Que peut bien vouloir dire l’expression ‘’développement solidaire’’ figurant au fronton du ministère de l’immigration ? On commence à avoir quelques éléments pour comprendre ce dont il s’agit. Le ministère signe avec des pays d’Afrique des accords dits ‘’de gestion concertée des flux migratoires’’ aux termes desquels, en échange de la facilitation de l’expulsion de ses nationaux, le pays partenaire obtient des quotas d’émigration de travail vers la France, sur des listes de métiers plutôt qualifiés, et une aide au développement qui n’ajoute pas grand-chose aux dispositifs de droit commun. Sept pays ont déjà signé, mais le Mali fait de la résistance. Ces accords s’articulent donc autour de trois volets :
- encadrement de la migration légale
- coopération administrative et policière dans la lutte contre l’immigration irrégulière
- aide au développement.
Parmi les sept accords bilatéraux déjà signés, un seul à être entré en vigueur à ce jour. Il concerne le Gabon (www.gisti.org/IMG/pdf/norimig0800044c.pdf, www.avocats.fr/space/emmanuelle.cerf/content/accord-franco-gabonais-entre-en-vigueur-au-1er-septembre-2008_21F062BD-1581-4779-8B16-B9D4BA597AAD). Les accords avec le Bénin, le Sénégal, la Tunisie et le Congo-Brazzaville ont été examinés par le Sénat le 16 décembre 2008 (www.elianeassassi.org/article.php3?id_article=4258). Les autres pays concernés sont le Cap Vert et l’Ile Maurice. D’autres accords sont en cours de discussion, et le ministre espérait, le 25 novembre 2008, les conclure ‘‘dans les prochaines semaines, voire les prochains mois.’’ Selon l’analyse du GISTI (www.gisti.org/spip.php?article1291), ‘’ces accords sont dangereux. Ils s’inscrivent dans la politique globale menée par l’UE et ses États membres pour sous-traiter la gestion des flux migratoires. Ainsi, toute aide au développement, voire toute « coopération économique ou commerciale » est désormais subordonnée à leur négociation.’’Un gain important attendu de ces accords est une meilleure coopération des pays signataires pour la réadmission de leurs ressortissants. Car un étranger ne peut être expulsé sans son passeport, et le maximum légal de 30 jours d’internement en Centre de Rétention Administrative (CRA) ne suffit pas toujours à obtenir de consulats peu coopératifs le laissez-passer consulaire qui en tient lieu. Le cas du Mali
Le Mali et les maliens sont des partenaires majeurs de la France dans le processus migratoire. Et les dispositifs officiels et associatifs qui s’en occupent sont nombreux. Nous citons deux exemples :
- Du côté officiel (http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/08/1463&format=HTML&aged=0&), le Centre d’Information et de Gestion des Migrations (CIGEM), inauguré le 6 octobre 2008 à Bamako, ‘’est un projet-pilote qui devrait être répliqué dans les autres pays Ouest-Africains. Le CIGEM est le résultat de la coopération entre le gouvernement malien et la Commission européenne dans le but de fournir une réponse au phénomène des migrations. Il devrait aider le Mali à définir une politique migratoire prenant en compte les besoins des migrants potentiels, les migrants rapatriés et les Maliens résidant à l’étranger’’. Selon un texte d'Aminata Traore mis en ligne par C.Malbos, blogueuse de Mediapart, (Au Mali, inauguration de la "Tour de guet avancée de la forteresse Europe") il s’agit surtout de renforcer contrôle des migrants. Et, au passage, de leurs ressources. En effet, les envois privés de fonds, fruit des économies des travailleurs expatriés, représentent une somme plus importante que les aides officielles au développement. Il est grand temps de les canaliser ! Voir à ce sujet l’article de Carine Fouteau Au Mali, l'argent des émigrés pèse bien plus lourd que l'aide au développement (Note ajoutée le 7 janvier).- Du côté de la société civile, l’AME, Association Malienne des Expulsés (www.expulsesmaliens.org) a été créée en 1996. Elle accueille les expulsés à l’aéroport et les soutient en leur apportant un hébergement provisoire, en les orientant vers un centre de santé, une permanence juridique, en les mettant en contact avec leurs familles ou avec leurs avocats et soutiens dans le pays expulseur, etc. En plus de l’accueil d’urgence, l’objectif de l’AME est de défendre le droit des expulsés, d’interpeller les pouvoirs publics, de sensibiliser les populations.
