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Billet de blog 6 février 2012

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LE GRAND DOSSIER DE L'ULTRALIBERALISME, VII, Le Royaume-Uni : Tony Blair, seconde partie

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Certes, le financement de la santé s'est accru avec Tony Blair, mais primo, la situation laissée par Thatcher et Major était désastreuse et secundo, de nombreux points noirs demeurent. La marchandisation des services continue d'être en oeuvre et Jeremy Corbin, député dissident du Labour, se lamente que l'Etat ait "calqué les prestations et les méthodes du secteur public sur celles du privé, avec le souci de la rentabilité. C’est la fin du principe travailliste selon lequel les services sont rendus en fonction des besoins de gens, et non pour tirer profit d’eux ".
source : http://hussonet.free.fr/gadreyblair.pdf

Le gouvernement travailliste de Tony Blair se lance dès l'année 2000 dans une grande réforme du National Health Service, (NHS), du jamais vu depuis sa création en 1948 : Un plan sur 10 ans et pour un montant de 19 milliards de livres (29 milliards d'euros), destiné principalement à réduire les délais d'attente dans les hôpitaux et accroître la confiance des usagers dans leur système de soins spécialisés.

Pour quel résultat ?


1997 - 2000


Le livre blanc de la santé de 1997 s'appelle The New NHS : Modern, Dependable (Le nouveau NHS : Moderne, Fiable). Il s'engage à défendre l'équité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, mis à mal par les mécanismes concurrentiels dans les années 90, nous dit l'Observatoire de la Société Britannique, qui précise qu'en réalité, "les Néo-Travaillistes se contentent d’abolir les aspects les plus commerciaux du quasi-marché, notamment le programme de cabinets de généralistes gestionnaires (GP fundholders), qui avait entraîné des inégalités entre les patients en fonction du statut de leur médecin traitant.Des regroupements de cabinets médicaux (Primary Care Groups) sont mis en place et les contrats commerciaux sont remplacés par des accords de service de longue durée (healthcare agreements) entre les Primary Care Groups et les hôpitaux. À tous les niveaux du système de santé, l’accent est mis sur la coopération entre les différentes instances. (...) Le livre blanc annonce aussi une modernisation de la régulation du système de santé, qui doit permettre de restaurer sa dimension nationale et d’améliorer la qualité des soins. Dans ce dessein, il est prévu de créer deux instances régulatrices nationales, l’une chargée de l’inspection des établissements, la Commission for Health Improvement (CHI) et l’autre de l’évaluation du rapport coût/qualité des médicaments et autres traitements, le National Institute for Clinical Excelllence (NICE). L’évaluation de la pratique clinique par les professionnels de santé doit désormais s’inscrire dans la démarche qualité globale (clinical governance) de l’établissement. Par ailleurs, des référentiels de soins nationaux, les National Service Frameworks, doivent être appliqués dans les services dès 1999 afin de guider les personnels médicaux dans les procédures à suivre pour le traitement de diverses pathologies courantes, comme les maladies coronariennes et cardio-vasculaires. Enfin, une nouvelle série d’indicateurs de performance, le Performance Framework, doit être mise en œuvre dans les autorités sanitaires du pays à partir de 1999. (...) L’aspect le plus frappant de cette première période est toutefois la forte dimension rhétorique du projet annoncé, puisque aucun budget supplémentaire n’est prévu pour appliquer immédiatement les mesures du livre blanc. "
extrait de : http://osb.revues.org/883#bodyftn9

