Ces temps derniers, Il est tellement d'articles sur les Roms, tellement de commentaires enfiévrés à la suite de ces articles, que je me suis demandé si, pour couronner le tout, cerise sur le gâteau, il ne manquerait plus que le dernier Astérix se passât chez les Roms. En fait, ce ne sera pas le cas, et il se déroulera chez les Pictes, lointains ancêtres des Ecossais.

Au reste, c'est plus prudent pour Uderzo et son équipe, car le sujet des Roms est miné, et si l'on peut plaisanter impunément sur les Romains, les Goths, les Helvètes, les Bretons, les Egyptiens, les Ibères ( un peu gitanisés pour l'occasion, il est vrai), les Pictes et tutti quanti, en revanche, pour les Roms stricto sensu, c'est bien plus délicat , et même carrément casse-gueule ! Car s'il ne faut qu' « un Vaccéen pour entrer en Hispanie », à tout le moins, il faut un blindage pour s'aventurer chez les Roms ! (Cf Astérix en Hispanie , p. 28 : « Aubergiste : J'ai l'homme qu'il vous faut. Il est du peuple des Vaccéens. Il connaît bien la montagne. Il vous guidera Obélix : Je ne savais pas qu'il fallait un Vaccéen pour entrer en Hispanie. ») Et encore ! Si ça se trouve, on risquerait de vous le piquer pour le fondre, votre blindage !
Peut-on d'ailleurs seulement parler des Roms sans risques ? Parler de Roms, c'est déjà « stigmatiser » selon certains, atteints de la forme la plus aigüe du « syndrome de Vichy ». Et ainsi, jusqu'à il y a peu, il était recommandé de parler plutôt de « Roumains », au moins dans la rubrique des faits divers. De quoi ravir tous les Roumains que je connais et qui s'irritent fort d'être présentés tout uniment comme un peuple de mendigots et de voleurs. Mais c'est qu'il paraissait préférable de stigmatiser tout un peuple ami que de risquer de stigmatiser la minorité d'une minorité de ce peuple. C'est ce qui s'appelle vulgairement "noyer le poisson" : la méthode présentait l'avantage de stigmatiser moins en retour les stigmatiseurs putatifs. C'était très hypocrite, certes, mais efficace. L'innommable restait innommé. Attention à ne pas stigmatiser pour ne pas être stigmatisé soi-même, grands dieux ! Faut se garder de tous les cotés ! Et tout le monde n'a pas la chance d'avoir comme Jean II au cours de la bataille de Poitiers un héritier hardi pour vous prévenir : « père, gardez vous à droite, père, gardez vous à gauche ! »
Ouf ! Heureusement pour les Roumains de toutes origines, des Roms bulgares ont suivi, puis des Roms bosniaques , des Roms croates, etc , jusque des Roms kosovars, à qui les à-peu-près de RESF ont assuré récemment une publicité nationale et même internationale, et, il a été progressivement possible de répartir le poids du fardeau plus chrétiennement sur les épaules de tous les Balkaniques ! Au reste, au bout du compte, juste revanche des choses, je ne suis pas sûr que les Chinois ou les Japonais de retour au pays après s'être fait détrousser dans notre beau pays si romantique seront plus en capacité de distinguer les Roms des Français que nous n'avons distingué les mêmes des Roumains. Ca nous fera les pieds, mais à eux-aussi : ça leur apprendra au moins, à ces cons, à accrocher leurs cadenas aux rambardes du pont des arts au lieu de les mettre sur leur sac à dos !

Le Rom, c'est le mistigri international. Et les Roumains commencent à bien rigoler et de moins en moins sous cape de nous l'avoir refilé très partiellement. Ils vont nous donner bientôt des leçons de droits de l'homme, que dis-je, ils le font déjà, juste revanche ! Nous les avons bien présentés comme d'affreux racistes, eux qui en ont 2 000 000 environ pour une population globale trois fois moindre que celle des Français ! Si leur présence est déjà « urticante » en France (sic dixit Le Pen), on devrait s'étonner que les Roumains ne soient pas couverts de pustules, même pas les fans de Romania Mare, et les féliciter vivement, au moins d 'avoir développé des anticorps !
