Le couple franco-tunisien dont nous avons narré l’heureux PACS dans un précédent billet n’est pas au bout de ses peines. Car le jeune homme est toujours en séjour irrégulier. Il a été interpellé le 25 février au moment de reprendre le train au retour du travail, et placé en garde à vue.
Folle angoisse de sa compagne, qui ne peut le joindre, son portable étant bloqué. Contactée par le commissariat où il est retenu, on lui demande d’apporter le passeport du garçon. Le passeport aux mains de la police, il ne manque plus qu’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) et un billet d’avion, et le voilà renvoyé dans son pays d’origine, loin de la vie qu’il commence à construire ici avec sa belle. Elle ne sait pas où est ce passeport. C’est bête, non ? Au téléphone, pour la calmer, nous lui expliquons les différentes étapes du processus, avec à chaque fois les ouvertures possibles : garde à vue [il peut être libéré avant la fin des 48 heures] ; transfert en centre de rétention administrative (CRA) [contester par écrit l’APRF, demander l’assistance de la Cimade, présente dans le CRA jusqu’au 31 mai par contrat avec l’Etat] ; présentation dans les deux jours devant le juge des libertés et de la détention (JLD), qui peut le libérer s’il y a eu une erreur dans la procédure allant de l’interpellation jusqu’à l’internement ; intervention du tribunal administratif (TA) , qui peut annuler l’APRF (mais le préfet peut faire appel, et certains ne s’en privent pas) ; et surtout, la police a deux laps de temps de 15 jours, séparés par un deuxième passage devant le JLD, pour obtenir un laissez-passer consulaire (LPC) qui permettra le renvoi vers le pays d’origine. Les consulats sont plus ou moins coopératifs pour reconnaître leurs nationaux en instance d’expulsion. Et il arrive que l’on ressorte du CRA à l’issue des 32 jours. Noter que la directive ‘’retour’’ votée par le Parlement européen le 18 juin 2008 et adoptée le 9 décembre suivant, sans débat, en Conseil des ministres ‘’Transports, télécommunications et énergie’’, permet désormais de porter cette durée maximale à 18 mois. Cette jeune dame peut s’estimer heureuse, avec la perspective de seulement 32 jours de privation de liberté pour son conjoint, alors que cela pourrait être un an et demi ! Par chance, notre jeune homme a été libéré après 24 heures de garde à vue, muni d’un imprimé officiel lui rappelant qu’il n’a pas le droit d’être en France et qu’il doit la quitter. Sinon, on pourrait bien l’y obliger. Toutes choses qu’il sait déjà. Cet imprimé (il en existe plusieurs versions) redouble l’inquiétude des étrangers conscients de la précarité administrative de leur séjour. Suffit-elle à les décider à bouleverser de nouveau leur vie ? Certes, si ces personnes repartent d’elles-mêmes et à leurs frais, cela fera faire au ministère quelques économies sur les 42 millions d’euros que lui coûtent annuellement les expulsions. Notons au passage que le jeune homme a été interpellé alors qu’il rentrait du travail. Il a donc un emploi et un employeur. Il est pourtant dépourvu de titre de séjour ‘’l’autorisant à travailler’’. Il aura une chance d’obtenir ce précieux papier quand il pourra prouver au préfet de son domicile qu’il a poursuivi la vie commune avec sa pacsette française depuis un an : toutes sortes de papiers (factures, feuilles d’impôts, quittances, etc) pour espérer obtenir des papiers. Epouser un-e français-e alors que l’on est en situation irrégulière est déjà toute une entreprise car bien des mairies font des difficultés, et il semble que les greffes des tribunaux d'instance reçoivent des instructions allant dans le même sens. Et ensuite, marié ou pacsé, régulariser sa situation peut s’avérer extrêmement incertain. Curieux exemple d’une loi de la république qui, sous prétexte de contrôler les étrangers, persécute ses propres citoyens, puisque l’un des conjoints est français. La multiplication des obstacles et la répétition des expulsions ont amené des couples franco-étrangers à se regrouper dans le collectif Amoureux au ban public , à partir d’une initiative de la Cimade de Montpellier. Exemple de complications peu compréhensibles : un étranger est entré en France avec un visa touristique, puis est resté au delà de sa validité. Il/elle a rencontré un-e français-e et ils se sont mariés. Dans ce cas, ô merveille, il/elle n’est pas obligé-e de retourner au pays demander le visa de long séjour nécessaire (?) à sa régularisation. C’est la préfecture qui doit demander ce visa au consulat de France correspondant. S’agissant de deux administrations dont les décisions en la matière relèvent du même ministère, on se dit que cela va simplifier la vie du couple. Erreur ! En effet, selon le collectif, lors d’un entretien avec la préfecture de police, un haut responsable ‘’ nous a expliqué les difficultés techniques qui pouvaient se poser notamment dans le cadre de la transmission des dossiers, qui doit se faire de manière sécurisée. La procédure est très lourde et certaines erreurs peuvent survenir au moment de cette transmission de dossier. C’est une procédure également compliquée à gérer par la préfecture qui est tout à fait consciente des difficultés de coordination qui peuvent parfois se poser entre ses services et les consulats de France à l’étranger. Cependant, ce n’est, à son sens, pas à la Préfecture de relancer le consulat en cas de non réponse mais à l’intéressé de faire les démarches .’’ En d’autres termes, les procédures légales pèsent décidément trop à l’administration chargée de les appliquer. Un peu de droit : les Amoureux au ban public ont publié, avec le soutien du Syndicat de la Magistrature, un guide sur les obligations et les droits des maires en ce qui concerne le mariage, téléchargeable ici. Martine et Jean-Claude Vernier--Pour consulter la liste des billets : Thème du blogPour être informé par courriel de la mise en ligne des nouveaux billets de Fini de rire, on peut s’inscrire via ce site .