Etoile66 (avatar)

Etoile66

Indépendante

Abonné·e de Mediapart

155 Billets

2 Éditions

Billet de blog 19 décembre 2008

Etoile66 (avatar)

Etoile66

Indépendante

Abonné·e de Mediapart

L'orthographe, l'illettrisme, contribution à la discussion

Etoile66 (avatar)

Etoile66

Indépendante

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Et pourtant, c'est dans cette tranche de vie, la toute petite enfance, que se joue en grande partie l'avenir du futur adulte et aussi sa future maîtrise ou non de la lecture et de l'écriture et la compréhension de ce qui est dit et écrit.

Le propre du tout petit enfant, c'est le jeu. C'est par le jeu qu'il apprend et découvre le monde.

Le système de l'Ecole maternelle français me semble trop cloisonné et "scolarisé". On l'appelle d'ailleurs l'école maternelle. Alors que dans les autres pays, on appelle cela le "Jardin d'enfants". Je parle du Nord de l'Europe. C'est un concept différent, l'un est basé sur le scolaire, l'intellectualisation des apprentissages, l'autre sur le jeu libre, sans aucune pression.

Mais non seulement en Europe du Nord, presque dans le monde entier, on appelle cette "institution" "Jardin d'enfants" où on met l'accent sur l'apprentissage par le JEU :

en anglais: "Kindergarten" : "jardin d'enfants" (concept allemand repris), aux Pays-Bas "kindertuin" "jardin d'enfants", en Chine 幼稚園 "jardin d'enfants", au Japon 幼稚園 "jardin d'enfants", en Israel   "גן ילדים  "jardin d'enfants", en Russie Детский сад "jardin d'enfants", au Portugal : "Jardim de infância", en Pologne on utilise Przedszkole, ce qui signifie "avant l'école", etc...

Il n'y a que dans les deux pays latins qui nous entourent qu'on parle d'école. En Espagne: "Educación preescolar", éducation pré-scolaire, en Italie: "Scuola dell'infanzia", école de l'enfance où apparaissent les termes "école" et "éducation".

L'enfant ne doit pas "savoir". Je suis persuadée que l'enfant doit comprendre, appréhender par lui-même au travers du jeu, ce qui n'est pas du tout pareil. Il faudrait que dès l'âge de 2ans, les enfants découvrent le français par le jeu actif et l'écoute, sans aucune pression de type scolaire.

  • „Nicht Wissen kräftigt, sondern Verstehen.“
    ("Ce n'est pas le savoir qui rend fort, mais le fait de comprendre")
    Adolph Diesterweg
    (1790–1866)

Par exemple, un groupe d'enfants assis par terre autour d'un/e adulte qui leur lit un conte, une histoire. Et les enfants jouent ce qu'ils ont entendu, et en jouant ils parlent et le dialogue s'installe et l'adulte peut voir si les mots sont compris. Ou tout simplement en décrivant des images. Le but n'est pas de faire des "singes savants" mais de leur donner les mots, outils de la Pensée.

Voir l'article et les commentaires sur "Le livre promenade - Une idée contre l'illettrisme ?"

Et

"Face à l'échec scolaire on est en manque de travaux de recherche en France"

C'est là que naît ce que d'aucuns appellent la fracture sociale. C'est donc là qu'il faudrait commencer à la soigner, à la réduire.

Je souhaite partager avec vous quelques expériences vécues hors de France, non pas pour dire que c'est mieux, mais pour alimenter la réflexion et la remise en cause. Celle-ci est très difficile dans le milieu de l'Education nationale. Il se trouve que je le connais bien, mon frère est proviseur, après avoir longuement enseigné en collège, son beau-père ancien inspecteur d'Académie, une belle soeur enseigne le français en lycée, etc... J'ai pour ma part enseigné le français à des Allemands pendant plus de 15 ans à Hambourg. Je ne parle donc pas ici de choses que je ne connais pas.