Au reste, l'ignorance crasse de la plupart des Français en histoire et géographie permet tous les amalgames hâtifs. Forcément, quand, peuple auto-élu ( c'est plus laïque que de compter sur Yahweh pour ça), on se prend tout naturellement pour le nombril de l'univers, il y a peu de chances que l'on étudie posément un problème issu d'une partie de l'Europe sur lequel déjà, les préjugés abondaient, se contredisant parfois. C'est une constante, d'ailleurs, que les préjugés ne se contredisent pas vraiment : ils s'additionnent simplement. Et puis merde, disons-le tout net, nos cousins européens de l'est nous font chier : ce sont les cousins pauvres qui donnent une mauvaise image de la famille, et on n'est d'ailleurs même pas sûr qu'ils en fassent partie ! N'est ce pas Mélenchon, ce grand internationaliste à l'oeil aigu, qui coupa sèchement un militant PS lui parlant des « nouveaux entrants de l’Est » d'un : « eh bien, qu’ils aillent se faire foutre ! Lituaniens ? T’en connais, toi, desLituaniens ? J’en ai jamais vu un moi ! » Certes, les Lituaniens, ce sont des Baltes et non des Balkaniques, mais tout ça, c'est kif kif bourricot pour un franchouillard et notre Méluche national est bien représentatif des préjugés franchouillards, c'en est même la quintessence, l'huile essentielle, mais version de gauche, celle qui sent bon par définition, puisque bien estampillée AOC « de gauche ». Ne pas oublier surtout que quand les exhalaisons viennent de gauche, on ne peut parler de « remugles », mais seulement de "fragrances."
Mais pourquoi donc, pauvre fou, prends-je le risque de parler des Roms sur Médiapart, après avoir exposé que c'était casse-gueule, et alors que déjà ma réputation n'est pas fameuse aux yeux de certains du moins ? Eh bien justement, c'est que je considère que déjà pour ceux-là, je suis ce que disait Cicéron de Catilina, « un homme perdu de vices et de crimes». Quand sur Médiapart, on a eu jusqu'à l'illustrissime Antoine Perraud pour dire que vous troussez vos commentaires « comme d'autres tournaient la gégène », et un Yvan Najiels, de moindre notoriété, pour écrire « quand je vois la trogne de Bigenwald, je regrette la Tchéka », tandis qu'un Rachid Barbouch, me confondant sans doute avec le brigadier-Chef Philippe D. chef du protocole du ministère de l'intérieur, vous assaisonne lui, ainsi : « Bernard Bigenwald est un vieux pervers sexuel, un dévergondé, un débauché au crépuscule de sa vie. Son credo : la jouissance sans garde-fou, sans limites, sans frontières. C’est un ennemi des valeurs morales. C’est tout à fait le genre d’énergumène capable de poser nu à la sortie d’une école. Il fait partie de ces nouveaux nazis promoteurs de l’athéïcité, idéologie athéiste et laïque faisant la chasse aux musulmans ! », eh bien comprenez que forcément, on n'a plus rien à craindre. On est, comme qui dirait, mithridatisé contre les dangers qui guettent toute tentative de pédagogie de la complexité. On se sent même un petit peu Rom : on porte une tunique de Nessus de préjugés idiots, taillée à la va-vite par les nouveaux bien-pensants pétris d'angélisme ou qui font semblant de l'être. Car une vieille paranoïa fait que j'ai une petite difficulté à imaginer que des staliniens même pas repentis puissent être vraiment des angéliques ! Est-ce bête, n'est-ce pas ? Mais c'est tellement difficile de se débarrasser de ses préjugés bourgeois ! L'on comprend mieux la nostalgie de Najiels, "Yvan le pas terrible", pour la Tchéka chantée par Aragon.
09/10/2013, 19:53 | PAR YVAN NAJIELS EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE BERNARD BIGENWALD LE 09/10/2013 À 18:35
Quand je vois la trogne de Bigenwald, je regrette la Tchéka.