Premier bilan :
" Le Figaro du 31/05/2001 Un système de santé en faillite. Alexandrine Bouilhet Le " Royal London Hospital " n'a de royal que le nom, inscrit en lettres d'or sur une façade victorienne. Dominant de ses briques sombres le quartier de Whitechapel le plus pauvre de la capitale, cet hôpital vétuste, surchargé de patients, sous-équipé en matériel et en personnel, illustre à l'extrême la faillite du système de santé britannique. " Je n'ose même plus y envoyer mes patients ", avoue le Dr Sam Everington, médecin généraliste du secteur. " Ils y attrapent en général des infections et me reviennent plus mal en point qu'ils n'étaient ". Une rapide visite au service des urgences, hanté naguère par Jack l' Eventreur, suffit à comprendre pourquoi cet hôpital figure aujourd'hui sur la liste noire des établissements les plus insalubres du pays : petite salle sans air, sièges inconfortables, poubelles dégoulinantes et liquides douteux répandus sur le sol. " Ce n'est pourtant pas le plus grave ", commente un médecin fatigué. Ce qui nous culpabilise, c'est de laisser des patients attendre six ou huit heures avant qu'on puisse les prendre en charge. La nuit, on est en sous-effectif et l'attente est encore pire ". Ici, un des malades du Dr Everington, victime d'un malaise cardiaque, est mort faute d'avoir ni un médecin à temps. Ce cas n'est pas isolé. En Grande-Bretagne, cinq mille personnes meurent chaque année en raison de l'incurie du National Health Service (NHS), le service de santé national, Créé après la guerre par le Labour, fondé sur un système de soins gratuits et accessibles à tous, le NHS ne s'est pas relevé des sévères coupes budgétaires imposées par les tories. En quatre ans de gouvernement, Tony Blair n'est pas parvenu à améliorer la situation. "Cela a même empiré ", déplore le Dr Everington, travailliste depuis toujours. "Blair a continué sur la lancée des tories. Pendant trois ans, il n'a pas un pound dans le NHS. L'état des hôpitaux s'est dégradé ". Comme tous les GP - médecin généraliste -, il se plaint "d une surcharge de travail." Avec mon planning, je ne peux pas consacrer plus de sept minutes par patient. C'est une cadence infernale. Je n'ai pas eu le temps de déjeuner, Comment voulez que à ce rythme, je suive correctement mes malades ?... Les scandales médicaux n'auront jamais autant défrayé la chronique. Le dernier en date concerne un enfant de 10 ans, mort au printemps dernier d'une méningite non diagnostiquée dans un hôpital du nord de Londres. Ses parents vont porter plainte. A Leicester, une enquête a été ouverte à la suite d'erreurs de dépistage sur 14 femmes atteintes d'un cancer de l'utérus. Même scénario à Bristol, où, d'après un rapport, 90 bébés seraient morts à la suite d'erreurs opératoires. En un an, les poursuites en responsabilité médicale ont augmenté de 50 %. La facture de cette négligence s'élève aujourd'hui à 40 milliards de francs. Cela devient absurde note un fonctionnaire du ministère de la Santé. Avec l'argent dépensé par le National Health Service en frais d'avocats et en dommages et intérêts, on aurait pu construire seize hôpitaux ! L'accumulation de faits divers sordides a porté un coup fatal à la réputation des médecins britanniques. Les étudiants boudent la profession et les praticiens veulent prendre leur retraite de plus en plus tôt. La crise du recrutement est telle qu'il faut débaucher des spécialistes à l'étranger, en Allemagne et en Espagne notamment. Même situation chez les infirmières, découragées par les bas salaires et les mauvaises conditions de travail. " Ce qui est inadmissible, c'est qu'on est obligé de faire appel à des Philippines, des Indiennes et des Nigérianes, alors qu'elles seraient plus utiles dans leur propre pays ", déplore-t-on au Royal College of Nursing de Londres. Cette pénurie de personnel engendre des listes d'attente insensées pour les patients. Même à Londres, il faut compter en moyenne 18 mois pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste... si on est encore en vie. Des milliers de personnes meurent chaque année faute d'avoir été soignées à temps. Pour le quatrième pays le plus riche du monde, c'est criminel ! ", accuse Mike Stone, président de l'association des patients britanniques. Il faut parfois attendre jusqu'à trois ans pour se faire remplacer une hanche et cinq mois pour un pontage cardiaque. " Il y a toujours la solution du secteur privé, mais c'est extrêmement cher ", ajoute Mike Stone. Seuls 10 % des Britanniques ont recours à une assurance privée. " C'est souvent plus économique d'aller à l'étranqer, en France ou en Belgique. Je connais même des malades qui vont jusqu'en Inde pour une opération de la cataracte ! La santé et l'avenir du NHS sont au coeur de la bataille électorale. Il y a quatre ans, en arrivant à Downing Street, Tony Blair s'était engagé à réduire de 100 000 le nombre de malades inscrits sur les listes d'attente, en engageant 20 000 infirmières et 10 000 médecins. Cette promesse n'a pas été tenue. " Après les dégâts laissés par les tories, on comptait beaucoup sur le Labour pour nous sortir de l' impasse. On a été très déçus ", regrette le Dr Hamish Meldrum, vice-président de la puissante British Medical Association. (BMA). Grande-Bretagne reste le pays le plus avare d'Europe pour ses dépenses de santé. " Tant que le gouvernement ne se décidera pas à investir massivement, ou à rénover de fond en comble le système, on ne s' en sortir pas. Un an après avoir lancé son plan national pour la santé, avec 20 milliards de francs injectés dans le NHS, le Premier ministre prétend qu'il a déjà réduit les listes d'attente de 3% en un an. Ses adversaires l'accusent de manipuler les chiffres, " Le nombre de patients inscrits sur les listes a légèrement baissé, c'est vrai mais le temps d'attente pour voir un spécialiste s'allongé ". explique-t-on au siège de la BMA. La dernière plaisanterie qui circule dans les milieux hospitaliers n'est pas très flatteuse pour le bilan du gouvernement. " Quelle est la différence entre Tony Blair et le Dr Shipman, ce médecin psychopathe accusé d'avoir tué 200 de ses patients ? - Le Dr Schipman est le seul qui ait réussi à faire baisser les listes d'attente ! Mis sous pression, Tony Blair a annoncé l'ouverture d'une vingtaine d'hôpitaux spécialisés dans les opérations courantes. Des " usines à opérer ", ironise la presse. " C'est du replâtrage de dernière minute. On va obliger les médecins à faire un travail à la chaîne pour réduire les listes d'attente et la qualité des soins va encore s'en ressentir ", explique un chirurgien du centre de Londres. "

La vraie solution est financière : elle consisterait soit à augmenter les impôts, ce que Blair refuse de faire, soit à renoncer à la gratuité totale des soins. " Une mesure trop impopulaire, qui remettrait en cause des fondements mêmes du NHS, auquel les Britanniques demeurent viscéralement attachés. Pour financer son plan de santé, sans mettre en péril l'économie du pays, le Labour a préféré opter pour la " troisième voie ", celle de la semi-privatisation. Il propose de faire appel à des capitaux privés pour la construction et la gestion des hôpitaux, tout en laissant les soins sous contrôle de l'Etat. Alors qu'il s'y était toujours refusé, Tony Blair n'a pas hésité à signer un accord avec le secteur privé pour transférer certains malades en clinique en cas de pénurie de lits dans le public. Ce glissement de politique inquiète certains professionnels. " C'est le début du démantèlement du NHS ", déplore Christine Hancock, secrétaire général du Royal College of Nursing, " D ici à dix ans, les patients devront payer pour les soins, c'est regrettable mais inévitable."
source : http://www.anapat.be/old/ppm/ppm0109.htm
2000 - 2007


En 2000, les Travaillistes passent à la vitesse supérieure. Second livre blanc, The NHS Plan : A Plan for Investment, a Plan for Reform, qui reconnaît l'infériorité du NHS par rapport à d' autres systèmes de pays développés, en termes d'infrastructure, d'effectifs et de taux de survie. Et cette fois, un paquet d'argent va être mis en oeuvre. Du début à la fin du mandat de Blair, le budget du NHS passera de 35 milliards de livres à plus de 90 milliards. Le livre blanc prévoit de financer 7000 lits hospitaliers supplémentaires, 36000 postes de médecin et une centaine de nouveaux hôpitaux. La nouvelle politique de santé sera très centralisatrice, très régulée, pour apporter dit-on à l'Etat, au contribuable des preuves de la valeur de leur investissement (good value for money). Le plan prévoit ainsi toutes sortes d’outils managériaux pourvus d'indicateurs de performance sophistiqués, qui seront renforcés après la troisième victoire électorale des travaillistes, en 2005. Parmi ces principaux outils : - Une multiplicité de cibles (targets) fixées par le Ministère de la Santé, en tout une centaine d'indicateurs de bonne ou de mauvaise gestion des activités, en particulier les listes d'attente dans les hôpitaux ou les délais d'attente des urgences, avec un objectif de six mois pour une opération programmée et quatre heures aux urgences pour 2004. - Un palmarès des établissements hospitaliers (league tables), inspectés et classés par l'Agence Nationale d'Inspection (Commission for Health Improvement) - Un contrôle et accru des médecins et autres soignants et des mesures disciplinaires qui accompagnent leurs manquements. - Un système de conccurrence entre les acteurs de santé sont instaurés, à base d'incitations et de sanctions, en d'autres mots la carotte et le bâton. Aux bons élèves des allègements de surveillance et des hausses budgétaires, aux autres des pénalisations financières et un contrôle accru. En corrolaire, on trouvera un système de salaire au mérite pour les cadres hospitaliers.


