratuité de l’accueil du soir pour les élèves des écoles maternelles de sa ville (récidive de la suppression en 2009 de l’accueil du matin)
Michel Passet vote chaque année des subventions à l’enseignement privé à hauteur d’1,8 millions d’euros (515 euros par enfant) dont un tiers aux écoles maternelles, sans obligation légale.
Michel Passet a voté une Délégation de Service Public pour la création d’une crèche privatisée à Montpellier.
De manière générale… les coups portés par la municipalité social-libérale de Montpellier au service public d’éducation de la petite enfance, suscitent de nombreuses contestations de la part des parents et des personnels confrontés à de mauvaises conditions de travail.
Nous, au NPA, on se demande quelle forme d’anticapitalisme va défendre Michel Passet au sein du Front de Gauche en dehors de sa ville.
Il était mal, mais très mal placé, pour venir parler de la priorité à l’éducation car il ne pratique pas, en tant qu’élu à Montpellier, ce qu’il revendique au sein du Front de Gauche. Il illustre bien le double langage d’un élu gestionnaire qui se dit « représentant » de "la gauche de combat ».
Il est regrettable, profondément regrettable, qu’il ait pu figurer à la tribune d’une réunion publique de la "gauche radicale" sur cette question.
La Lettre Electronique du NPA Béziers
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Pour en savoir plus sur ce qui est dit ici :
Licenciements à DELL Mtp : réponse à la majorité municipale et lettre ouverte du NPA au PCF 34
Chevènement renonce, Mélenchon et Hollande lui font les yeux doux
Le Front de Gauche et les retraites : Mélenchon est pour les 40 ans de cotisation !