10/10/2013, 08:35 | PAR BERNARD BIGENWALD EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE YVAN NAJIELS LE 09/10/2013 À 19:53
😀😀 Tu me fais beaucoup d'honneur, Camarade ! Tu devrais nous montrer un peu la tienne, et on fera un concours de beauté ! Ne la planque pas comme ça, beau révolutionnaire !
Et surtout, que la censure de Médiapart n'efface pas ce beau témoignage de la tolérance d'une personne "très ouverte à l'Autre" par définition. Finalement, les bons sentiments ont leur limite. C'est un constat que j'ai souvent fait.
Au reste, je suis très curieux des phénomènes de mode. J'ai pu donc amplement constater combien, ces derniers temps, chez les fashion victims de la « vraie gauche » auto-proclamée, le Rom était devenu l'accessoire indispensable furieusement « tendance » qui permet d'assurer crânement « m'as-tu-vu comme je suis vraiment de gauche ? ». L'avantage non négligeable est que tu n'as même pas besoin de t'encombrer de ton accessoire, ce qui ne serait pas simple, avec sa smalah de carrioles, de poussettes, de gosses morveux et de femmes en cloque. Non ! Tu es dans le virtuel, autant dire la quintessence de la modernité ! Réussir à se vaporiser d'humanisme avec une matière première dont les fachos ne retiennent que « présence urticante et odorante », c'est bien un tour de force qu'il convient de saluer, non ? C'est ça le vrai chic français !
Plus sérieusement, je connais aussi les Balkans depuis presque une cinquantaine d'années, ce qui m'a permis d'observer les populations Roms à diverses époques, et je suis tout ébaubi de constater à quel point, pour satisfaire aux besoins d'intendance des belligérants des querelles franco-françaises, on s'en tient plus aux fantasmes qu'à l'examen, il est vrai moins simple, des réalités.
Ainsi, aujourd'hui, la plupart des Roms de Bulgarie et de Roumanie sont sédentarisés, même si certains, très visibles, vivent dans des taudis-campements innommables à la périphérie des villes, avec leurs ordures dévalant dans certains cas jusque sur la route passant en contrebas de leurs camps. Mais à dire vrai, Il n'y a pas une réalité rom dans les Balkans, mais des réalités roms : des situations assez diverses qu'il est stupide d'amalgamer. Ainsi, si je parle de taudis un peu plus haut, on peut aussi trouver des quartiers roms relativement potables, des paysans roms, des artisans roms, et même des intellos roms. Mais sûr qu'on repère mieux les délinquants et les mendigots loqueteux qui vous sautent à la grappe et qui sont visiblement plus nombreux que les diplômés d'études supérieures ! Ceux-là, très rares donc, sont assurés de passer chez Ardisson, ce qui permet à celui-ci d'évoquer les condamnables stéréotypes sur « les voleurs de poules », en offrant alors aux téléspectateurs un air douloureusement effaré, bouche en cul de poule, semblable à celle de Sabine Azéma face à Eddy Mitchell dans une scène d'anthologie de « le bonheur est dans le pré » de Chatiliez, vous vous souvenez, lorsque celui-ci lui déclara tout de go, entre poire et fromage, " jusqu'à maintenant, tu m'as regardé comme si ma bite avait un goût » !
Faute que des études sérieuses soient faites, et surtout lues, il est bien difficile, tant pour les politiques que pour l'opinion publique de savoir exactement quel est le projet des Roms qui viennent en Europe occidentale (car le phénomène n'est pas typiquement français).
Vivant à la campagne, en France profonde, pour ma part, je n'en vois guère, des Roms, dans mon bled bourguignon. Il faut que je me déplace pour en voir. Mais alors une simple journée à Paris avec la dégaine d'un touriste, Pentax sur le bide, me permet de constater que j'y trouve, dans les lieux touristiques, le même type de Roms, grosso modo, que celui que l'on peut trouver dans les centres-urbains des Balkans, c'est à dire des délinquants et des mendiants bien organisés. Par rapport à ceux-là, je vois assez mal comment leur assurer le logis et le couvert suffirait à les intégrer plus qu'ils ne le sont dans leur pays d'origine, et il me parait un peu naïf de se leurrer. Par ailleurs, j'ai remarqué concrètement que dans les Balkans, on rencontre des tas de Roms qui baragouinent une, sinon deux langues ouest européennes. C'est donc qu'il y a des aller-retour. Quel programme de logement pour ceux-là ? C'est loin d'être simple, et ça peut être très coûteux pour pas grand chose en termes de résultats.