Tony Blair s'inspire ainsi des méthodes de management inventées par Peter Drucker (1909-2005) appelées MBO Management by Objectives : Management par objectif, que nous appellerons "culture du résultat". Le directeur ou le patron donne un objectif de croissance chiffré à atteindre à chacun de ses services, dont les chefs mettront toute en oeuvre à les appliquer en faisant pression sur les employés. Parmi les premiers détracteurs de ces méthodes, W.E.Deming (1900-1993) dénonce de nombreux désavantages de ce système : manque de constance, culte des profits à court terme, prédominance de la performance à court terme, facteurs de malaise social : crainte, amertume, suicides, instabilité du personnel et désorganisation des liens sociaux. Peter Drucker aurait même fini par dénoncer les excès de sa propre méthode.
Par ailleurs, Tony Blair fait entrer la logique de marché dans le système de santé. A l'étalonnage et à la course au satisfecit dont nous venons de parler s'ajoutent d'autres la concurrences entre établissements publics. L'usager choisira entre quatre ou cinq établissements publics ou privés les opération programmées. L'intrusion du privé dans le public n'est pas mince : contrats entre le ministère de la santé et industrie privée avec des contidions très avantageuses pour cette dernière, intensification des financements publics-privés (Public/Private Initiative ou PPI) des nouveaux établissements, etc.


" Associée à des outils d’évaluation de la performance, la logique de marché a encouragé la prolifération de tentatives de « contournement » des cibles ministérielles par des directions hospitalières obnubilées par le classement de leur établissement. La gestion par objectifs chiffrés a même encouragé les cadres à falsifier les statistiques, voire à sacrifier la sécurité des patients, afin d’améliorer la performance officielle de leur établissement. Ces effets pervers sont directement liés au principe de l’évaluation sanctionnante, qui pénalise les établissements en situation d’échec et récompense ceux qui réussissent à atteindre leurs cibles. Dans un contexte de concurrence entre les établissements, ce type d’évaluation a aussi encouragé le développement d’une culture de la dissimulation, tout particulièrement en cas d’incident grave qui risque de nuire au classement et à la réputation de l’établissement. Ces résultats sur le terrain sont en complète contradiction avec les intentions annoncées dans le livre blanc de 1997, qui prévoyaient de développer diverses formes de coopération entre les établissements afin d’améliorer la qualité sur l’ensemble du territoire. Le modèle de « l’hôpital-entreprise » qui se développe à partir du début des années 2000 se traduit aussi par l’interdiction faite aux personnels médicaux et soignants de contacter les médias sans autorisation de leur direction, même en cas de risque sanitaire grave*. En d’autres termes, la loyauté à l’égard de l’institution prime sur la relation thérapeutique entre le médecin (ou le soignant) et son malade. Cette dérive a parfois eu des conséquences désastreuses pour les patients. Dans un groupe hospitalier du sud-est du pays, la direction a choisi de dissimuler à son autorité sanitaire de tutelle la gravité d’une épidémie d’infection nosocomiale afin d’éviter les sanctions**. Dans un autre établissement, la priorité absolue donnée par la direction à la réduction des délais d’attente aux urgences, l’un des principaux objectifs ministériaux, a entraîné le décès d’environ quatre cents patients, principalement en raison de la mauvaise évaluation de leur état de santé par des urgentistes débordés et leur placement dans les mauvais services. Révélées au grand public en 2007 et 2009, ces affaires contribuent à la remise en question du modèle de gestion par objectifs du New Labour et mettent en évidence les défaillances du système d’inspection centralisé, puisque la Healthcare Commission a mis dans les deux cas plusieurs mois avant d’identifier les problèmes de ces établissements et envoyer des inspecteurs sur le terrain.


* Voir par exemple le cas de M. Haywood, qui a non seulement perdu son emploi mais aussi le droit d’exercer son métier d’infirmière parce qu’elle avait filmé les mauvais traitements que subissaient des patients âgés dans l’hôpital où elle travaillait. « Nurse who secretly filmed for Panorama is struck off register », The Guardian, 16 avril 2009. ** Il s’agit du Maidstone and Tunbridge Wells NHS Trust, dans lequel le taux anormalement élevé d’infections nosocomiales de type C. Difficile entre 2005 et 2007 a entraîné le décès d’au moins une centaine de patients. Source : Healthcare Commission, Investigation into outbreaks of Clostridium Difficile at Maidstone and Tunbridge Wells NHS Trust, London : Commission for Healthcare Audit and Inspection, 2007.(...)

"Selon certains analystes, le recours au secteur privé n’est toutefois pas simplement une solution ponctuelle. Il s’inscrit dans le cadre d’un projet plus global qui vise à créer un marché mixte de la santé, constitué d’établissements privés et publics autonomisés, afin de briser le monopole du NHS sur l’offre de soins. L’influence de lobbyistes de l’industrie privée de la santé au sein du ministère de la Santé et duCabinet Office aurait d’ailleurs été déterminante à la « conversion » de Tony Blair et de son entourage aux vertus du secteur privé de la santé*. Selon cette hypothèse, la volonté gouvernementale de créer un marché mixte à tout prix explique le traitement de faveur dont les conglomérats privés ont bénéficié en comparaison avec les établissements du NHS*. Ainsi, les opérateurs privés se sont vus proposer des conditions très avantageuses, comme des contrats de cinq ans et le paiement d’un nombre prédéfini d’opérations, qu’elles soient ou non effectuées. Tout laisse à penser qu’il y a bien une volonté au sommet de l’État de diversifier coûte que coûte le secteur de la santé en augmentant la participation des établissements privés à l’offre de soins. * Pollock, A., 2004, p. 65-67. (...) Par âpreté aux gains, le secteur privé chargé de construire les hôpitaux a privilégié les grandes structures au lieu de se concentrer sur les petites unités spécialisées. L’Angleterre compte par conséquent aujourd’hui trop d’hôpitaux mal calibrés et sous-utilisés. Les critiques se concentrent notamment sur le caractère surdimensionné de certains ouvrages qui contrevient, qui plus est, à la priorité aujourd’hui donnée aux soins de proximité. (...) On a aussi pu constater une baisse du nombre de lits dans tous les hôpitaux publics rénovés par le système de la « PFI* ». Un groupe d’experts et « l’Association médicale britannique » considèrent que la « PFI » a entraîné une réduction substantielle du volume de soin et du personnel médical."

http://osb.revues.org/883

* PFI : Private Finance Initiative (NDE) source : Observatoire de la santé brittanique