- Toujours au Mali, on lira avec profit le billet du 6 janvier 2009 d’Aminata D. Traore : Plaidoyer pour une politique migratoire Maliano-française véritablement concertée et solidaire (Note ajoutée le 7 janvier).L’expulsion est la conclusion dramatique d’un épisode où l’on a tout tenté dans l’urgence pour faire valoir le droit au séjour de l’étranger retenu. Grâce à la présence de la Cimade dans les CRA - jusqu’au 31 mai 2009 en attendant la suite (voir l’article de Carine Fouteau : Centres de rétention: Hortefeux publie un nouvel appel d'offres ). Mais le travailleur qui est expulsé a travaillé en France, et pas toujours au noir. Il se peut donc qu’il ait payé pendant des années toutes les taxes et cotisations associées au salaire. Une pyramide qui repose sur sa pointe, le titre de séjour avec autorisation de travailler. Il a donc payé indûment certaines de ces sommes, qui devraient lui être retournées, mais cela demande des démarches longues et compliquées. Dans l’autre sens, l’administration est mieux équipée. Ainsi, les Caisses d’Allocations Familiales ne manquent pas d’exiger le remboursement de prestations indûment perçues, quand le bénéficiaire a eu la chance d’être régularisé, et non expulsé, après une période de travail avec de faux papiers. La négociation d’un accord bilatéral est engagée depuis deux ans, mais le Mali n’a toujours pas signé ! Le ministre escomptait une signature à l’occasion de la réunion à Paris, le 25 novembre 2008, de 80 délégations d’Europe et d’Afrique pour définir un Programme de coopération pluriannuel en matière de migration et de développement (www.migreurop.org/article1325.html). En vain. Espoir reporté au 7 janvier, avec le déplacement à Bamako d'une importante délégation française (www.liberation.fr/societe/0101308948-hortefeux-veut-un-accord-avec-le-mali-pour-expulser-a-l-aise). Selon le RESF (http://www.educationsansfrontieres.org/spip.php?article17207), ‘’cela fait plusieurs fois que la France tente d'imposer cet accord... impopulaire au Mali et encore plus dans la diaspora malienne. La mobilisation de l'opinion malienne, au Mali mais aussi en France avait convaincu les autorités maliennes de refuser cet accord. Il est encore temps d'aider le Mali, qui avait vaillamment résisté jusqu'alors, à ne pas céder aux pressions très appuyées’’ du ministère de l’immigration. L’AME, conjointement avec la Cimade, publie un communiqué (en fichier joint) appelant ‘’la société civile en France et au Mali à se mobiliser pour faire respecter les droits fondamentaux des migrants et rejeter un tel accord auquel ni le Mali, ni les maliens n'ont intérêt’’. Martine et Jean-Claude VernierNote ajoutée le 18 janvier: le Mali n'a toujours pas signé! (www.cimade.org/nouvelles/1372-Le-Mali-refuse-de-signer-l-accord-de-gestion-des-flux-migratoires) --
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Billet de blog 3 janvier 2009
Développement solidaire avec le Mali?
Que peut bien vouloir dire l’expression ‘’développement solidaire’’ figurant au fronton du ministère de l’immigration ? On commence à avoir quelques éléments pour comprendre ce dont il s’agit. Le ministère signe avec des pays d’Afrique des accords dits ‘’de gestion concertée des flux migratoires’’ aux termes desquels, en échange de la facilitation de l’expulsion de ses nationaux, le pays partenaire obtient des quotas d’émigration de travail vers la France, sur des listes de métiers plutôt qualifiés, et une aide au développement qui n’ajoute pas grand-chose aux dispositifs de droit commun. Sept pays ont déjà signé, mais le Mali fait de la résistance.
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