Didier Fourcot (avatar)

Didier Fourcot

Abonné·e de Mediapart

15 Billets

0 Édition

Billet de blog 11 avril 2013

Didier Fourcot (avatar)

Didier Fourcot

Abonné·e de Mediapart

Adresses e-mail : (2) les castes

Didier Fourcot (avatar)

Didier Fourcot

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il existe différents genres d'adresses e-mail, et la différence entre ces castes n'est pas toujours bien perçue par ceux qui n'ont pas eu l'occasion de réfléchir au sujet. Si vous avez loupé l'épisode précédent, vous pouvez aussi consulter les bases.
Les professionnelles
Votre entreprise, administration ou employeur vous a sans doute attribué une adresse e-mail pour usage professionnel. La bonne pratique voudrait que vous ne l'utilisiez que pour un usage strictement professionnel, mais les tentations ou l'inattention peuvent conduire à étendre cet usage. Les fonctionnaires ont le même régime.
N'oubliez pas qu'utiliser cette adresse revient à écrire sur papier à en-tête de votre entreprise, à vous présenter avec un badge de l'entreprise et l'autorité attachée à vos fonctions. L'article 1384 du Code Civil prévoit en effet la responsabilité civile de l'employeur du dommage causé par ses préposés dans les fonctions auxquelles il les a employés.
Il est donc par exemple particulièrement maladroit d'écrire depuis votre adresse professionnelle à l'entraîneur de votre fille si l'entreprise est sponsor du club : la démarche peut être interprétée comme une pression du sponsor.
De même il est fortement déconseillé de signer sur un forum, une pétition ou des commentaires de votre nom et de votre titre : le nom vous appartient et vous engage, le titre appartient à votre employeur et pourrait l'engager.
Pensez aussi que le règlement de l'entreprise interdit aussi généralement ces pratiques et qu'il peut prévoir des sanctions graves: la signature avec votre adresse e-mail peut engager l'entreprise. La jurisprudence a par exemple condamné des salariés pour des propos antimésmites ou des contenus pornographiques envoyés depuis l'adresse professionnelle.
L'usage des adresses professionnelles ou désignant une profession peut être régi par une charte que vous avez intérêt à lire attentivement. Exemple chez avocats.fr.
Une salariée a par exemple été licenciée pour nombre excessif d'e-mails personnels envoyés.
Sauf mention spécifique dans l'objet du message entrant ou sortant, l'entreprise peut mettre en place des mesures techniques de filtrage ou de surveillance du contenu de vos messages (et vous avez l'habitude si vous êtes chez Apple ou Gmail pour vos messages privés). Un filtrage de mots-clés liés à la concurrence peut par exemple intercepter une discussion avec un collègue rencontré dans un congrès, ou une approche visant à se faire embaucher ailleurs, méfiance !
Ces mesures sont encadrées par le Code du travail (article L.121-8 : aucune information ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté à la connaissance du salarié" ou article L.432-2-1 imposant l'information et la consultation du comité d'entreprise avant la mise en œuvre dans l'entreprise de moyens de contrôle de l'activité des salariés), en pratique la mention de cette possibilité dans la charte d'utilisation est généralement considérée comme suffisante : chaque salarié est censé l'avoir lue et le comité d'entreprise en a été informé en temps voulu, souvent il y a des années.
Toujours suivant l'article 1384 du Code Civil qui prévoit la responsabilité civile de l'employeur, celui-ci pour se prémunir peut souhaiter exercer un contrôle : la disposition légale qui protège le salarié dans ses actions au nom de l'entreprise lui impose donc de ne pas abuser de ses attributions.
Remarquons pour les amateurs de subtilité juridique que l'article 226-15 du Code pénal punissant la divulgation de correspondance privée n'est pas opposable aux entreprises : le Code pénal prévoit certes leur responsabilité pénale depuis 1994, mais le droit pénal étant d'interprétation stricte, le texte de loi doit prévoir expressément cette responsabilité, et ce n'est pas le cas pour la violation du secret des corrsspondances : le droit français exonère donc par avance Google de teoute divulgation de vos courriels, mais aussi votre entreprise !