"En juillet 2004, la radio de la BBC révélait l'existence, très secrète, d'un marché financier secondaire des PPP*, où écoles et hôpitaux se négocient comme le blé ou les métaux précieux! Un marché lucratif, où les investisseurs désireux de se départir de leur participation obtiendraient entre deux et trois fois leur mise, selon le vérificateur général. Au Darent Valley Hospital, à Dartford, Carillon a ainsi réalisé près de 28 millions de dollars de bénéfices en vendant sa part. Certains se constituent de cette façon d'imposants portefeuilles spécialisés en PPP d'hôpitaux et d'écoles. Par exemple, Innisfree vient d'acheter un lot de 21 écoles pour la somme de 188 millions de dollars... Même à ce prix, les nouveaux investisseurs obtiennent, avec les redevances qu'ils touchent, des rendements de 11% à 13% par année, sans risques - les contrats étant garantis par l'État -, soit de quatre à cinq fois plus qu'avec les bons du Trésor! Mais les promoteurs ne sont pas les seuls à profiter de l'industrie des PPP. Les frais de négociations font la fortune des cabinets de comptables, d'avocats et autres consultants. Les contrats couvrant de longues périodes, il faut en effet préciser chaque détail (le nombre de vis, de poutres, de fenêtres, etc.). Certaines négociations ont duré jusqu'à trois ans! "On est en train de garnir les poches de ces entreprises", dit Margie Jaffe, du syndicat Unison. À la Hornsey School, à Haringey, les négos ont coûté plus de 2,4 millions de dollars, soit plus de 10% de la valeur du contrat!"

* PPP : Public-Private Partnership (Partenariat Public-Privé) extrait de : http://droit-inc.com/article3196-Les-vices-caches-des-PPP


Beaucoup de médecins généralistes sont transformés en “gestionnaires de budget”, qui peuvent acquérir des soins pour leurs patients. Les prestataires de soins étant organisés en trusts indépendants, on encourage par là la concurrence et on aggrave les disparités locales. Par ailleurs, ces médecins sont payés par capitation,au nombre de patients, ce qui les poussent à faire du chiffre (10 mn par patient en moyenne) et pénalise la qualité des soins. "Malgré les milliards investis depuis 2001, un « Trust NHS » sur quatre était en déficit en 2006 et s’est trouvé dans l’obligation de procéder à des restructurations draconiennes* pour équilibrer ses comptes. * Comme la fermeture de services, le report de certaines opérations chirurgicales, l’annulation ou le report de consultations."
extrait de : http://www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC4/LageotTXT.pdf


Deuxième bilan :


L'observatoire Britannique de la Santé parle d'un bilan mitigé en avançant en premier lieu "les progrès accomplis sur la question du financement et des délais d’attente opératoire". Mais déjà, il convient de revenir sur ces points positifs et de voir ce que représentent les chiffres avantageux en la matière. Premièrement, les sommes investies ont-elles bien été converties en progrès relatifs à la santé ? Les délais d'attente réduits sont-ils corrélés à de meilleurs soins ?


"Malgré un accroissement marqué des ressources allouées à la santé au cours de ces dernières années, le retard n’a toujours pas été comblé par rapport à des pays au niveau de vie similaire, comme la France et l’Allemagne. De 1998 à 2004, le nombre des médecins est passé de 1,9 pour 1 000 habitants à 2,3, ce qui reste inférieur à la moyenne de 3,0 pour l’ensemble de la zone OCDE et loin derrière la France et l’Allemagne, qui comptent 3,4 docteurs pour 1 000 patients. Celui des infirmiers et infirmières pour 1 000 habitants a aussi fortement augmenté de 8,0 en 1998 à 9,2 en 2002.


La demande croissante de personnel pour le service public de santé n’a pas pu être satisfaite sur le marché britannique du travail. Cette tension a provoqué une hausse significative des salaires dans le domaine de la santé : entre 1998 et 2004, les gains horaires des médecins ont progressé à un taux supérieur de 15% à celui des autres professions. Le NHS a procédé à des recrutements de personnel à l’étranger, dans un premier temps essentiellement en provenance des anciennes colonies britanniques puis, plus récemment, en provenance des nouveaux membres de l’Union européenne. En 2004, les deux tiers des médecins récemment inscrits et plus de 40% des infirmières étaient originaires d’un pays étranger. Par ailleurs, l’utilisation des nouvelles technologies est à la traîne par rapport aux autres pays de l’OCDE. Le taux d’équipement en appareils d’imagerie médicale par résonance s’est certes accru mais, à 5 pour 1 million d’habitants, il reste très inférieur à la moyenne de l’OCDE de 8. En plus, le nombre de tomographie scanner était à 7 pour 1 million d’habitants en 2004, moins que la moitié de la moyenne de la zone OCDE.


L’insuffisance des investissements en équipements de pointe peut être reliée à la politique de fixation des priorités par les autorités sanitaires. Dans son programme électoral de 1997, le parti travailliste avait promis de réduire les listes d’attente de 100.000 personnes à l’horizon 2001. Aussi, l’attention des media s’est concentrée sur cet aspect particulier du fonctionnement du NSH, laissant de côté la question du bien-être des patients. Il est devenu évident que la concentration sur la réduction des listes d’attente a donné lieu à des distorsions dans la fixation des priorités cliniques. Ainsi, les médecins se sont concentrés sur les interventions les plus simples, et, dans certains cas, la santé des patients s’est trouvée affectée par l’absence de suivi post-opératoire."
source : http://research.bnpparibas.com/applis/www/RechEco.nsf/ConjonctureByDateFR/ 8E4615FAEDF51A37C125730E0047138F/$File/C0707_F3.pdf?OpenElement"
" Tony Blair est un juriste n’ayant aucune expérience du monde des affaires, mais il est séduit par le management à l’américaine. Or qui ne connaît pas le MBO dans les entreprises anglaises ? Le NHS (système de santé britannique) sera dirigé suivant cette méthode ; Tony Blair l’appliquera pendant dix ans avec un zèle de néophyte, un acharnement imbécile, sans en voir les dégâts. Pas moins de 272 000 nouveaux employés ont été recrutés par le NHS entre 1997 et 2004, soit une augmentation de 18 %. Les Anglais auraient pu s’en réjouir s’il s’agissait de médecins et d’infirmières, mais c’étaient principalement de gestionnaires affectés aux services administratifs, catégorie dont les effectifs ont augmenté de 41 % pendant la même période.