A l'appui de ce que je dis là, qu'il me soit permis de citer la conclusion de Louis Souchal, un homme de confiance de Jean-Marc Ayrault, Directeur général adjoint de Nantes Métropole, haut fonctionnaire chargé des programmes d’intégration des Roms dans l’agglomération nantaise. Ceci provient d'un article récupéré dans Le Point, organe de la réaction il est vrai, malheureusement :
« Le débat est impossible car on est toujours sur des postures, soit répressives, soit humanitaires et culpabilisantes. Or ce n'est ni l'un ni l'autre. En fait, il y a une dichotomie entre la part visible des conditions de vie des Roms, qui sont terribles, et leur projet de vie. Toute la difficulté est de ne pas s'arrêter à ce que l'on voit.
C'est-à-dire ?
Quand nous avons démarré nos programmes d'insertion en 2005, nous avons essayé de prendre en charge toutes les familles. Toutes celles qui étaient sur des terrains illégaux entraient dans des sites d'insertion. C'est-à-dire que nous trouvions un terrain légal, nous mettions des travailleurs sociaux, du gardiennage et des mobile homes : 500 personnes en ont bénéficié entre 2005 et 2009. Mais nous nous sommes aperçus que c'était une erreur car toutes les personnes n'avaient pas un projet de vie en France.
Pourquoi ?
Il y avait des gens qui venaient juste pour se soigner, d'autres pour les aides du conseil général (de 50 à 180 euros par mois en fonction du nombre d'enfants au titre de la protection de l'enfance). Des familles sont venues avec des enfants qui n'étaient pas à elles. Il y avait aussi tous ceux qui venaient pour la récupération de métaux, la mendicité, quand ce n'était pas la délinquance. Il y avait des trafics, des clans, etc. Certains sous-louaient même leur mobile home pour 200 euros.
Qu'avez-vous fait ?
Il y a des terrains qu'on avait fini par faire fonctionner sans trop d'incidents, mais les gens restaient dans une sorte de passivité : ils faisaient leurs activités, leur circuit entre la Roumanie et la France, mais sans aucune tentative d'insertion. Nous avons donc fermé les trois sites que nous avions montés. Nous avons sélectionné une cinquantaine de familles qui avaient vraiment un projet – toutes ont désormais un appartement – et dit aux autres de partir.
« Intégrer » les Roms est-il un pari difficile ?
En fait, c'est une idée absurde. Les Roms viennent chacun avec des motivations et modes de vie différents (…) Les migrants roumains sont en effet sur des migrations pendulaires organisées. Leur but est de venir en France pour gagner de l'argent puis de rentrer en Roumanie construire une maison (…) D'ailleurs, il faut éviter de penser qu'il s'agit "d'intégrer les Roms", on intègre seulement "des familles". On s'en aperçoit lors des diagnostics sur les campements avant les expulsions. Récemment, sur un terrain où il y avait 22 familles, seules deux présentaient vraiment des signes de projets en France. La difficulté, c'est de savoir comment diagnostiquer la réalité de ce souhait.»
Soit dit au passage, est-ce bien différent de ce que disait Manuel Valls, même si on peut accuser celui-ci de bien des arrière-pensées ? D'ailleurs, doit-on, soit dit en passant, se déterminer par rapport à des arrières-pensées ou plutôt par rapport à des réalités qu'il conviendrait de connaître mieux ?
Car qu’avait donc dit Manuel Valls ? Quels furent ses propos scandaleux qui ont provoqué une semaine de polémiques avec Cécile Duflot, et opposé de manière calamiteuse le Ministre de l’Intérieur et le Premier ministre via leurs cabinets respectifs ? « Il y a évidemment des solutions d’intégration, mais elles ne concernent que quelques familles, c’est illusoire de penser qu’on règle le problème des populations Roms à travers uniquement l’insertion ». Manuel Valls concluait qu’« une minorité de familles veut s’intégrer en France » et que la plupart des Roms avaient « vocation à revenir en Roumanie et en Bulgarie ». Est-ce sur le fond bien différent de ce qu'exprime plus haut Louis Souchal ? On a crié à « l'essentialisme » : n'est-ce pas un peu outré ? A-t-il dit en aucune manière que cela était inscrit dans leurs gènes, ni que cette "vocation" serait éternelle ?