Pour revenir au sujet. Je suis pour un jardin d'enfants ouvert à tous les enfants d'un quartier, où ils peuvent dès 2 ans, faire l'apprentissage du français par le jeu, sous l'oeil bienveillant d'éducateurs qui ne se considèrent pas comme des enseignants mais des accompagnateurs. L'extension du vocabulaire par le jeu est selon moi essentiel. Evidemment, certains ne voudront pas envoyer leurs enfants dans cet établissement.

Mais beaucoup d'enfants traversent le système scolaire sans comprendre ce qui est dit à l'école - des enfants de langue maternelle française, les enfants issus de familles étrangères encore davantage. Et les enseignants n'ont pas le temps de le vérifier ni d'y apporter de remède, car ils ont comme mission l'enseignement de toute une classe.

C'est donc avant l'entrée en CP - contrairement à ce que dit Darcos - qu'il faut mettre l'accent sur le développement et l'extension du vocabulaire de manière systématique. Je suis absolument CONTRE la proposition de Sarkozy sur le "dépistage précoce" de la délinquence.

Mais je vous fais part de ce qui existe en Allemagne, ce sont les pédiatres qui sont chargés de contrôler la maîtrise des acquis à chaque âge depuis la naissance jusqu'à l'entrée en CP. Les examens réguliers sont obligatoires et payés par la sécurité sociale.

Les examens sont obligatoires et les parents qui ne présentent pas leurs enfants sont invités à le faire s'ils ne respectent pas le délai prévu. Ainsi, très tôt sont décelés les problèmes de vision, d'expression, de développement intellectuel et physique pour y remédier immédiatement.

On pourrait imaginer une collaboration entre les pédiatres - qui malheureusement en France ne sont vus que comme médecins qui soignent le corps et non comme accompagnateurs du développement de l'enfant de sa naissance à sa scolarisation - et les jardins d'enfants pour un soutien systématique dès l'âge de 2 ans.

Je poursuivrai en ouvrant un autre fil sur le problème de la TV et des jeux vidéos dans l'apprentissage des mots nécessaires à la pensée et le creusement de la "fracture sociale".

Avant de finir cependant, une anecdote qui montre clairement ce problème. En discutant avec la fille d'une voisine de 11 ans, en collège, je me suis aperçue qu'elle ne comprenait pas les mots "béton" et "axe" d'une voiture, alors que mon fils de 6 ans le savait. Elle vivait dans une famille où la TV était allumée du matin au soir. J'ai demandé à sa mère si, petite enfant, elle ne posait pas de questions pour savoir les choses. Non. Bien sûr, puisque la TV marchait tout le temps. J'ai essayé de l'aider, nous avons lu ensemble des textes simples et je me suis aperçu qu'elle ne comprenait vraiment qu'une partie infime du sens, peut-être un tiers. Mais je ne l'ai constaté qu'en posant des questions, car elle, elle ne disait pas qu'elle ne comprenait pas, elle faisait comme si tout était clair.

Cette fille a quitté l'école tôt pour faire un apprentissage. Son monde de pensée reste très limité car tout un océan de mots lui restent inconnus. Elle a grandi devant la TV en guise de "précepteur", sa toute petite enfance en crèche. Si on projette cela dans la réflexion citoyenne, c'est grave... on peut manipuler beaucoup plus facilement.

C'est ainsi que des milliers d'enfants traversent l'école primaire, avec un vocabulaire très pauvre, ils ne comprennent pas de quoi parlent les profs, il est clair qu'ils ne lisent pas et ne savent pas l'orthographe des mots. Mais l'orthographe n'est que la pointe de l'iceberg.

150.000 quittent le système scolaire français sans aucune formation. L'illettrisme touche 10 % de la population du pays. Une honte pour un pays dit développé.

C'est pourquoi je pense que toute la discussion sur la simplification de l'orthographe pour réduire la fracture sociale ne part pas assez profondément dans l'analyse du problème.

La suite sur le prochain fil: http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/etoile66/191208/le-role-de-la-tv-dans-l-acquisition-des-mots-pour-penser

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.