Cette inflation de gestionnaires est due à l’obsession de Tony Blair d’atteindre des objectifs chiffrés, des targets, des cibles, obsession largement partagée par Nicolas Sarkozy. Le temps d’attente des patients dans un service est l’une des cibles favorites des gestionnaires des hôpitaux. Les demandes de rendez-vous des patients, les actes des médecins, les ordonnances et les résultats d’examens médicaux sont tous enregistrés et analysés sur ordinateur pour aboutir à des indices de performance suivant lesquels les hôpitaux sont classés. Les premiers sont récompensés par une augmentation de leur budget. Dans un tel système, la seule préoccupation des gestionnaires est d’avoir une bonne note, et pour cela ils n’hésitent pas à tricher. Un scandale fut tout près d’éclater en 2001 quand un rapport officiel révéla que neuf hôpitaux réputés avaient éliminé six mille patients de leurs listes d’attente grâce à d’ingénieuses subtilités. L’un d’eux par exemple avait demandé à ses patients de lui communiquer les dates auxquelles ils pensaient partir en vacances, puis leur avait fixé des rendez-vous pendant cette période. Incapables d’accepter la date proposée, ces patients avaient été rayés de la liste d’attente. Le personnel administratif n’est pas le seul à remplir des formulaires ; il est aidé par le personnel soignant. Une étude publiée en 2005 par le ministère de la Santé révèle que 40 % du temps de travail des infirmiers et infirmières est occupé par des tâches administratives. Ceux-ci se plaignent de ne pas pouvoir donner aux patients tous les soins nécessaires, mais ils remplissent consciencieusement des formulaires afin de pouvoir se défendre en cas d’incident. La procédure d’admission à l’hôpital prend jusqu’à une heure, ce qui donne « des hôpitaux dans lesquels le personnel soi-disant soignant demeurera aussi longtemps assis devant un écran d’ordinateur qu’au chevet d’un malade », comme le dit fort joliment Philippe Auclair. C’est l’une des pires conséquences de la culture du résultat."


source : Jean-Marie Gogue, président de l'Association Française Edwards Deming http://blogs.mediapart.fr/blog/sebcrac/040109/le-mbo-ou-la-culture-du-resultat-selon-sarkozy

Nous laisserons le dernier mot à l'ONS (Office for National Statistics), selon lequel "la productivité de la NHS (coût de fonctionnement/soin) à baissé de 0,75% à 1,35% chaque année depuis 1997. Le New Labour a augmenté le budget du NHS de 265% (sans avoir pourtant atteint encore les montants dépensé sur le continent) et pourtant les résultats sont pires que sous les Tories."
http://vonric.blogexpat.com/blog/coup-de-coeur/2006/10/29/jai-lu-le-royaume-enchante-de-tony-blair-de-philippe-auclair

ÉDUCATION


A la fin du mandat de Blair, L’Etat réservait 5,6 % du PIB pour l’éducation, qu'il faut comparer aux 4,9 % des débuts d'investiture. Ces budgets ont permis, par exemple, d'embaucher 35 000 enseignants supplémentaires (+ 9 %) et de faire diminuer le nombre d’élèves par classe, dont 28 % des comptaient plus de 30 élèves en 1997, contre 12 % en 2007. Alors que 15 % de jeunes de 15 à 21 ans étaient alors considérés ilettrés, David Blunkett, ministre de l'éducation du premier gouvernement Blair, introduit au primaire une heure quotidienne d'alphabétisation (literacy hour) dans toutes les écoles primaires d'Angleterre (l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord ont leurs propres systèmes). En août 2005, 79 % des élèves âgés de 11 ans auraient atteint le niveau requis, soit 14 % de mieux qu'en 1998. En calcul, le progrès est de 16 %. Il n'en reste pas moins que l'éducation n'aura pas non plus échappé aux credos ultralibéraux de faire entrer tous les domaines d'activité dans le monde marchand, ou encore d'y introduire la contrainte et la coercition au nom du pacte No Rights without Responsibilities que nous avons évoqué au début de cet article.Pendant longtemps, le système publique d'éducation était en friche et les régions les plus pauvres connaissaient un absentéisme scolaire endémique, autour de 8 millions de jours d'école par an !"Environ 500.000 enfants britanniques scolarisés travaillent illégalement, selon une étude publiée mercredi par la principale organisation syndicale du pays, le Trade Union Congress.Différentes études ont évalué à environ 2 millions le nombre total des enfants occupant un emploi occasionnel en Grande-Bretagne, où l'âge limite pour commencer à travailler est de 13 ans."

source : http://ecolesdifferentes.free.fr/thatcherisme.html

                                                          2004

                        35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire

Un enfant sur trois ne sait pas lire à la sortie de l’école primaire (11 ans). Tel est le résultat d’une étude commandée par l’Ofsted (Office for standards in Education) menée auprès de 2235 écoles britanniques comptant 350 000 enfants.


Pourtant, le gendarme Blunkett avait sévi. On avait exclu temporairement 150 000 élèves, 13000 définitivement pour 1998 seulement. Augmenté significativement les amendes des parents défaillants, 3500 euros pour une personne seule, 7000 pour un couple, ce qui avait généré 9000 convocations par an au tribunal pour 80 % de parents qui ne payaient pas. Cet arsenal avait été complété par des séminaires d'éducation, de l'emprisonnement, et parfois, des couvre-feux pour les enfants de moins de 10 ans. Tout cela avec un résultat nul ou négatif. Beaucoup d'enfants sortent du système scolaire sans avenir.

D'autre part, la privatisation rampante depuis Margareth Thatcher continue de se développer : "Au risque de braquer le Labour, le premier ministre n'a eu de cesse d'introduire une culture du résultat et de permettre aux parents de choisir - c'est-à-dire d'abandonner les établissements les moins bons. Dans le primaire et à l'université*, les améliorations sont patentes. Dans le secondaire, l'inégalité face à l'éducation reste la règle. Incapables d'accéder aux écoles privées, les classes moyennes usent de tous les subterfuges pour éviter à leurs enfants le cycle de l'échec. Tony Blair est allé très loin dans la réforme. Pour ressusciter l'enseignement technique, les académies ouvrent leur gestion à des entreprises privées et à des mécènes. Quasi-record de l'OCDE, 13 % d'adolescents britanniques quittent toute éducation dès l'âge de 16 ans."