Avant cela, Valls avait critiqué l'aide au retour, développée sous Sarko. Ce dispositif permettait à tout ressortissant de l'Union européenne en situation irrégulière et en "grande précarité" de toucher 300 euros par adulte et 100 euros par enfant pour rentrer dans le pays dont il était originaire. Expérimenté en 2005, il a été généralisé en 2006 avec un montant de 150 euros par adulte puis doublé en 2007 par Nicolas Sarkozy. De 1 690 bénéficiaires en 2007, ce nombre passe à 8 200 en 2008 puis à plus de 10 000 chaque année à partir de 2009. Ces retours au pays comptabilisés comme des expulsions du territoire français se sont avérés utiles quasi uniquement pour justifier l'efficacité de la politique de lutte contre l'immigration irrégulière. Mais cela n'a pas fait baisser le nombre de Roms en France, la libre circulation en Europe leur permettant de repasser aisément la frontière dans l'autre sens.

Je veux bien que les valeurs morales soient universelles, mais les façons de vivre ne le sont pas pour autant, il faudra bien l'admettre. Même si une tendance mondiale va vers l'homogénéïsation. Et si, sous le régime communiste, je dois le préciser, rien n'était bien différent ( je l'ai constaté personnellement) sauf la peur plus aiguë de la milice, c'est bien qu'il y a un problème qui ne se réduit pas à l'oppression capitaliste et à la division des malheureux pour les détourner des "vrais problèmes", comme le clament certains.
Il y a certes sûrement des Roms qui souhaitent s'intégrer : quelle proportion ? Personne n'en sait foutre rien ! En tous cas, pas très élevée selon Louis Souchal. Leur nombre total même, c'est à la louche : 15 000 ? 20 000 ? les mêmes ? Un chiffre stable ? Que signifie vraiment ce chiffre si on le rapproche du chiffre de 10 000 expulsions concernant les Roms chaque année ? Si ce chiffre est contenu à 20 000, mais alors, ce serait une très belle réussite de leur intégration, dont il conviendrait de se féliciter, eu égard à leur galopant taux de natalité, qui fait dire aux Roumains que les Tziganes font un enfant dés que le précédent est sale ! Ca voudrait dire qu'ils se fondent dans la population au fur et à mesure qu'ils se multiplient ! Bref, on raconte n'importe quoi, on ne s'en prive pas, et dans tous les sens ! Du coup, la dénégation naïve peut voisiner avec l'amalgame le plus cynique, l'un et l'autre s'exaltant mutuellement par un effet miroir parfois du plus haut comique. L'apologie de la diversité, tellement enrichissante, même quand on te fait les poches, versus rejet de l'altérité, qui bien entendu, n'ayons pas peur des mots, ne peut conduire qu'à Auschwitz et à l'usage du Zyklon B comme désinfectant. Une altérité, qui, il convient de le noter, s'est maintenue très largement au fil des siècles, ce qui devrait tout de même un peu porter à la réflexion ceux qui voient dans le modèle républicain, le modèle indépassable d'une digestion harmonieuse des populations allogènes.
De Dalida à Médiapart, quand il n'est pas folklorisé, le Rom est en tous cas un élément indispensable du décor de la scène, que ce soit celle du music-hall ou de la politique :
Pour Dalida :
« D'où viens-tu gitan ?
Je viens de Bohême
D'où viens-tu gitan ?
Je viens d'Italie
Et toi, beau gitan ?
De l'Andalousie
Et toi, vieux gitan, d'où viens-tu ?
Je viens d'un pays qui n'existe plus...
