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Billet de blog 4 avril 2014

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Bienvenue au ministre en charge des migrants

Derrière un voile d'améliorations en trompe-l'œil et de mesurettes promises mais toujours pas adoptées, la politique du pont-levis et de la meurtrière à l'égard des migrants laisse le nouveau ministre face à des situations désastreuses.

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Derrière un voile d'améliorations en trompe-l'œil et de mesurettes promises mais toujours pas adoptées, la politique du pont-levis et de la meurtrière à l'égard des migrants laisse le nouveau ministre face à des situations désastreuses.

A. est guinéen. Muni d'un visa en tant qu'étudiant, il est arrivé en 2008 à Rennes pour poursuivre des études en mathématiques et informatique pour l'économie. Arrivé en Master 2 (bac+5), il ne valide pas son diplôme et se réoriente vers une licence (bac +1 à +3) en informatique. L'administration ne plaisante pas avec la reconversion des étudiants étrangers: il est interdit d'élargir sa formation dans une autre spécialité. Son titre de séjour lui est retiré en décembre et il lui est signifié l'obligation de quitter le territoire (OQTF). Il est alors assigné à résidence, avec obligation de pointer deux fois par semaine à la police aux frontières (PAF). Ce garçon a une vie, il vit en couple, et le voilà parti à Morlaix pour se pacser. Mais Morlaix, c'est dans le Finistère, et A. n'avait pas le droit de sortir de l'Ille et Vilaine ! La punition tombe au pointage suivant: mise en rétention, et en route pour l'expulsion !

Les étudiants de son université n'ont pas du tout apprécié le zèle pointilleux de la PAF. Le jour même ils se sont rassemblés en assemblée et ont décidé de débrayer en soutien à A. Près d'une centaine d'entre eux envahissaient la préfecture pour demander la libération et la régularisation de A. La réponse de l'administration a été une évacuation policière musclée. Ne se décourageant pas pour autant, ils se sont invités à la réunion publique des candidats de gauche unis pour le deuxième tour des municipales, que les organisateurs ont dû annuler. Finalement, A. a été libéré par le juge des libertés et de la détention, pour "interpellation déloyale"!

Madame B. est algérienne. Elle a quitté Oran il y a plusieurs années avec ses deux premiers enfants. Elle n'a pu atteindre la France que récemment, après deux ans passés dans un camp à Melilla, une enclave espagnole au Maroc. Les deux aînés, 9 ans et 10 ans, vont à l'école à Saint-Denis (93) En chemin, avec son nouveau compagnon, rencontré en Espagne, elle a eu un troisième enfant et elle attend le quatrième. Ni elle ni son compagnon n'ont de titre en séjour, ce qui leur interdit tout emploi déclaré - le premier créneau selon les textes en vigueur, ce sera en 2018. Des pauvres parmi les plus pauvres, qui cherchent à survivre par leurs propres moyens, mais qui ont aussi besoin du SAMU social pour abriter leurs petits. S'ils ne repartent pas, c'est que leur propre pays a encore moins à leur offrir. Que faire? On pourrait peut-être cesser de leur interdire de travailler normalement, ce qui les aiderait à reconstruire leur vie? Ce serait une vraie révolution... Ou, alors, mettre toute la famille dans une bétaillère marquée "retour à l'envoyeur"? Difficile, avec toutes ces normes européennes et internationales sur le respect des droits de l'homme. Là-dessus, madame B. commet un délit mineur (sans suite pénale) qui provoque son interpellation et sa mise sur les rails de l'expulsion, le 21 mars 2014, ce qui laisserait ses enfants orphelins mais toujours en France, puisque non expulsables en tant que mineurs. Mais le préfet reste sur sa position: expulsez-moi ça! Une mobilisation improvisée mais visible a quand même permis sa libération le 3 avril.

A Strasbourg, des citoyens européens, qui se trouvent être des Roms migrants, sont rassemblés à 12 km de la ville, sur le terrain militaire du Fort Hoche. Là, derrière une double clôture, répartis par famille dans une trentaine de caravanes, une centaine d’hommes, femmes et enfants vivent, surveillés 24 heures sur 24. Un important dossier "évolutif et participatif" sur ce camp est consultable ici.

A Rennes, une famille avec un fils mineur âgé de 17 ans ayant fui l'Iran a été interpellée à l'aéroport de Nantes, où ils étaient en transit pour tenter de rejoindre l'Angleterre. Enfermée au centre de rétention administrative (CRA) de Rennes le 29 mars, avec un vol pour Téhéran prévu le 7 avril, elle a été libérée le 3 avril par le juge des libertés et de la détention (JLD): il n'y a pas au CRA de règlement traduit en farsi ! Leur défenseur a su dénicher cette "négligence" salvatrice...

Une fois digérée le désappointement sur la persistance de la même politique migratoire, les beaux jours ravivent les résistances. A Marseille, jeudi 3 avril à 9 heures, devant le tribunal administratif : des slogans, des jeunes, des profs, des pancartes et banderoles, un mégaphone… "Solidarité avec Sefo… Les expulsions ça coûte des millions, nous on les veut dans l'Éducation… Il vit ici, il étudie ici, il reste ici !..." Plus d'une centaine de lycéens et professeurs du lycée Victor Hugo, avec des militants du Réseau Éducation Sans Frontières, témoignent bruyamment de leur indignation face à la menace d’expulsion qui vise Sefo, ses parents et son frère de cinq ans. Sefo et ses parents font appel de la décision d’obligation de quitter le territoire suite au refus de leur demande d’asile. Réponse dans les prochains jours… Quelle qu’elle soit, les camarades de Sefo, avec leurs professeurs, sont déterminés à poursuivre leur action solidaire afin que lui et sa famille soient régularisés.

Et à Rennes, à peine élus au conseil municipal sur la liste de gauche, les têtes de liste EELV et Front de gauche expriment leur soutien aux demandeurs d'asile malmenés et leur offrent un abri !

Dernière minute: on apprend que le ministère des Affaires Étrangères a retrouvé la responsabilité du commerce extérieur à la faveur du remaniement gouvernemental. Et s'il rapatriait aussi celles de l'asile et des visas, dont il a été dessaisi par le précédent quinquennat? Ces questions, qui relèvent de la solidarité internationale et d'une réflexion géopolitique, cesseraient enfin d'être traitées comme de simples problèmes d'ordre public.

Martine et Jean-Claude Vernier

Chez votre libraire Être étranger en terre d'accueil, 77 regards sur l'immigration.

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