Dans la catégorie professionelle, on peut aussi citer au chapitre arnaque les fausses.
Un excellent récapitulatif "Relations du travail et Internet" est proposé par le Forum des droits sur l'Internet, sous différentes formes : recommandation, rapport fina, Questions-réponses au format HTML ou PDF.
Les adresses de fournisseurs d'accès (FAI)
Le fournisseur d'accès est celui auprès de qui vous payez votre abonnement, celui qui fournit votre "box" et celui qui renseignera la police sur vos activités sur l'Internet sur réquisition d'un juge.
En effet c'est l'accès à l'Internet qui est surveillé et identifié, pas ce que vous y faites: on contrôle votre nom et votre adresse à l'entrée du parc d'attractions, mais après vous pouvez mettre un masque de clown et taquiner les passants à votre guise.
L'intervention est rare et nécessite une plainte, une enquête et une commmission rogatoire d'un juge pour obtenir l'identification à partir de votre adresse IP, considérée à juste titre par la loi comme une donnée personnelle.
L'adresse e-mail de fournisseur, surtout celle par défaut généralement du type nom.prenom ou prenom.nom est donc immédiatement reliée à votre compte bancaire ou carte de crédit, pour votre présentation c'est comme une carte de visite accrochée à vos vêtements, elle est souvent vue comme l'adresse courante des gens qui n'ont rien à cacher.
Les comptes secondaires de l'adresse de fournisseur créés pour le conjoint, les enfants ou les activités multiples ont le même statut même si c'est moins évident et sont dits traçables : ils permettent de remonter facilement au titulaire de l'abonnement, et donc aux coordonnées complètes de ce titulaire.
Pensez-y en cas de désaccord familial ou de comportement imprévisible des enfants: comme pour Hadopi, c'est le titulaire de l'abonnement qui est responsable, ne srait-ce que du délit inventé pour l'occasion de "non-sécurisation de son accès Internet" (dont on attend toujours les moyens de sécurisation agréés, Hadopi a sombré dans le ridicule sur ce plan).
L'adresse e-mail attribuée avec votre abonnement téléphonique est du même statut que celle d'un fournisseur d'accès Internet, la plupart des fournisseurs d'accès ont aussi une offre mobile.
Les militantes
Les aficionados du Mac ont une adresse en me.com, les fondus d'Android ne jurent que par Gmail, chacun peut choisir son costume ou sa pancarte, avec les avantages et les inconvénients qu'on imagine selon le contexte et le public, un T-shirt rose ça peut être sympa à la gay pride, pour passer devant St-Nicolas du Chardonnet on peut choisir un blouson moins voyant. Il y a aussi les libres ou Tor mail (si vous ne savez pas ce qu'est TOR, vous n'en aurez probablement jamais besoin).
Les non-intrusives
Une définition intéressante est apportée par Net-C : si votre fournisseur d'adresse e-mail exploite ou possède aussi un moteur de recherche, un navigateur web, un réseau social ou une agence de publicité (Google cumule les 4 par exemple, plus un système d'exploitation que j'aurais bien inclus à la liste, histoire de ne pas dédouaner Microsoft), l'offre "gratuite" de service de messagerie répond bien évidemment à un intérêt d'entreprise et c'est vous le produit qui nourrissez la richesse de l'entreprise par vos données apportées jour après jour.
Net-C et la société exploitant Mail Object ont par ailleurs une offre de type ownCloud pour ceux qui ne veulent pas gérer leur propre serveur, qui sera l'objet d'un autre billet. On peut retenir que le modèle économique de votre fousnieeur de messagerie régit son intrusivité : s'il gagne sa vie en vantant son respect de la vie privée, il n'a pas les mêmes intérêt que s'il fait sa fortune sur la publicité ciblée.
Les spéciales
Il y a les sécurisées pour les paranos de la sécurité, qu'on peut même chiffrer pour plus de sécurité
ou pour les fans de Mission Impossible les autodestructrices
les jetables pour s'en débarrasser après usage et ne plus souffrir du spam
ou celles pour jouer à Qui a la plus longue?
Les anonymes ici, ou ailleurs encore à vos risques et périls : comme les lettres du même métal, elles ont mauvaise réputation.

Le prochain billet sera consacré aux gratuites.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.