{Refrain:}
Les chevaux rassemblés le long de la barrière
Le flanc gris de poussière
Le naseau écumant
Les gitans sont assis près de la flamme claire
Qui jette à la clairière
Leurs ombres de géants
Et dans la nuit monte un refrain bizarre
Et dans la nuit bat le cur des guitares
C'est le chant des errants qui n'ont pas de frontière
C'est l'ardente prière de la nuit des gitans
Où vas-tu gitan ?
Je vais en Bohême
Où vas-tu gitan ?
Revoir l'Italie
Et toi beau gitan ?
En Andalousie
Et toi vieux gitan mon ami ?
Je suis bien trop vieux, moi je reste ici...
{Refrain:}
Avant de repartir pour un nouveau voyage
Vers d'autres paysages
Sur des chemins mouvants
Laisse encor un instant vagabonder ton rêve
Avant que la nuit brève
Le réduise à néant
Chante, gitan, ton pays de Cocagne
Chante, gitan, ton château en Espagne
C'est le chant des errants qui n'ont pas de frontière
C'est l'ardente prière de la nuit des gitans »
Pour Médiapart, par le biais de Gustave Flaubert, quel meilleur moyen que le Rom pour se démarquer du bourgeois ? :
«Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule, en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.
C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au Solitaire, au Poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.»
Il est de fait que Flaubert eut plus de difficultés à se démarquer du bourgeois face à des communards, par exemple !
Avec la très mal nommée « Affaire Léonarda », qu'on aurait dû appeler « l'Affaire RESF » tant cette association a su faire comme on dit à Marseille, une extraordinaire "aïoli avec une simple gousse d'ail ", on a assisté à un summum de l'exploitation folklorique du Rom. Pour les uns, ce fut une magnifique occasion de prendre des poses humanistes du genre cucul la praline ; pour d'autres, d'un cynisme achevé, ce fut avant tout une occasion quasi inespérée de pouvoir avoir Valls dans le collimateur, et de mitrailler comme dans un jeu vidéo. Qu'importent les faits si quelques éléments suffisants bien sélectionnés pour un storytelling d'enfer propre à faire pleurer Margot, permettent de manipuler à loisir l'opinion publique. Ceux-là, sous leurs hurlements d'horreur, étaient rien moins que soucieux de l'avenir d'une collègienne qui ne brillait guère d'ailleurs pour son intérêt pour l'école au vu de ses nombreuses absences à celle-ci.
Les faits sans fioritures :
Une collégienne de Pontarlier, Léonarda Dibrani reconduite avec sa famille dans son Kosovo natal, après le rejet de deux demandes d’asile politique, décision confirmée par un tribunal administratif et une Cour administrative d’appel face à un dossier très bidonné. les conditions de l’expulsion de Leonarda suscitent l’émotion médiatique, valant à Manuel Valls et au préfet du Doubs un concert de sifflets et d'insultes. Leonarda a été interceptée par la police le 9 octobre dernier alors que son père avait été reconduit au Kosovo la veille et qu’il était prévu que toute la famille le rejoigne ce jour-là. Constatant qu’un membre de la famille manquait à l’appel, les autorités ont demandé à sa mère de l’appeler sur son téléphone portable pour la faire revenir du bus qui l’emmenait en sortie scolaire. Dans la foulée, le maire de la commune de Levier, où résidait la famille Dibrani, a convaincu le professeur présent sur les lieux de coopérer. Finalement, le bus s’est arrêté sur le parking d’un autre collège à la périphérie de Pontarlier. Selon le secrétaire général de la préfecture, cité par Le Monde, « La jeune fille est descendue volontairement du car, dans lequel aucun policier n’est monté, pour attendre les fonctionnaires chargés de la prendre en charge. L’opération s’est déroulée dans le calme. Il n’y a eu aucun incident et l’embarquement à Lyon s’est effectué sans la moindre difficulté. »


Vous noterez que Chimulus doit prendre la précaution de préciser que ce n'est que de l'humour !