* Notons tout de même que les frais d'inscription peuvent aller jusqu'à 4500 euros ! (NDE)

extrait de : http://www.lefigaro.fr/international/20070502.FIG000000193_tony_blair_laisse_un_pays_transforme.html

"Comment aider les établissements scolaires à obtenir de meilleurs résultats ? Pour le premier ministre britannique, Tony Blair, il faut faire appel plus largement à l’« énergie » des entreprises et à leur « expérience » du marché... Le 15 mars, les députés ont adopté une nouvelle loi sur l’éducation autorisant des fondations, créées par des entreprises, mais aussi des parents d’élèves, des Eglises, voire des écoles existantes, à gérer des établissements scolaires publics, devenues trust schools, et à contrôler leur recrutement. De même, la loi prévoit que les écoles publiques qui n’obtiennent pas de résultats suffisants peuvent être tout simplement fermées ou reprises dans le cadre d’une « fusion-acquisition » par un établissement qui obtient de meilleurs résultats. Ainsi, explique Mike Baker, spécialiste de l’éducation à la BBC, « l’objectif est d’obliger les conseils locaux [qui gèrent les établissements] à confier leurs “mauvaises écoles” aux plus performantes, voire à les confier à des partenaires ».

Pour Tony Blair, « les écoles auront la liberté, de droit, de devenir autonomes, elles pourront posséder leurs actifs, gérer leur personnel, développer de façon indépendante leur culture » et ainsi attirer plus facilement des élèves. En effet, l’Angleterre a supprimé la sectorisation scolaire au début des années 1980 et les trust schools doivent avant tout permettre d’améliorer le « choix des parents » en renforçant la concurrence. Pour les syndicats, cette réforme va surtout renforcer la sélection des élèves, même si les écoles doivent appliquer un « code de bonne conduite » requis par la loi et vérifié par des inspecteurs. Les trust schools pourraient aussi « renforcer la ségrégation sociale et ethnique » du système éducatif, estime Steve Sinnot, secrétaire général du NUT, première fédération de l’éducation anglaise. Pour le moment, note Sandra McNally, directrice du Centre for Economic Performance de la London School of Economics, « rares sont les écoles prêtes à prendre ce statut, car rien n’indique que la mesure soit efficace pour améliorer le système ». La représentante d’ATL, un syndicat d’enseignants, assure même que « ce statut est la solution à un problème qui n’existe pas ».

Reste qu’en adoptant les trust schools, Tony Blair montre qu’il fait confiance au privé, car ce programme rappelle celui des « City Academies ». Depuis 2002, le gouvernement travailliste encourage des hommes d’affaires ou des entreprises à investir 3 millions d’euros dans la réhabilitation d’établissements publics implantés dans des quartiers déshérités et en échec scolaire chronique. Le gouvernement s’engage pour sa part à investir 37,5 millions d’euros pour les travaux et à couvrir les frais de fonctionnement de ces écoles modèles. Vingt-sept académies fonctionnent déjà et le gouvernement a prévu d’investir 7,5 milliards d’euros pour en créer 200 d’ici à 2010. En recourant aux entreprises, Tony Blair est de plus en plus accusé de « privatiser l’éducation »." extrait de : http://www.lalettredeleducation.fr/Pour-moderniser-l-ecole-anglaise.html

TRANSPORTS


"Les subventions publiques au secteur du rail ont doublé en pourcentage du PIB entre 1999/2000
et 2003/2004, principalement du fait d’un programme de réparations d’urgence après la catastrophe d’Hatfield.
En dépit de la forte hausse des dépenses en investissement, la satisfaction des utilisateurs recule.
Selon la dernière enquête nationale National Passenger Survey de juin 2007, la satisfaction globale des
passagers a diminué pour la première fois depuis trois ans, perdant 2 points de pourcentage, à 79 %. En outre, seuls deux passagers sur cinq jugent que le train présente un bon rapport qualité/prix, un taux qui n’avait jamais été aussi faible"

source : http://research.bnpparibas.com/applis/www/RechEco.nsf/ConjonctureByDateFR/8E4615FAEDF51A37C125730E0047138F/ $File/C0707_F3.pdf?OpenElement

Lutte Ouvrière n°1630 du 8 octobre 1999

Grande-Bretagne Les causes de l'accident de Paddington :

La rapacité du capital et l'incurie des gouvernants Vingt-six morts et au moins 160 blessés - tel est le bilan provisoire de l'accident de chemin de fer qui s'est produit le 5 octobre, juste après 7 heures du matin, en plein Londres. Deux trains de banlieue roulant à faible vitesse aux abords de la gare de Paddington se sont heurtés de plein fouet. Des wagons ont versé, produisant des courts-circuits qui ont mis le feu à une partie des rames. La première réaction des autorités a été de se couvrir. Le premier ministre travailliste Tony Blair a aussitôt annoncé une « commission d'enquête » tandis que la police des transports arrêtait le conducteur de l'un des deux trains à défaut de pouvoir arrêter les deux - le deuxième comptant parmi les victimes. Une répétition Lamentable dérision. Il y a tout juste deux ans, le 19 septembre 1997, un autre accident avait fait sept morts et 150 blessés. Il s'était produit à Southall, à quelques kilomètres de là, sur la même ligne et dans des conditions similaires. Là aussi on avait mis en place une « commission d'enquête » et un conducteur avait été écroué. Mais aujourd'hui, cette « commission » n'a toujours pas rendu ses conclusions. En revanche les tribunaux ont relaxé la compagnie privée qui exploite la ligne sous prétexte qu'aucun de ses dirigeants ne pouvait être tenu personnellement pour responsable de l'accident. Quant au conducteur à qui on avait essayé de faire jouer le rôle du lampiste, il a finalement été relaxé, heureusement ! Et pourtant, la compagnie en question, Great Western Railways, avait été reconnue coupable de manquements criminels aux règles de sécurité. On avait ainsi appris qu'elle avait donné la consigne de laisser rouler les trains même lorsque le dispositif d'avertissement sonore en cas de passage d'un signal au rouge ne fonctionnait pas. Or c'était précisément un passage de signal au rouge, doublé d'une panne dans le système d'aiguillage, qui était la cause du drame de Southall. Great Western Railways fut bien condamné à une amende de 15 millions de francs par l'inspection de la sécurité. Mais qu'est-ce que 15 millions de francs pour cette compagnie ? A peine 1 % de la subvention annuelle qu'elle reçoit de l'Etat !

