Si je n’étais pas blogueuse débutante, peut-être n’irais-je pas voir. Mais chaque jour, je les vois reculer, et par le jeu de la mise en page, s’éloigner vers les limbes du blog, j’ai un regret. Ils ont écrit, ils se sont interrompus tout net. Car dans le premier billet, il y a toujours un élan, une indignation, une pensée, un désir, un besoin, bref, une nécessité. Le premier billet, même raté, est toujours intéressant.
J’écarte bien sûr les pros du blog, qui semblent disposer de succursales nombreuses, et ne s’en tiennentque rarement au billet unique. J’écarte la rédaction de Mediapart, même si Laurent Mauduit, un instant, a présenté un intéressant syndrome du double blog. J’écarte les pages publicitaires fixes, à finalité militante ou auto-promotionnelle.
Ces blogueurs de la rareté nous plantent là. Quitte à vous laisser en état de frustration. C’est un roman qu’on vous arrache des mains au premier chapitre, un murmure qui se perd dans la rumeur, une analyse qu’on vous prie de poursuivre, un défi à l’imaginaire, aussi.Tiens, Assemat. Le 19 mars, le voilà qui teste, et son billet de blog tient en un mot : vérification. Rassuré, il disparaît. Assemat serait-il un peu Groucho Marx, « je refuse d’appartenir à un club qui m’accepterait pour membre » ?
Sous le nom Fin de régime, Sylvie Gillet relate cette entrevue entre gens de papier, de lettres ou de mots, et les exécuteurs d’une ANPE produit dérivé qui encouragent à d’ahurissantes reconversions express.J’aime penser qu’un éditeur passait par là. A moins qu’elle ne lutte pied à pied pour ne pas devenir éditrice-fleuriste. On aimerait des nouvelles et je dis « on », car là-bas au fin fond du blog, quinze personnes ont recommandé le billet.
Et Fleury, en voilà un psychanalyste intrigant. Il nous lance, direct, un théma « psychanalyse du suicide quotidien ». Puis, rien. Forcément, on s’interroge. Peut-être devons-nous poursuivre via des commentaires ? Peut-être entend- t’il ponctuer nos efforts de billets liminaires, « mmm, oui » ? Peut-être des séances clandestines ont-elles lieu depuis plusieurs semaines via les « messages personnels » sur le site de Mediapart ? On ne sait, mais c’est inconséquent, pour ainsi dire.
Ah, marrant, m’étais-je dit en tombant sur Guy Dollé, « ancien directeur D’Arcelor Mittal ». Marrant n’est pas le mot juste pour qui est un peu flottant en matière de sidérurgie. Mais le titre du billet m’interpellait, comme dirait Fleury : « Vers la fin de l’euphorie ». Passant par hasard ou presque Gare de l’Est dans les années 80, la vision de solides gaillards en train d’en découdre avec les forces de l’ordre m’avait donné à penser que l’euphorie était morte, de ce côté-là. Depuis longtemps des amis intelligents m’expliquent pourtant comment ne pas confondre euphorie des marchés et euphorie salariée, ça rentre lentement. N’empêche, vu que dans la colonne en haut à gauche, notre conf’ de redac’, j’entrevois les ouvriersroumains d’Arcelor Mittal en pleine grève, j’espère un billet 2. Et Esther Benbassa, qui se prend direct un commentaire acerbe ? On sait que d’ordinaire il en faut plus pour la faire taire. Et Nicole Lapierre, elle donne à penser, merci de poursuivre.
Bien sûr, il y a quelque chose d’injuste dans le quantitatif du blog. A cette aune, Max Gallo caracole, Beckett est en fond de classe. ( Qu’Antoine Perraud me pardonne, c’est pur raccourci démonstratif, il s’en doute).Pourquoi se sont-ils interrompus ? La vie ? Impression de causer à la voûte étoilée d’internet ? Je ne sais, mais j’aime les 1 billet, sans palmarès d’aucune sorte.Autour de moi, on me dit que les blogs c’est nul, ma pauvre, logorrhée garantie, egos vautrés, dingues en goguette, faites-les taire, bien sûr , quand on ne peut s’exprimer nulle part, tous sourds, on ne sait jamais, on peut être « remarqué » ( ado), je ne trouve pas, pas tant que ça. Ca pose un petit problème de temps, heureux les insomniaques. Mais c’est aussi le lieu du pas de côté, qui permet d’appréhender le monde. Du corps pour Médiapart, journalqui choisit l’ossature sèche de préférence au remplissage. Alors, tant pis pour l’éventuelle cellulite. Et gloire au 1 billet.