Les fantasmes :
La gauche de la gauche surjoue les oisillons outrés dans un numéro d'imitation de l'orfraie digne des meilleurs doublages de Bouchitey :« ça sent la rue Lauriston » (siège de la Gestapo française ), il s'agit d'une « rafle », d'une violation du « sanctuaire de l'école » (laïque ?) !, « ça rappelle les heures les plus sombres de notre histoire ». Valls nous aurait joué en live un remake du film « Adieu les enfants » de Louis Malle, si ce n'est même « Nuit et Brouillard » ! Bref un véritable délire s'empare des médias et du monde politique, à la faveur duquel la bonne tambouille politicienne s'organise ! Feu sur Valls le Facho , qui déjà « nourrissait la bête immonde » (sic !) par ses propos sur les Roms, tenus à peine quelques jours avant ces évènements. RESF tenait son heure de gloire propre à lui assurer sa plaque en marbre dans quelque mémorial de la déportation ! Coté verts, au tiercé des démagos, jean-Vincent Placé !


Revenons à plus de raison, même si c'est moins drôle.
« Dès que les discours abordent la question des Roms, on est en pleine confusion », note Jean-Pierre Liégeois, sociologue, « Le résultat est qu'on dit tout et son contraire. Dans ces conditions, les propositions faites par les politiques ont peu de chances d'être adaptées, car elle portent sur des présupposés loin de la réalité. A l'analyse de ces discours, on en apprend plus sur ceux qui les prononcent que sur ceux qui en sont l'objet. » « Les Roms ne sont donc pas définis tels qu'ils sont, mais tels qu'ils doivent être pour justifier des orientations politiques ».
Pour le moment donc, décidément, la seule chose qui soit bien claire et incontestable, c'est que la question des Roms permet surtout de cliver entre les bons et les méchants. C'est sûrement la question la plus importante, d'ailleurs, si l'on s'en tient au nombre de billets et articles traitant la question et à celui des intervenants sur les fils. Valls qui critiquait ses prédécesseurs, ne se distingue pas énormément d'eux maintenant qu'il est aux manettes, et le Rom moyen, peu au fait des subtilités du théâtre politique français, a sans doute du mal à percevoir qualitativement la différence entre une expulsion de droite et une expulsion de gauche. Voilà donc que maintenant le Manuel « pue la rue Lauriston", et qu'il "nourrit la bête immonde" ! Et juste au moment où passe sur FR3 le feuilleton "Un village français " ! Je propose donc qu'on équipe de canadiennes, de bérets basques, de mitraillettes Sten, de brassards FTP et de tractions-avant nos nouveaux Résistants. Après tout, peut-être seront-ils beaucoup plus efficaces que leurs prédécesseurs de 1944 qui ont tout de même eu besoin des Amerloques et surtout de l'Armée Rouge (là, je devance Pottier, notre ineffable stalinien-poète du club) !
Ah la la ! c'est qu'on a toujours plus besoin de Pétain, si l'on en juge au nombre de fois qu'on l'appelle à la rescousse, à la gauche de la gauche ! Il pourrait sembler pourtant un peu lassant comme argument, celui de la vieille ganache qui fit le don de sa personne à la France à un âge où il eut été plus pertinent pour lui de léguer plus simplement son corps à la médecine, non ? En tous cas, ça démontre combien, encore soixante dix ans après la pitoyable disparition de Vichy à Sigmaringen, on a toujours un extraordinaire besoin, en France de se positionner par rapport à un régime qui s'appuya quand même sur nombre de partis, et même sur des membres, pas si rares que ça, de partis dits "républicains". Mais bon, en le disant j'aggrave mon cas et il convient de se référer pieusement et exclusivement à une histoire un peu romancée qui a eu l'avantage de rendre exaltantes les biographies de certains individus pas toujours glorieux, qui prirent tout leur temps pour se positionner. Ainsi, allez savoir pourquoi , quand je pense à Mitterrand, je pense toujours à un Vichy-fraise ! Quant à Pierre Laval, j'ai toujours trouvé qu'il ressemblait à un manouche : ce serait comique qu'une de ses ancêtres ait fauté avec un « fils du vent », non ?

Quelles perspectives, donc ? Pour Jean-Pierre Liégeois, un peu iréniste à mon goût , et un peu « magique, » même :
« Je propose même un renversement de perspective ! Deux faits majeurs marquent l’Europe : la mobilité des populations, et l’émergence de la question des minorités depuis 1990. Or les Roms illustrent les deux. Tous les Etats sont aujourd'hui obligés de gérer des situations complexes de multiculturalité, et les questions concernant les Roms sont exemplaires et peuvent servir de modèle.