Le coût de la privatisation

En fait, depuis la privatisation des chemins de fer britanniques en 1996, c'est le quatrième accident grave. Dès l'année qui suivit la privatisation, la seule pour laquelle des statistiques d'ensemble ont été publiées, le nombre de morts par accident à doublé dans les chemins de fer - les travailleurs faisant l'essentiel de l'augmentation. La multitude de compagnies privées qui se sont partagé l'ancien réseau d'Etat - sous forme de franchise pour le trafic voyageur, mais en toute propriété pour les autres secteurs du réseau - se livrent à une rivalité de plus en plus vorace pour gonfler leurs bénéfices. Aussi le trafic a-t-il augmenté aux heures de pointe sur certaines voies (alors que,inversement,il est devenu souvent impossible d'avoir un train tard le soir) au fur et à mesure que les compagnies cherchaient à en concurrencer d'autres sur leur propre territoire. De sorte que certaines parties du réseau, en particulier autour de Londres, sont aujourd'hui complètement engorgées. Railtrack, la société devenue propriétaire des voies et responsable de leur entretien, figure aujourd'hui parmi les cent plus grosses entreprises britanniques. Et comme telle elle multiplie les cadeaux aux actionnaires sous forme de dividendes exceptionnels de façon à faire monter le cours de ses actions en Bourse. Elle y a d'ailleurs très bien réussi puisque, parmi les grandes entreprises cotées en Bourse, elle a battu tous les records avec près de 400 % d'augmentation en deux ans. Mais le prix de cela, c'est la dégradation de plus en plus marquée du réseau. C'est ainsi que,depuis la privatisation,la « durée de vie » officielle des voies est passée de 50 à 80 ou 100 ans suivant les lignes. Lorsqu'une faille est repérée dans le métal des rails (si elle l'est, ce qui n'est pas toujours le cas tant les inspections sont espacées) on se borne à limiter la vitesse des trains, ce qui aggrave encore l'engorgement. Quant à la signalisation qui relève aussi de Railtrack, elle a subi le même sort. Les systèmes de sécurité n'ont pas été modernisés. Aucun des systèmes de blocage automatique des freins en cas de passage d'un signal au rouge n'a été mis en place. On parle tout au plus de 2004 pour l'introduction d'un tel système, et encore seulement sur les grandes lignes. Et le rôle des gouvernants Mais il faut dire que si les compagnies privées font ainsi étalage de rapacité criminelle, elles ne font que suivre, en l'aggravant, l'exemple d'incurie non moins criminelle donné pendant des décennies par les gouvernements successifs. Il faut rappeler, par exemple, que de 1993 à 1995, dans la préparation de la privatisation, le gouvernement conservateur d'alors supprima plus de 24 000 emplois d'exécution, soit 20 % du total, dont une grande partie dans des secteurs vitaux pour la sécurité. Il faut aussi rappeler que c'est l'Etat, toujours sous les conservateurs, qui avait choisi d'ignorer les recommandations de la commission d'enquête sur l'accident de Clapham (qui avait fait 35 morts en 1988) : sous prétexte que cela coûtait trop cher, il avait été décidé de ne pas mettre en place le système de sécurité ATP qui aurait pourtant permis d'éviter l'accident de Clapham, mais aussi probablement celui de Southall et celui du 5 octobre à Paddington.

Quant aux travaillistes, ils ont beau jeu de se couvrir en disant qu'ils ont hérité d'une situation de fait. Mais il faut dire qu'ils n'ont rien fait pour y changer quoi que soit. Dès 1997, ils ont renoncé à leur promesse de renationaliser les chemins de fer. Et depuis qu'ils sont arrivés au pouvoir, ils se sont contentés de faire de la morale aux patrons des chemins de fer, en agitant des menaces d'amendes dérisoires et de toute façon jamais exécutées. Et ce faisant ils se sont faits les complices du capital assassin. François ROULEAU"
extrait de : http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=1630&id=21

Journal Libération

Mercredi 13 juillet 2011

"Railtrack, le chemin de croix

Six ans de privatisation se soldent par un échec total. BOLTANSKI Christophe (..) Son PDG, Gerald Corbett, doit démissionner. A la fin de son année fiscale, Railtrack affiche 534 millions de livres (831 millions d'euros) de pertes avant impôts. Alors que les caisses sont vides, elle continue de distribuer des dividendes à ses actionnaires (124 millions de livres). Elle est dans l'incapacité de mener le très ambitieux programme d'investissement décennal fixé par le gouvernement. Son action dégringole sous son cours d'introduction. En octobre 2001, le ministre des Transports refuse de lui accorder une autre rallonge. Une façon de siffler la fin de la partie. Avec 3,3 milliards de livres (5,3 milliards d'euros) de dettes, Railtrack est déclarée «insolvable» et placée sous administration judiciaire. Quelque mois plus tard, le gouvernement fait son mea culpa. «Nous avons les pires chemins de fer en Europe. Nous avons commencé à investir dans les transports trop tard», admet en janvier Peter Hain, le ministre aux Affaires européennes. Prix élevés. Le Royaume-Uni, pionnier du rail au XIXe siècle, détient certainement le triste record du réseau le plus lent, le plus onéreux et le plus dangereux de l'Union européenne. Il ne possède aucun train à grande vitesse et ses 39 millions de passagers annuels payent en moyenne 60 % plus cher leurs billets que leurs voisins français. Aide d'Etat. Le successeur de Railtrack, Network Rail, va recevoir de l'Etat une enveloppe financière de 37,5 milliards d'euros, principalement sous forme de prêts et de garanties de solvabilité. Mais, même avec une pareille somme, il n'est pas sûr que le gouvernement de Tony Blair réussisse avant la fin de son mandat à améliorer sensiblement l'état des chemins de fer. Le nombre de passagers est en baisse. Un tiers des compagnies de train affichent des pertes. Il faudra beaucoup de temps et d'argent pour compenser des années de sous-investissement."
extrait de : http://www.liberation.fr/economie/0101419867-railtrack-le-chemin-de-croix

PRIVATISATIONS

Grande-Bretagne : le contrôle aérien et les privatisations travaillistes
 
On pourrait penser que le scandale causé depuis plusieurs années déjà par les conséquences de la privatisation des chemins de fer aurait conduit le gouvernement travailliste de Tony Blair à renoncer à toute mesure de privatisation. Eh bien, pas du tout. Début avril, le contrôle aérien britannique - organisation vitale pour la sécurité du public s'il en est - a été en effet privatisé après une série de tentatives ratées.
 
En fait, dans la dernière ligne droite précédant les élections législatives anticipées attendues pour le 7 juin, le gouvernement Blair a mis les bouchées doubles pour démontrer sa détermination de mener à terme le programme de privatisations lancé par les conservateurs dans les années 1980, et même d'aller bien au-delà de ce que ceux-ci avaient osé envisager, au moins publiquement.
Blair poursuit le programme de Thatcher
 
Car les prédécesseurs de Blair avaient laissé quelques fleurons dans l'escarcelle étatique : Royal Mint (qui produit billets et pièces de monnaie), le Tote (équivalent du pari mutuel), BNFL (entreprise constituée autour de l'usine d'enrichissement nucléaire de Sellafield et des huit plus vieilles centrales nucléaires du pays, après que les centrales plus récentes avaient été privatisées), NATS (le contrôle aérien), la poste et LUL (le métro londonien).
 
Royal Mint et le Tote ont été privatisés dans l'année qui a suivi le retour au pouvoir des travaillistes. BNFL aurait suivi le même chemin en 1999 si n'avait éclaté le scandale des certificats falsifiés dont BNFL se servait pour couvrir le transfert en Allemagne et au Japon de substances dont le niveau de radioactivité était bien supérieur à celui indiqué. Du coup la privatisation a été repoussée... jusqu'en 2002, le temps de « renouveler » la direction de BNFL (mais à ce jour aucune poursuite n'a pour autant été intentée contre les coupables).
 
Le contrôle aérien a posé de tout autres problèmes à Blair. Sa privatisation n'était pas seulement impopulaire dans l'électorat travailliste mais également dans une grande partie de l'électorat flottant de la petite bourgeoisie, principale utilisatrice des transports aériens. C'est d'ailleurs pour cette raison que les conservateurs, malgré leur admiration proclamée pour Reagan et la défaite qu'il avait infligée aux grévistes du contrôle aérien aux USA, ne l'avaient jamais incluse dans leurs plans. Au contraire, Blair a mis un point d'honneur à donner sa caution au secteur privé en insistant sur la nécessité de cette privatisation. Le seul problème a été de trouver un preneur. Or le seul qui s'est présenté avec quelques garanties financières a été la multinationale de services Serco, dont la réputation de cow-boy sans scrupules n'est plus à faire - dans les chemins de fer entre autres.
 
Finalement, le gouvernement travailliste a dû employer les grands moyens. Début avril a été constituée une société par actions du contrôle aérien dans laquelle l'Etat conserve 49 % des parts, tandis que 5 % vont au personnel et 46 % à un consortium formé par les huit principales compagnies aériennes britanniques. L'opération n'aura rien coûté aux compagnies en question puisque le coût de l'opération se limite pour elles à... la promesse d'investir dix milliards de francs dans le système dans les dix années à venir. Cela ne les engage pas à grand-chose. D'autant moins que la participation de l'Etat garantit qu'en cas de problème, celui-ci sera là pour payer la note. Pour faire passer la pilule, Blair a présenté la nouvelle compagnie privée comme un « partenariat sans but lucratif entre l'Etat et le secteur privé. » Sans but lucratif ? A d'autres ! C'est un langage que des requins du ciel comme British Airways et British Midlands ne connaissent pas !
 
Résistance dans la poste et le métro
 
Restent donc la poste et le métro londonien, dont la privatisation se heurte à l'hostilité quasi unanime de l'opinion publique. Mais qu'importe pour les travaillistes : leur tour de passe-passe consistera, comme dans le cas du contrôle aérien, à ne pas prononcer le mot de privatisation.
Ainsi, depuis le 1er avril, la poste est devenue Consignia PLC, une société par actions de droit privé dont le capital est (pour l'instant) détenu à 100 % par l'Etat. Mais cela fait déjà deux ans qu'un plan de sectorisation en « centres de profit autonomes » est en cours, assez similaire au processus qui, de 1994 à 1996, conduisit à l'éclatement des chemins de fer en une multitude d'entreprises privatisées.
 
Pour ce qui est du métro londonien, les choses se sont révélées plus compliquées. Le plan adopté par le gouvernement Blair consiste à conserver dans le cadre de LUL la propriété de l'infrastructure et du matériel roulant ainsi que la responsabilité du trafic voyageurs. En revanche, trois concessionnaires privés se verraient attribuer pour trente ans la maintenance et le renouvellement des voies et de la signalisation - moyennant rétribution pour leurs services par LUL et une subvention annuelle de 9 milliards de francs.
Mais ni les travailleurs du métro ni ceux de la poste ne sont dupes de ces privatisations tordues qui ne veulent pas dire leur nom.
 
Dans le métro, le délabrement est indescriptible, au point, par exemple, que les électriciens de maintenance ont pour consigne de ne pas toucher à certains circuits de signalisation de peur de provoquer une panne générale susceptible de paralyser le réseau pour une durée indéterminée. De là à craindre que les plans de Blair ne finissent en catastrophe analogue aux chemins de fer, il n'y a pas loin. Et c'est en particulier pourquoi le métro a déjà été totalement paralysé par deux grèves de 24 heures depuis le début de l'année, malgré les réticences évidentes des syndicats à organiser quoi que ce soit. Quant aux postiers, eux aussi s'opposent au processus de privatisation, par d'innombrables grèves sauvages (car les directions syndicales, elles, sont pour la privatisation) qui se multiplient dans tout le pays contre l'introduction de la flexibilité des horaires et la transformation d'emplois permanents en emplois précaires. Alors peut-être verra-t-on Blair contraint de faire machine arrière face à la résistance des travailleurs. En tout cas, c'est ce que l'on peut souhaiter.
 
François ROULEAU
 
source :
http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=1710&id=25

Sources :    

- http://research.bnpparibas.com/applis/www/RechEco.nsf/ConjonctureByCountryFR/8E4615FAEDF51A37C125730E0047138F/$File/ C0707_F3.pdf?OpenElement

- http://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2008-1-page-165.htm - http://www.voxnr.com/cc/politique/EEkVAuFEZknqXnwqqQ.shtml

- http://www.politiquessociales.net/IMG/pdf/c979.pdf - http://www.liberation.fr/evenement/0101463639-tony-blair-a-reussi-son-pari-pour-l-emploi - http://www.cnp.fr/Risque-Prevoyance/Magazine/art_599_pr.htm

- http://vonric.blogexpat.com/blog/coup-de-coeur/2006/10/29/jai-lu-le-royaume-enchante-de-tony-blair-de-philippe-auclair

- http://blogs.mediapart.fr/blog/sebcrac/040109/le-mbo-ou-la-culture-du-resultat-selon-sarkosy

- http://www.lalettredeleducation.fr/Sandra-McNally-Sous-Tony-Blair-le.html

- http://www.dirlo.org/GoogleTapSG_article_486.html - http://3.bp.blogspot.com/-sj6PhEvufig/TaU5MIHTxjI/AAAAAAAAcAs/YlT5Lj0CH78/s1600/Tony-Blair-Clown--23707.jpg (Blair en clown)

    

      
   

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