« Leur situation illustre ce que l'Europe a de plus négatif, en termes de discrimination, de rejet, de racisme, d'impuissance à accepter et à gérer la diversité. Mais par leur présence dans tous les Etats et leurs liens transnationaux, ils sont les pionniers d'une Europe future. Ils sont des passeurs de frontières, et dans une Europe qui se voudrait sans barrières, certains Etats veulent aujourd'hui restreindre la circulation des citoyens roms ».
Ce discours peut-il être entendu, aujourd'hui ?
« L'Union européenne a porté son attention sur la situation des Roms à partir de 1984, et son activité s'est intensifiée lors de la candidature d'Etats d'Europe centrale, essentiellement avec la mise en place de grands programmes d'aide financière qu'il faudrait aujourd'hui évaluer et coordonner, car on a l'impression qu'on navigue à vue, sans vision à moyen et long termes, et seulement en réaction à des événements auxquels il faut faire face à un moment donné. »
Pour Caroline Fourest , « La gauche dite angélique, celle qui voudrait ne jamais aborder les sujets qui fâchent, croit avoir trouvé la solution au Front national : ne jamais défendre la laïcité ou prétendre qu'il n'y a dans ce pays aucun problème, ni d'intégrisme ni de voisinage entre des modes de vie nomade et sédentaire. Ce déni fait pourtant le jeu du pire. Ce qui ne veut absolument pas dire qu'il faut céder à la surenchère et se laisser piéger par les mots du Front national. Dans un monde idéal, la gauche doit s'emparer à bras-le-corps des sujets qui fâchent, sans jamais céder à un vocabulaire essentialisant laissant croire qu'il existe des réponses xénophobes et non républicaines. En faisant la pédagogie de la complexité : combattre à la fois l'intégrisme et le racisme, qu'il soit anti-musulmans ou anti-roms. Pendant ce temps, toujours dans un monde idéal, la droite se garderait de souffler sur les braises de thèmes qui peuvent mal tourner. Mais c'est un monde idéal. Nous vivons dans un monde bien réel, où la gauche angélique croit devoir se taire, où la gauche réaliste ne surveille pas toujours son langage, et où la droite a mis au centre tous les thèmes du FN. »
Quant à moi, ayant bossé dans le social une vingtaine d'années, j'ai pu constater la surreprésentation dans les cassoces de Roms français appelés, selon un néologisme administratif pudique "gens du voyage" même lorsqu'ils sont à 3/4 sédentarisés : ça devrait donner une petite idée de la difficulté qu'il y aura très probablement à « intégrer » les Roms balkaniques qui, eux, viennent d'arriver, et à la condition que ceux-là le souhaitent vraiment , ce qui n'est pas assuré, tant s'en faut. Lors de son discours de Grenoble, notre Gesticulateur Précoce Sarko, avait fait un amalgame un peu grossier des deux populations, puisqu'il est parti de dégâts faits dans un village par des "gens du voyage" bien de chez nous pour mettre au pilori les Roms en général, qui, eux, ne se font remarquer que lorsque l'intérêt l'a au moins justifié. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas sûr que dans quelques temps les Français en général ne feront pas un amalgame des deux populations, attribuant les belles caravanes de certains des uns aux autres, et en en tirant des conclusions hâtives ne pouvant que déboucher sur les pires imbécillités. Quand je dis "dans quelque temps", je suis sympa : c'est d'ores et déjà le cas ! A cet égard, je ne suis pas sûr non plus que le regard iréniste, candide et paternaliste sur les Roms des Balkans soit plus favorable à " l'intégration " des Roms que les amalgames méprisants à leur encontre. On ne fait de bonne politique que basée sur des réalités. Je sais bien que sur Arte, il y a une émission d'une aveugle qui fait du tourisme, et se fait guide touristique, mais de là à choisir de s'aveugler délibérément...

P. S. :
Presque deux ans plus tard....
